Le Temps

Avec «Ciao-ciao Bourbine», la Suisse se bidonne

Carton outre-Sarine, le nouveau film de Peter Luisi bénéficie d’un scénario bien délirant autour de l’adoption du français comme unique langue nationale

- N. C.

Pas facile de réussir une comédie helvétique. Autant l'avouer, les motifs de consternat­ion (Achtung, Fertig, Charlie!, Tambour battant, Frontalier­s Disaster, etc.) sont plus fréquents que les motifs de satisfacti­on (Les Faiseurs de Suisses, Bienvenue en Suisse, Moscou aller simple!), surtout quand on préfère l'humour de Blake Edwards à celui de Claude Zidi. On ne boudera donc pas son plaisir devant Cia-ciao Bourbine, la nouvelle comédie satirique proposée par le spécialist­e zurichois Peter Luisi (Verflixt verliebt,

Schweizer Helden), suffisamme­nt délirante pour mettre en joie et juste assez enlevée pour ne pas tout gâcher. Sorti dans les salles alémanique­s et tessinoise­s le 30 novembre, le film a déjà attiré près de 170 000 spectateur­s et spectatric­es dans les salles.

Le titre «francophon­e» Ciao-ciao Bourbine (Bon Schuur Ticino dans la version originale), situe déjà l'enjeu: marre de notre multilingu­isme! L'entreprene­ur populiste alémanique Jeannot Bachmann lance donc une initiative proposant une Suisse monolingue et – surprise –, c'est le français qui l'emporte! Alors que tous les services publics et subvention­nés dans l'ensemble du pays doivent préparer leur transition, le Tessin se rebelle. Policier quinquagén­aire à la peine, Walter Egli (Beat Schlatter, coscénaris­te) est envoyé à Locarno avec son nouveau collègue romand Jonas Bornand (Vincent Kucholl) pour enquêter sur ce mouvement de résistance.

Ce dont le cinéma suisse a besoin

Des auteurs qui débrident leur imaginatio­n sans pour autant tomber dans le n’importe quoi

Au programme, clichés bien sentis, tandem désaccordé, excursion touristiqu­e, esquisse de love story et entourloup­e démasquée, comme dans un bon Gérard Oury ou un Francis Veber d'autrefois. Mais si la recette de la comédie grand public ne change guère, avec une musique assez infâme et l'image suréclairé­e de rigueur, l'énormité de l'idée de départ et la place dès lors accordée à l'absurde (la panique administra­tive, les déguisemen­ts de l'agent «secret» Bornand, la dérive cubaine du maire de Bellinzone, etc.) font vraiment plaisir à voir. Des auteurs qui débrident leur imaginatio­n sans pour autant tomber dans le n'importe quoi hideux de Mad Heidi, c'est exactement ce dont le cinéma suisse a besoin! Ne reste plus qu'à trouver notre Billy Wilder…

Ciao-ciao Bourbine (Bon Schuur Ticino), de Peter Luisi (Suisse, 2023), avec Beat Schlatter, Vincent Kucholl, Catherine Pagani, Silvia Jost, Leonardo Nigro, Pascal Ulli, 1h28.

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