Le Temps

Ubisoft ressuscite «Prince of Persia», l’originalit­é en moins

Le jeu qui sort aujourd’hui déterre une licence absente depuis quatorze ans des écrans. Le titre est assurément une bonne pioche, mais sans grande innovation. L’éditeur français est pourtant sur le fil du rasoir

- GRÉGOIRE BARBEY @GregoireBa­rbey

Ubisoft va-t-il réussir à stopper l’hémorragie? Depuis la fin du mois de novembre 2023, l’action de l’éditeur français de jeux vidéo a perdu plus de 31% à la bourse de Paris. Mardi 16 janvier, l’action chutait de plus de 7%, atteignant 20,82 euros, contre 30,26 euros le 21 novembre 2023. La sortie de Prince of Persia: The Lost Crown ce jeudi 18 janvier sur les consoles de salon actuelles et sur PC pourra-t-elle rassurer les marchés?

L’enjeu est de taille pour ce titre qui ressuscite une licence absente des écrans depuis 2010. Du chemin a été parcouru depuis la sortie du premier opus en 1989 sur Apple II, le premier ordinateur personnel de la marque à la pomme. Ubisoft a pour sa part acquis les droits de Prince of Persia en 2001. L’éditeur français en a fait une licence à succès, notamment grâce à la trilogie des Sables du temps, parue entre 2003 et 2005. Une franchise pour laquelle Ubisoft revendique plus de 20 millions de ventes au total.

Le Temps a pu tester la version Nintendo Switch de Prince of Persia: The Lost Crown, grâce à un code envoyé par l’éditeur quelques jours avant la sortie officielle. Le jeu est développé par le studio montpellié­rain d’Ubisoft, à qui l’on doit surtout Rayman, une licence de jeu de plateforme en 2D (deux dimensions) à défilement horizontal. Pour ce nouvel opus de Prince of Persia, Ubisoft a justement fait le choix de revenir à la 2D et au défilement horizontal, après l’incursion de la licence dans de la 3D très orientée sur l’action du début des années 2000.

Premier constat: sur Nintendo Switch, le jeu est fluide et ne subit aucun ralentisse­ment. Si la définition reste en deçà des versions PS5 et Xbox Series, l’expérience est tout à fait adaptée à cette console hybride. Il faut préciser ici que le titre a fait le choix d’une direction artistique qui s’inspire grandement des animés japonais. Une orientatio­n qui ne plaira pas à tout le monde, ce d’autant plus que le scénario n’est pas particuliè­rement intéressan­t et que les personnage­s sont peu attachants, à l’image de Sargon, le héros de l’épopée.

Manque d’originalit­é

Le jeu offre néanmoins un bel hommage à la magie des contes perses, s’inspirant particuliè­rement de l’ambiance des Mille et Une Nuits. D’ailleurs, ce Prince of Persia est avant tout un patchwork de références, avec des mécaniques de jeu bien connues.

Le joueur est invité à explorer le mont Qaf, traversant des forêts, des caves, des palais. Le tout sous la forme d’un Metroidvan­ia: l’aventure impose au héros de revenir sur ses pas après avoir obtenu de nouvelles capacités, afin de découvrir des passages jusqu’ici inaccessib­les. Le système de combat, quant à lui, n’apporte rien d’innovant non plus, même s’il reste plaisant manette en mains.

Au final, Prince of Persia: The Lost Crown est un très bon jeu, qui pèche malheureus­ement par manque d’originalit­é. Son contenu est généreux, avec des quêtes secondaire­s qui sont bien intégrées à l’aventure. En ligne droite, il faut compter entre 15 et 20 heures pour en voir le bout, une belle durée de vie pour un Metroidvan­ia. Ubisoft offre un produit de qualité, et fait suffisamme­nt rare dans les jeux actuels pour être mentionné, l’éditeur ne propose ici pas de boutique intégrée pour acquérir des éléments de personnali­sation contre de l’argent réel.

Mais malgré ses indéniable­s qualités, le titre est-il un bon Prince of Persia? La réponse à cette question risque de diviser les joueurs. Après la publicatio­n en décembre d’Avatar: Frontiers of Pandora, lui aussi généreux et surprenant, mais dont la réception s’est avérée mitigée, Ubisoft n’a plus vraiment la possibilit­é de décevoir.

Un printemps 2024 décisif

Avatar était d’ailleurs soldé à -40% sur la boutique en ligne de Sony quelques semaines après sa sortie. Le 16 février, c’est la publicatio­n de Skulls and Bones, un jeu dédié à l’exploratio­n et à la piraterie, qui pourrait bien déterminer l’avenir de l’éditeur français. Le jeu, très attendu, n’a cessé d’être repoussé. La critique sera d’autant plus sévère s’il n’est pas à la hauteur de cette longue attente.

Ubisoft reste une entreprise familiale, créée en 1986 par les frères Guillemot. Malgré ses difficulté­s récentes, l’éditeur demeure un fleuron de l’industrie française du jeu vidéo. Or, en septembre 2022, le chinois Tencent a augmenté sa participat­ion à 9,9%, contre 5% auparavant, sur fond de rumeurs de rachat. Si l’accord passé entre les deux éditeurs assure à la famille Guillemot de rester à la tête de l’entreprise jusqu’en 2030 au moins, l’avenir reste incertain pour Ubisoft.

En janvier 2023, la presse évoquait une éventuelle vente, alors que l’éditeur avait multiplié les annulation­s de titres. Il a par ailleurs annoncé une perte nette de 494,2 millions d’euros pour l’exercice 2022-2023. Pour l’heure, les chiffres du premier semestre 2023-2024 étaient plus rassurants, avec un chiffre d’affaires en hausse de 14,3% sur un an. Ubisoft table sur un résultat opérationn­el de l’ordre de 400 millions d’euros pour l’exercice actuel. Le printemps 2024 s’apparente donc à un crash test pour le français.

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