La débâcle de Signa n’a pas fini de faire des vagues
La liste des entreprises suisses touchées par l’effondrement de l’empire du milliardaire autrichien René Benko ne cesse de s’allonger. L’avenir des grands magasins Globus, dont Signa est le copropriétaire, reste incertain
L’onde de choc consécutive à la déconfiture du groupe immobilier Signa n’a pas fini de se propager. Une liste publiée lundi par le quotidien allemand Bild montre l’ampleur de l’exposition des entreprises, citant une centaine de créanciers, provenant principalement d’Allemagne, d’Autriche, mais également de Suisse.
Parmi eux, on retrouve la Fédération des coopératives Migros (FCM), plusieurs banques cantonales et Julius Baer. Dans un communiqué publié mardi après-midi, la Banque cantonale du Valais a confirmé son exposition «par souci de clarté». La BCVs indique que son exposition «envers un groupe d’investisseurs actif dans le commerce de détail/immobilier en difficulté» s’élève à 24,3 millions de francs, sans nommer Signa.
L’engagement prend la forme d’un crédit consortial regroupant plusieurs banques. La BCVs précise que celui-ci est garanti «par une hypothèque de première qualité, à savoir un bien immobilier se situant au centreville de Zurich», ajoutant qu’«à ce jour, les obligations relatives à la charge d’intérêt et d’amortissements ont toujours été respectées, dans les délais». Aucune provision n’a été constituée, précise un porte-parole.
Un fonctionnement opaque
La liste des créanciers que s’est procurée Bild comprend également Migros, à hauteur de 129 millions d’euros. Le géant orange avait cédé début 2020 les grands magasins Globus à une coentreprise détenue à parts égales par Signa et le thaïlandais Central Group. Le groupe autrichien devrait également 101 millions d’euros à la Banque Migros. Pour des raisons de secret bancaire, le bras financier du détaillant ne s’exprime pas «sur des relations d’affaires supposées ou existantes». L’exposition de Julius Baer auprès de l’empire de René Benko atteint pour sa part 628 millions d’euros. La banque zurichoise avait déjà indiqué fin novembre qu’elle avait des engagements pour 606 millions de francs avec diverses unités d’un «conglomérat européen», mais sans en préciser le nom.
Les retombées de la débâcle de Signa Holding, l’un des plus prestigieux empires immobiliers d’Europe, restent encore difficiles à mesurer. Au gré d’une spectaculaire expansion, la holding au fonctionnement opaque a accumulé des actifs immobiliers d’une valeur de 27 milliards d’euros. Mais ses dettes se sont accumulées alors que le secteur est affecté par la forte hausse des taux d’intérêt, après avoir profité pendant des années de crédits bon marché.
Signa a déposé le bilan fin novembre. Plusieurs filiales en ont fait de même quelques semaines plus tard. Parmi elles, Signa Prime, qui regroupe les biens immobiliers commerciaux exclusifs en centre-ville, en Autriche, en Allemagne, en Suisse et en Italie, soit les principaux actifs. La société possède notamment des bâtiments prestigieux, comme le grand magasin KaDeWe à Berlin, l’Elbtower à Hambourg, encore inachevée, ou le palace Park Hyatt de Vienne.
Le copropriétaire de Globus en soutien
Quant au futur de Globus, qui gère sept grands magasins en Suisse, notamment à Genève et à Lausanne, il reste empreint d’une grande incertitude. Depuis son rachat en 2020, le groupe s’est recentré sur le luxe. Lorsque les problèmes ont commencé à s’accumuler chez Signa, la société a tenté de prendre ses distances avec son copropriétaire autrichien, soulignant que ses activités fonctionnaient indépendamment de toutes les turbulences.
Contactée, la chaîne de grands magasins maintient le même discours: «Les activités opérationnelles de Globus ne sont pas affectées par la procédure d’insolvabilité de Signa Prime, ni par les autres événements du côté de Signa.» Elle renvoie à une déclaration antérieure du copropriétaire thaïlandais Central Group, affirmant que celui-ci «reste fermement déterminé à assurer et à soutenir ses activités de luxe européennes, quelle que soit la situation financière de ses partenaires». Le groupe ajoutait que sa «situation financière est solide» et qu’il bénéficie «d’un large accès au financement pour soutenir le développement de ce portefeuille unique».
Reste que le feu pourrait rapidement se propager aux autres filiales de Signa, donc également aux activités opérationnelles, selon des experts en faillites interrogés par la Neue Zürcher Zeitung. L’exemple de Galeria Karstadt Kaufhof, détenue intégralement par Signa, montre à quel point cela peut aller vite. La chaîne de grands magasins allemande, qui emploie 15 000 personnes, vient de déposer le bilan pour la troisième fois en quatre ans.
Le temps presse
Selon la HandelsZeitung, le Tribunal de district de Zurich a accordé aux propriétaires de Globus un délai jusqu’au 14 avril afin de trouver une solution. Si aucun accord n’est conclu, la faillite menace. Mais on en est encore loin, selon les sources interrogées par l’hebdomadaire alémanique.
Des décisions pourraient rapidement tomber. Une reprise intégrale par le groupe thaïlandais resterait la piste privilégiée. L’arrivée d’un autre investisseur ne semble pas à l’ordre du jour, du moins pour l’instant.
A la suite des déboires de son associé, Central Group a déjà pris le contrôle de la chaîne britannique de grands magasins de luxe Selfridges, dont il était copropriétaire avec Signa. Un scénario qui pourrait donc se reproduire avec Globus. Le conglomérat thaïlandais appartient à la famille Chirathivat, dont la fortune s’élève à 12,4 milliards de dollars selon Forbes. Son portefeuille comprend de nombreux centres commerciaux, des magasins d’électronique et des supérettes dans tout le royaume et en Asie. En Europe, il détient également la société italienne de magasins haut de gamme La Rinascente depuis 2011.
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