En ville de Lausanne, une trace durable
Lénine a passé beaucoup de temps en Suisse. Il y a aussi marqué le Parti communiste lausannois des années 1920
Dans la Gazette de Lausanne du 29 février 1924 et dans celle du 27 novembre 1925, un article signé C. D. évoque les séjours de Volodia en pays de Vaud et un autre, les maux du communisme en Russie soviétique. A Ecublens, où il n’y avait pas encore de site académique, mais une pension tenue par une dame qui ignorait qui était Lénine, «les yeux du Mongol se lèvent fréquemment sur le majestueux spectacle du haut lac. Rien mieux que ce paysage champêtre et alpestre ne peut faire songer à la paix, à la concorde, à la fraternité entre les hommes. C’est pourtant là, dans cette paix estivale, que Lénine, alors inconnu [entre 1910 et 1915], préparait les formules absurdes qui allaient berner un peuple ignorant et ouvrir une ère de haine et de misères.»
La récolte du colza
«Lénine est le tsar rouge, l’homme qui reçut de l’état-major allemand 50 millions pour provoquer la déliquescence de l’armée russe et fomenter la révolution à l’intérieur de son pays, l’homme […] des tueries et de la famine: l’ennemi du peuple.» «Qui eût pu penser, nous disait il y a quelques jours un paysan d’Ecublens, que celui qui m’aida certain jour à récolter du colza fut capable de commettre le forfait qu’on connaît?»
«L’épouse de Lénine était une comique petite femme, nous dit-on. Sa principale occupation consistait à soigner son mari qui souffrait de maux d’estomac. Elle n’était pas jolie, elle aimait beaucoup la conversation. Sa bouche en coeur, sa voix grêle fort drôle faisaient les délices de la négresse-servante qui l’imitait à merveille. […] On pourrait croire que cet homme qui, certain jour, traita les Suisses de sentimentaux, était lui-même un sentimental. Mais sa férocité se dévoila trop bien durant son passage au pouvoir de la Russie soviétique pour que le moindre doute subsiste. […]
Pouvait-elle croire, la «bonne dame» d’Ecublens, que l’homme «doux et tranquille […] qu’elle connut était le tsar rouge, qui terrorisa l’ouvrier et le paysan russes? Aujourd’hui encore, elle voudrait en douter, mais les photographies du despote publiées par les journaux, l’ont convaincue: c’est bien Lénine, […] le sinistre farceur! […] Plus tard, quand au coin du feu ou à la pinte du Pontet, on prononcera le nom de Lénine, ce sera pour évoquer un effroyable tableau de sang et de misères qui fera frémir l’univers. [Signé C. D.]
«Suivez Lénine!»
Témoignage amusant, qui tranche sur celui du Dr Eugène-Ferdinand Piccard, «un de nos concitoyens, rentré tout récemment de Russie après une longue et honorable carrière passée dans l’enseignement universitaire», qui adressa un article à la Gazette dont nous extrayons quelques passages.
«Voilà-t-il pas que sur une grande affiche électorale, j’aperçois la silhouette bien connue de Lénine avec la suscription: «Suivez Lénine!» Puis une proclamation du Parti communiste lausannois, que chacun a pu lire. Les sensations désagréables sont de natures bien diverses: rages de dents, brûlures, douches d’eau glacées, coups, blessures, mauvaises odeurs, etc. Mais tout cela n’est rien en comparaison de ce que j’éprouvai en lisant cet appel invraisemblable.»
«Un crachat»
«Suivez Lénine!» «Cette devise en français, affichée sur les murs de Lausanne, provoque chez tout homme intelligent qui a vécu des années sous le régime cruel et inepte bolcheviste, à plus forte raison chez un citoyen suisse, un premier mouvement d’indignation, qui fait bientôt place à un sentiment de dégoût et d’écoeurement. Et on se demande tout naturellement: «Comment a-t-il pu se trouver à Lausanne des électeurs capables d’adopter un mot d’ordre qui est un crachat à la face de notre Patrie et de l’Humanité tout entière?» Notez les majuscules… Et Eugène-Ferdinand Piccard de s’étonner: «Comment des hommes vivant dans l’un des plus beaux pays du monde, possédant les institutions les plus libérales, jouissant de la liberté individuelle la plus grande qu’il soit possible, peuvent-ils rêver d’introduire chez nous un état de choses qui ne pouvait prendre quelques racines parmi les barbares à demi-asiatiques de l’Europe orientale et qui n’est en réalité, non seulement pour la bourgeoisie mais pour le gros de la nation russe, pour les paysans, qu’une forme de l’esclavage digne de l’Afrique équatoriale?»
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