Praille-Acacias-Vernets: la répartition des terrains crée des tensions
La Fondation PAV a dévoilé la politique d’attribution des terrains dont elle est propriétaire. Elle entend privilégier les maîtres d’ouvrage d’utilité publique, ce qui crispe les milieux immobiliers
XQui aura la chance de construire des logements dans le gigantesque projet d’aménagement Praille-Acacias-Vernets (PAV) à Genève? Cette question centrale rouvre la boîte de Pandore des batailles politiques sur ce périmètre hautement disputé et voué à devenir un nouveau centreville. Le tout, à moins de deux mois d’un vote sur deux référendums de droite visant à accroître la part de propriétés privées au sein du PAV.
A l’origine des tensions? La manière dont la Fondation PAV entend attribuer les terrains qu’elle détient, soit quelque 60% des surfaces totales. En clair, il s’agit pour elle de définir à quel type d’acteur immobilier les terrains vont être loués en droit de superficie pour y construire quelque 7750 logements. Mettant en avant son rôle d’utilité publique, la fondation a établi une ligne claire présentée hier devant un parterre d’acteurs immobiliers: en zone de développement, c’est-à-dire contrôlée par l’Etat, au moins 60% des terrains seront destinés à des «maîtres d’ouvrage d’utilité publique». A l’intérieur de ce pourcentage, au moins 40% seront dévolus à des fondations ou des coopératives sans but lucratif et 20% à des fondations immobilières de droit public, qu’elles soient cantonales ou communales. Le choix reste ouvert pour les 40% restants. Rappelons qu’au sein du PAV, un quota de 62% de logements d’utilité publique a été fixé.
Concrètement, des appels à projets seront lancés dès 2025 pour les plans localisés de quartier (PLQ) entrés en force, sous forme de lots de 150 ou 200 logements. Aujourd’hui, c’est le cas de deux périmètres seulement, celui des Vernets et celui d’Acacias 1, qui prévoit 2300 logements. «Les candidats seront évalués sur leurs compétences et sur la qualité des projets», précise le président de la Fondation PAV, Robert Cramer, soulignant qu’une charte de qualité urbaine, architecturale et paysagère a été établie. Elle comprend notamment des enjeux de durabilité, d’inclusion ou encore de mixité sociale. Qui composera les jurys? La fondation ne donne pas de précisions, soulignant que la spécificité de chaque projet pourrait voir intervenir des experts différents.
«Il fallait fixer un cap»
Pourquoi choisir d’octroyer 60% des terrains à des maîtres d’ouvrage d’utilité publique? Robert
Cramer, qui s’apprête à céder sa place à l’ancien président du PLR Bertrand Reich, évoque un cadre légal et une intention politique.
«Il fallait fixer un cap, le pire aurait été de choisir au cas par cas, terrain par terrain», estimet-il, soulignant que ce pourcentage a été fixé en tenant compte de l’ensemble des acteurs fonciers publics et privés du périmètre PAV. Dans un communiqué, le Groupement des coopératives d’habitation genevoises a salué un «signal fort» et un «choix politique clair» en faveur des coopératives.
Une «décision arbitraire»
Les milieux immobiliers, conviés hier à la présentation comme l’ensemble des acteurs, ne l’entendent pas de cette oreille. «L’intérêt public, ce n’est pas de favoriser certains maîtres d’oeuvre au détriment d’autres», pointe Christophe Aumeunier, secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière (CGI), déplorant une «décision arbitraire». A ses yeux, il n’y a aucune raison objective de pénaliser les acteurs privés dans la mesure où même si la loi spécifie le pourcentage de logements d’utilité publique, elle ne dit pas qui doit les construire. «Et ce n’est pas comme si on pouvait dire qu’avec des privés, il y aura moins de contrôle puisque l’Etat gardera de toute façon la maîtrise à long terme», estime-t-il, pointant une forme de favoritisme qui serait très politique. Pour cet avocat de formation, la répartition voulue par la fondation n’est pas tenable au niveau juridique et risque d’engendrer des blocages. «Ce matin, la fondation a tout simplement mis un coup de frein au développement du PAV ce qui, au final, portera préjudice à tout le monde», déplore-t-il.
Même si elle n’est pas en lien direct avec l’attribution des terrains, la votation du 3 mars n’est pas de nature à apaiser les tensions. Emanant de la droite, un premier référendum souhaite doubler la proportion de propriétés par étages (PPE) au PAV, la faisant passer de 12 à 24% au détriment des loyers libres.
Un second, issu du même bord politique, souhaite que les PPE puissent être acquises en pleine propriété et non pas en droit de superficie comme c’est le cas aujourd’hui.
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«L’intérêt public, ce n’est pas de favoriser certains maîtres d’oeuvre au détriment d’autres» CHRISTOPHE AUMEUNIER, SECRÉTAIRE GÉNÉRALE DE LA CGI