Un documentaire pour «briser un tabou»
«Totalitarisme helvétique?!», le nouveau film du réalisateur Daniel Künzi, était projeté en avant-première mercredi soir à Genève. Que raconte-t-il? Comment a-t-il été financé?
Le documentaire Totalitarisme helvétique?!, du réalisateur Daniel Künzi, se penche sur la période récente de l’épidémie de covid. Et plus précisément sur la perte des droits fondamentaux perçue de manière disproportionnée par la population. Du moins par une partie bien spécifique: celles et ceux qui sont entrés en résistance face aux mesures adoptées par le gouvernement fédéral durant la pandémie.
A l’aide de nombreux témoignages, le cinéaste et son assistante de production, la figure genevoise de la résistance contre les mesures covid Chloé Frammery, s’attachent à montrer le caractère problématique à leurs yeux de la réponse répressive adoptée durant cette période face aux personnes ayant refusé de porter le masque, d’utiliser le certificat covid ou plus simplement ayant crié «LI-BER-TÉ» dans la rue. Le film d’une heure et quinze minutes témoigne encore du traitement réservé au personnel de santé ayant refusé de se soumettre aux tests de dépistage covid, alors qu’ils n’étaient pas vaccinés.
Comparaison avec la Deuxième Guerre mondiale
La situation et surtout la perte de droits fondamentaux sont analysées par Suzette Sandoz, ancienne conseillère nationale et ancienne juriste, et Jacques Pilet, journaliste, avec comme seule source médiatique citée: la RTS et ses nombreuses émissions d’actualité sur le sujet. Daniel Künzi explique son choix: «Parce que la SSR, pour reprendre les termes du rédacteur en chef de la NZZ, est devenue le «média du Conseil fédéral», et a été désavouée par l’AIEP [Autorité indépendante d’examen des plaintes, ndlr], puis par le Tribunal fédéral. J’aurais pu citer toute la presse écrite.»
Un parallèle est également tiré par l’historien Hans-Ulrich Jost, notamment, entre la prise de pouvoir par le Conseil fédéral durant la Deuxième Guerre mondiale et celle de la période covid. Un parti pris assumé par le cinéaste: «Les mesures prises par le Conseil fédéral en 1939, comme lors du covid, brisent le cadre constitutionnel en bafouant particulièrement les droits fondamentaux: éducation, libertés politiques, etc. Il a fallu dix ans pour un retour à la normale en 1949, au prix d’une initiative.»
Unilatéral, le documentaire soulève la question de la proportionnalité de la répression, sans évoquer de sources scientifiques, ni médicales et encore moins politiques. Un choix assumé qui a compliqué le financement et la diffusion du documentaire.
L’affiche du film mentionne le soutien de la SSR, de la Fondation romande pour le cinéma Cinéforom et de la Loterie romande.
Contactées, ces institutions expliquent que le réalisateur a utilisé un mécanisme de financement automatique qui ne nécessite pas une autorisation de leur part, ni une adhésion au contenu.
300 000 francs de budget
Ainsi, le réalisateur a utilisé le fonds dit de «soutien complémentaire à l’écriture» dont il dispose chez Cinéforom. Un compte personnel où sont versées les royalties sur les entrées en salle et les diffusions télévisuelles d’anciens documentaires. Primes que chaque créateur est libre d’utiliser comme il le souhaite. La SSR tient tout de même à préciser que «ce film n’est pas une coproduction de la SSR et [que] l’entreprise n’a pas été impliquée dans le contenu». La présence des logos de ces institutions sur l’affiche du film est donc légitime, y compris celui de la Loterie romande, puisque ses fonds dédiés au cinéma sont gérés par Cinéforom. Par contre, la Loterie romande a refusé de soutenir la diffusion du film.
Les commissions sélectives des institutions ont rejeté le financement du film à l’unanimité
Si le documentaire a bénéficié d’un financement automatique de ces institutions, elles ont toutes refusé d’allouer des fonds supplémentaires au projet lors de leurs séances de sélection qualitatives, comme le confirme Daniel Künzi: «Les montants qui m’ont été octroyés obligatoirement proviennent de la «dette» de la SSR «succès passage antenne» d’environ 12000 francs, bonifiés à la même hauteur environ par Cinéforom. Soit en tout environ 25000 francs, pour un budget total de 300000 francs. Toutes les commissions sélectives, comme celle de la RTS, ont rejeté le film, à l’unanimité.»
Les difficultés de financement du projet n’ont pas arrêté Daniel Künzi, qui estime important de «briser un tabou: l’ampleur de la répression. Personne n’a thématisé cette question et j’ai dû mener une longue enquête pour avoir les chiffres, notamment à Genève. Il est important pour moi de montrer que l’on ne bafoue pas ainsi la Constitution, à coups d’arrêtés spéciaux et autres arrêtés urgents, pour n’importe quel prétexte.» Reste à démontrer que la pandémie de covid est un prétexte. Ce que le film ne fait pas. ■