La réussite économique ne paie plus dans les urnes
XAprès les polémiques autour du nouveau gouvernement de son premier ministre, Gabriel Attal, Emmanuel Macron a pu s’offrir mercredi une bonne bouffée du réputé oxygène de Davos. Même plus que ça. On peut dire que le président français se trouvait enfin dans son élément au Forum économique mondial, face à un parterre de personnalités qui parle son langage, celui du libéralisme éclairé.
Retraites, impôts, réindustrialisation, stratégie nucléaire, construction européenne… le président français a défendu vigoureusement sur scène le bilan de ses six années de présidence. De nombreux indicateurs plaident d’ailleurs en sa faveur: le chômage n’a jamais été si bas et la France est en passe de devenir la locomotive du Vieux-Continent en raison des problèmes de santé économique de l’Allemagne.
Et pourtant, jamais le chef d’Etat n’a paru aussi éloigné de ses électeurs. Fâché par nature, le Français moyen est exaspéré par les nombreux passages en force que le gouvernement a opérés. Impuissant, il voit son pouvoir d’achat s’éroder et reste convaincu que des lendemains difficiles l’attendent.
S’il souhaite partager sa frustration, Emmanuel Macron peut passer un coup de fil à son homologue américain, Joe Biden. Si les urnes n’ont pas encore rendu leur verdict, de nombreux Américains semblent rester de marbre face aux résultats économiques positifs délivrés par le président américain. L’énorme programme d’impulsion IRA lancé en 2021 commence déjà à porter ses fruits, stimulant les investissements et les annonces de créations d’emplois sur sol états-unien. Cerise sur le gâteau: la première puissance économique mondiale échappe pour l’heure à un atterrissage économique brutal sous l’effet des mesures déployées pour juguler l’inflation.
«Inflation». Le mot critique est lâché. Ces trente dernières années, les autorités occidentales ont été jugées à l’aune de la situation sur le marché du travail. Un taux de chômage faible était souvent le gage d’une probable réélection. Une logique qui voudrait que l’octogénaire s’envole dans les sondages. Il n’en est rien.
Dans un monde en ébullition, marqué par le changement climatique et les tensions géopolitiques, les préoccupations des citoyens ont changé. Ce qui ne veut pas dire que la population ne regarde plus son porte-monnaie. C’est justement là que le bât blesse. Si la classe moyenne n’a plus peur de perdre son emploi, elle a le sentiment de s’appauvrir sous l’effet de la «vie chère» et estime que les élites restent insensibles à son sort.
Si l’Elysée et la Maison-Blanche sont légitimement convaincus de poser les fondements de la prospérité de demain, l’électeur est lui focalisé sur sa situation actuelle et vote en conséquence. A Paris comme à Washington, le Forum de Davos, ses bons sentiments et ses grandes réflexions économiques lui paraissent terriblement lointains.
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