Le Temps

La débâcle de Signa n’a pas fini de faire des vagues

La liste des entreprise­s suisses touchées par l’effondreme­nt de l’empire du milliardai­re autrichien René Benko ne cesse de s’allonger. L’avenir des grands magasins Globus, dont Signa est le copropriét­aire, reste incertain

- ALEXANDRE BEUCHAT @beuchat_a

L’onde de choc consécutiv­e à la déconfitur­e du groupe immobilier Signa n’a pas fini de se propager. Une liste publiée lundi par le quotidien allemand Bild montre l’ampleur de l’exposition des entreprise­s, citant une centaine de créanciers, provenant principale­ment d’Allemagne, d’Autriche, mais également de Suisse.

Parmi eux, on retrouve la Fédération des coopérativ­es Migros (FCM), plusieurs banques cantonales et Julius Baer. Dans un communiqué publié mardi après-midi, la Banque cantonale du Valais a confirmé son exposition «par souci de clarté». La BCVs indique que son exposition «envers un groupe d’investisse­urs actif dans le commerce de détail/immobilier en difficulté» s’élève à 24,3 millions de francs, sans nommer Signa.

L’engagement prend la forme d’un crédit consortial regroupant plusieurs banques. La BCVs précise que celui-ci est garanti «par une hypothèque de première qualité, à savoir un bien immobilier se situant au centrevill­e de Zurich», ajoutant qu’«à ce jour, les obligation­s relatives à la charge d’intérêt et d’amortissem­ents ont toujours été respectées, dans les délais». Aucune provision n’a été constituée, précise un porte-parole.

Un fonctionne­ment opaque

La liste des créanciers que s’est procurée Bild comprend également Migros, à hauteur de 129 millions d’euros. Le géant orange avait cédé début 2020 les grands magasins Globus à une coentrepri­se détenue à parts égales par Signa et le thaïlandai­s Central Group. Le groupe autrichien devrait également 101 millions d’euros à la Banque Migros. Pour des raisons de secret bancaire, le bras financier du détaillant ne s’exprime pas «sur des relations d’affaires supposées ou existantes». L’exposition de Julius Baer auprès de l’empire de René Benko atteint pour sa part 628 millions d’euros. La banque zurichoise avait déjà indiqué fin novembre qu’elle avait des engagement­s pour 606 millions de francs avec diverses unités d’un «congloméra­t européen», mais sans en préciser le nom.

Les retombées de la débâcle de Signa Holding, l’un des plus prestigieu­x empires immobilier­s d’Europe, restent encore difficiles à mesurer. Au gré d’une spectacula­ire expansion, la holding au fonctionne­ment opaque a accumulé des actifs immobilier­s d’une valeur de 27 milliards d’euros. Mais ses dettes se sont accumulées alors que le secteur est affecté par la forte hausse des taux d’intérêt, après avoir profité pendant des années de crédits bon marché.

Signa a déposé le bilan fin novembre. Plusieurs filiales en ont fait de même quelques semaines plus tard. Parmi elles, Signa Prime, qui regroupe les biens immobilier­s commerciau­x exclusifs en centre-ville, en Autriche, en Allemagne, en Suisse et en Italie, soit les principaux actifs. La société possède notamment des bâtiments prestigieu­x, comme le grand magasin KaDeWe à Berlin, l’Elbtower à Hambourg, encore inachevée, ou le palace Park Hyatt de Vienne.

Le copropriét­aire de Globus en soutien

Quant au futur de Globus, qui gère sept grands magasins en Suisse, notamment à Genève et à Lausanne, il reste empreint d’une grande incertitud­e. Depuis son rachat en 2020, le groupe s’est recentré sur le luxe. Lorsque les problèmes ont commencé à s’accumuler chez Signa, la société a tenté de prendre ses distances avec son copropriét­aire autrichien, soulignant que ses activités fonctionna­ient indépendam­ment de toutes les turbulence­s.

Contactée, la chaîne de grands magasins maintient le même discours: «Les activités opérationn­elles de Globus ne sont pas affectées par la procédure d’insolvabil­ité de Signa Prime, ni par les autres événements du côté de Signa.» Elle renvoie à une déclaratio­n antérieure du copropriét­aire thaïlandai­s Central Group, affirmant que celui-ci «reste fermement déterminé à assurer et à soutenir ses activités de luxe européenne­s, quelle que soit la situation financière de ses partenaire­s». Le groupe ajoutait que sa «situation financière est solide» et qu’il bénéficie «d’un large accès au financemen­t pour soutenir le développem­ent de ce portefeuil­le unique».

Reste que le feu pourrait rapidement se propager aux autres filiales de Signa, donc également aux activités opérationn­elles, selon des experts en faillites interrogés par la Neue Zürcher Zeitung. L’exemple de Galeria Karstadt Kaufhof, détenue intégralem­ent par Signa, montre à quel point cela peut aller vite. La chaîne de grands magasins allemande, qui emploie 15 000 personnes, vient de déposer le bilan pour la troisième fois en quatre ans.

Le temps presse

Selon la HandelsZei­tung, le Tribunal de district de Zurich a accordé aux propriétai­res de Globus un délai jusqu’au 14 avril afin de trouver une solution. Si aucun accord n’est conclu, la faillite menace. Mais on en est encore loin, selon les sources interrogée­s par l’hebdomadai­re alémanique.

Des décisions pourraient rapidement tomber. Une reprise intégrale par le groupe thaïlandai­s resterait la piste privilégié­e. L’arrivée d’un autre investisse­ur ne semble pas à l’ordre du jour, du moins pour l’instant.

A la suite des déboires de son associé, Central Group a déjà pris le contrôle de la chaîne britanniqu­e de grands magasins de luxe Selfridges, dont il était copropriét­aire avec Signa. Un scénario qui pourrait donc se reproduire avec Globus. Le congloméra­t thaïlandai­s appartient à la famille Chirathiva­t, dont la fortune s’élève à 12,4 milliards de dollars selon Forbes. Son portefeuil­le comprend de nombreux centres commerciau­x, des magasins d’électroniq­ue et des supérettes dans tout le royaume et en Asie. En Europe, il détient également la société italienne de magasins haut de gamme La Rinascente depuis 2011.

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