Pandémie et risque économique, le Tribunal fédéral tranche
Il est admis que les risques d'entreprise et économiques sont à la charge de l'employeur. Ce dernier est tenu de continuer à payer le salaire des employés qui ne peuvent pas travailler pendant la durée de l'empêchement lié à la réalisation d'un tel risque. Entrent notamment dans la catégorie du risque d'entreprise à la charge de l'employeur: les raisons économiques (baisse des commandes, variations des cours), les perturbations techniques (interruptions de courant) ou naturelles (incendies), de même que les perturbations liées à des manifestations ou à des émeutes.
Durant la pandémie du Covid-19, le Conseil fédéral a ordonné plusieurs mesures, dont l'interdiction des activités présentielles dans les écoles, les hautes écoles et les autres établissements de formation, ainsi que la fermeture obligatoire de certains établissements publics, à l'exception de ceux qui étaient destinés à couvrir les besoins quotidiens de la population (administrations publiques, gares, magasins d'alimentation, pharmacies), pour autant qu'ils disposent d'un plan de protection adéquat.
La question s'est posée de déterminer si l'existence d'une pandémie et l'obligation de fermeture décrétée par les autorités devaient être considérées comme un risque d'entreprise imputable à l'employeur? Ou autrement dit, est-ce que ce dernier était tenu de verser les salaires des employés empêchés de fournir leur prestation de travail en raison des mesures ordonnées par le Conseil fédéral? En pratique, la question a toutefois semblé avoir une portée limitée du fait que les travailleurs concernés s'étaient vus reconnaître le droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail (RHT) de l'assurance chômage.
Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de trancher la question de principe du risque d'entreprise en période de pandémie du Covid-19 (TF 4A_53/2023). Au mois d'avril 2020, dans une école du canton de Saint-Gall, les enseignements en présentiel avaient été interrompus et remplacés partiellement par des cours en ligne. L'employeur avait réduit le salaire des employés en raison des heures non enseignées. Or, il se trouve que trois enseignants avaient pris la malheureuse décision, au mois de janvier 2020, de résilier leur contrat de travail pour fin août 2020. Il n'était donc pas possible de solliciter des RHT en leur faveur. Les trois enseignants ont porté l'affaire devant les tribunaux. Selon les juges saint-gallois, la décision de fermeture décrétée par les autorités constituait un risque d'entreprise. Les enseignants avaient donc droit au versement de l'intégralité de leur salaire.
A la suite d'un recours de l'employeur, le Tribunal fédéral a annulé l'arrêt cantonal. Selon notre haute cour, la question de savoir si une circonstance relève ou non du risque d'entreprise doit s'apprécier au cas par cas. Les fermetures des entreprises pour lutter contre le coronavirus ont affecté chaque employeur d'un certain secteur, indépendamment de sa situation individuelle, de manière uniforme. Par conséquent, elles dépassaient le risque inhérent à une entreprise individuelle. En outre, toujours selon le Tribunal fédéral, il est faux d'affirmer que la pandémie était prévisible car elle est survenue de manière soudaine et inattendue. Au début de février 2020, le coronavirus était considéré comme un problème local en Chine. Ainsi, le 12 février 2020, l'indice Dow Jones avait atteint un record historique, de même que l'indice du marché suisse (SMI) en date du 20 février 2020! En conclusion, l'employeur n'était pas tenu de verser un plein salaire aux trois enseignants concernés. ■