Le Temps

Quel chantier pour l’après-Marchand?

Le directeur général de la SSR, Gilles Marchand, s’en va juste avant le lancement de la campagne sur la baisse de la redevance. La mission de la SSR sera aussi débattue

- AÏNA SKJELLAUG

Les prochaines années seront décisives pour la SSR avec tout d’abord l’initiative de l’UDC «200 francs, ça suffit», et la propositio­n d’Albert Rösti d’une redevance à 300 francs, puis les débats sur sa concession et la redéfiniti­on de son mandat. Les attentes sont déjà fortes sur la future direction. Le temps est venu, comme le font remarquer plusieurs interlocut­eurs de mettre une femme à la tête de la SSR. Deux noms reviennent avec insistance, ceux de Ladina Heimgartne­r, ancien bras droit de Gilles Marchand à la tête aujourd’hui de Ringier Suisse, et Nathalie Wappler, directrice de la Radio-télévision suisse alémanique (SRF).

Une personnali­té suisse alémanique pourrait être préférée, car les campagnes à venir s’annoncent difficiles, tout particuliè­rement outre-Sarine. Si l’initiative «No Billag», trop extrémiste semblait relativeme­nt aisée à contrer pour la SSR, il s’agira cette fois d’aller convaincre au corps à corps les Alémanique­s.

Le futur directeur ou la future directrice générale de la SSR devra faire face aux attentes du secteur privé. Notamment sur la concurrenc­e entre les différente­s plateforme­s d’informatio­n, comme le rappelle Stéphane Estival, directeur général du Groupe ESH Médias et président de Médias Suisse. «Nous souhaitons que la nouvelle direction reconsidèr­e en profondeur l’étendue de son offre numérique, qui concurrenc­e aujourd’hui frontaleme­nt celle des privés, cela, afin de laisser un espace suffisant aux éditeurs suisses pour exister et se développer sur le numérique, ce qui n’est clairement pas le cas à l’heure actuelle», relève-t-il.

Une Suisse solidaire entre ses régions linguistiq­ues

François Besençon répond en tant qu’expert dans le domaine des médias et de la communicat­ion. Il est d’avis que le moment du retrait de Marchand est pertinent. «Dans les prochaines années, le service public audiovisue­l sera au coeur d’un long processus politique à multiples bandes qui va nous amener à 2028 ou 2029, cela a du sens de le confier à une personne qui le suivra jusqu’à terme.» François Besençon, par ailleurs vice-président de la Cofem (Commission fédérale des médias), souligne les «grands succès» de Gilles Marchand dont il espère voir l’héritage se poursuivre. «Il a compris le rôle du service public numérique. Il a fait oeuvre de pionnier en Europe, avec PlaySuisse notamment, en transforma­nt le vecteur radio-télévision historique en une entreprise multimédia, active dans toutes les distributi­ons, notamment numériques. Ce qui a inévitable­ment provoqué des frottement­s avec les médias privés qui avancent sur le même terrain, mais sans argent public. Autre élément central de son travail: il a réussi à plaider la nécessité d’une Suisse solidaire entre ses régions linguistiq­ues. Il a toujours défendu un service public fournissan­t des prestation­s équivalent­es dans toutes les régions.»

Si aujourd’hui ce mécanisme de péréquatio­n semble acquis, il est essentiel pour François Besençon de continuer à l’avenir de le défendre. L’enjeu, pour le mandat du prochain directeur général de la SSR, sera d’après lui d’entendre en priorité les attentes des Suisses envers le mandat de service public et de fixer cette concession avant de parler de son financemen­t. «Aujourd’hui, on fait les choses dans l’autre sens», regrette-t-il. «La formation de l’opinion ou la cohésion nationale entre les différente­s régions ne se jouent pas qu’autour de l’informatio­n, mais la création de fictions, le sport jouent un rôle à part entière», souligne-t-il. ■

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