Faillite d’Hottinger: les prévenus se dédouanent
Jugés pour gestion déloyale et abus de confiance, deux anciens cadres de la défunte banque privée genevoise ont plaidé l’acquittement jeudi. L’un d’eux affirme avoir simplement appliqué les règles; l’autre assure qu’il ignorait que la faillite arriverait
La parole était à la défense au deuxième jour du procès de deux anciens cadres de la banque Hottinger, jugés pour gestion déloyale aggravée et abus de confiance au Tribunal de police de Genève. Il leur est reproché d’avoir repoussé l’ordre de virement du plus grand client de la petite banque privée, qui voulait transférer 89 millions de dollars vers un nouvel établissement.
Cette instruction, passée alors qu’Hottinger était au bord du précipice, n’avait pas été exécutée avant l’officialisation de sa faillite, en octobre 2015. Résultat, le client, l’homme d’affaires bénino-gabonais Samuel Dossou, qui a fait fortune dans le pétrole, a vu ces avoirs passer dans la masse en faillite de la banque. Plaignant dans cette histoire, il n’en a récupéré que 33 millions pour l’instant. Mercredi, la procureure avait requis 18 mois de prison avec sursis pour les deux ex-banquiers d’Hottinger.
Si D.* a refusé que ce virement soit effectué le vendredi 23 octobre 2015, c’est parce qu’il a respecté les règles qui s’imposaient à lui, a avancé son avocat, Pierluca Degni, rappelant que ce dossier avait été classé deux fois par le Ministère public durant les huit ans de procédure. Responsable des finances et de la gestion de la trésorerie d’Hottinger, D. n’a pas voulu compromettre la situation financière déjà extrêmement périlleuse de la banque.
Les capitaux de ce client étaient investis en dépôts fiduciaires via d’autres banques. Tant que cet argent n’était pas revenu chez Hottinger, il était hors de question pour D., en bon comptable, d’autoriser le virement demandé par Samuel Dossou. Or malgré des e-mails au sens profond débattu, l’argent n’était pas revenu chez Hottinger le vendredi 23 octobre, assure D.. C’était le cas au matin du lundi 26, mais la banque était alors déjà en faillite.
Un autre argument de la défense de D., que celui-ci n’était pas gérant (et donc pas susceptible de gestion déloyale), a été repris par l’avocate de l’autre prévenu, P.*, qui s’était présenté la veille comme le gestionnaire des avoirs de Dossou depuis des décennies. Il est aussi reproché à P. d’avoir menti à son client, en lui assurant le vendredi 23 que le virement était parti.
Tout ça pour 178 000 francs?
Selon l’accusation, D. et P. se seraient entendus pour conserver les 89 millions de dollars au sein d’Ottinger afin de limiter la responsabilité des actionnaires en cas de faillite et pour faciliter la reprise de la banque par sa consoeur CBH. Mais, comme D., P. ignorait que la faillite tomberait le lundi 26, a affirmé son avocate Mitra Sohrabi.
Samuel Dossou représentait moins de 6% du 1,5 milliard que gérait Hottinger, a-t-elle nuancé. Enfin, CBH prévoyait d’acheter les clients d’Hottinger en payant un pourcentage de leurs avoirs (un «asset deal», en jargon bancaire). Il avait été négocié que CBH paierait 0,2% des 89 millions de Dossou, soit 178 000 francs. Une broutille dans le monde de la gestion de fortune, qui n’a pas pu pousser P. et D. à prendre le risque de ne pas exécuter les instructions de ce client, conclut l’avocate. Le jugement de la présidente Katalyn Billy sera dévoilé à une date non spécifiée. ■