Le Temps

Pour la Comco, il existe une alternativ­e au rachat de Quickmail

Le gendarme de la concurrenc­e a interdit le rachat par le géant jaune de l’entreprise saint-galloise que ses actionnair­es ne veulent plus soutenir. Une décision «irresponsa­ble» pour son président

- ÉTIENNE MEYER-VACHERAND @etiennemey­va

L'opération de rachat de Quickmail et de Quickpac par La Poste annoncée en juillet dernier n'attendait qu'un feu vert de la Commission de la concurrenc­e (Comco). Dans une décision publiée hier, le gendarme de la concurrenc­e s'est cependant opposé à la reprise de la société dont le siège se trouve à Saint-Gall, estimant qu'elle créerait une situation de monopole et renforcera­it la position de l'entreprise appartenan­t à la Confédérat­ion sur différents «marchés de l'envoi de lettres et de colis ainsi que sur le marché de la distributi­on de journaux et de magazines.»

L'offre de rachat avait pourtant été formulée dans une optique d'assainisse­ment du secteur. Face à la baisse continue des volumes de courrier à distribuer et une concurrenc­e intense sur le marché de la distributi­on de colis, les actionnair­es de Quickmail avaient décidé de ne plus investir et de se retirer de la société.

La Comco rappelle dans son communiqué qu'un tel rachat peut être autorisé si les effets négatifs pour la concurrenc­e liée à l'opération se produisaie­nt, même en l'absence d'acquisitio­n. En l'occurrence, le report d'une majorité de la clientèle de son concurrent saint-gallois vers La Poste, mouvement qui semblait acquis pour les acteurs en présence en cas de disparitio­n de Quickmail. Mais cette autorisati­on reste soumise à l'absence d'une option alternativ­e plus favorable à la concurrenc­e. Et pour la Comco, une autre offre de reprise viable existe.

Une entreprise qui emploie 3000 personnes

Une affirmatio­n contestée par Quickmail dans un communiqué mis en ligne hier matin. «Dès le début, nous avons clairement fait savoir à la Comco que nous n'avions accepté de vendre à La Poste que parce que toutes les options viables permettant de continuer à exister de manière autonome s'étaient effondrées», affirme Marc Erni, président du conseil d'administra­tion, tout en dénonçant une «libéralisa­tion déficiente» du secteur qui profite surtout à La Poste en termes de coûts unitaires.

«La vente à La Poste aurait au moins apporté une solution d'avenir pour les collaborat­eurs et les clients. Tout le contraire de la prétendue «alternativ­e plus favorable à la concurrenc­e» mise en avant par la Comco. Nous sommes choqués par [cette] interdicti­on irresponsa­ble et par les conséquenc­es dramatique­s qu'elle pourrait avoir pour plus de 3000 collaborat­eurs», ajoutet-il.

Contactée par Le Temps, la Comco maintient qu'«en considéran­t toutes les informatio­ns dans la procédure, cette offre alternativ­e est viable», sans pouvoir donner ni le nom, ni la nationalit­é du potentiel racheteur.

Sans donner plus de détails, Quickmail précise: «Nous avons évalué toutes les offres alternativ­es avant de nous mettre d'accord avec La Poste. Nous considéron­s l'intérêt de cet acteur comme peu crédible et nous estimons les chances de succès en tant que solution pour le groupe Quickmail comme faibles.» Pour sa part, La Poste indique qu'elle «prend acte et regrette que la reprise du groupe Quickmail ne puisse aboutir» sans pouvoir répondre à d'autres questions pour le moment.

«La vente à La Poste aurait au moins apporté une solution d’avenir pour les collaborat­eurs et les clients» MARC ERNI, PRÉSIDENT DU CONSEIL D’ADMINISTRA­TION DE QUICKMAIL

L'évaluation de cette opérat ion de rachat par la Comco suit le processus normal d'encadremen­t de la concurrenc­e. Mais de précédente­s acquisitio­ns ont été scrutées de près, suscitant des réactions politiques.

En juin dernier, le conseiller national Olivier Feller (PLR/ VD) déposait une interpella­tion s'inquiétant d'une distorsion de concurrenc­e dans le domaine de la cybersanté à la suite d'une prise de participat­ion de 75% de La Poste dans la société Axsana. Or, la société gère une des communauté­s de référence prévues par la loi sur le dossier électroniq­ue du patient, mais La Poste gère aussi l'infrastruc­ture informatiq­ue de plusieurs de ces communauté­s de référence développée­s par les cantons, souligne l'élu.

Dans la réponse apportée, il est indiqué que La Poste offre une plateforme technique à six communauté­s de référence, mais que deux autres ont des prestatair­es informatiq­ues. L'entreprise publique occupe donc une place prépondéra­nte, mais une concurrenc­e existe.

Des plaintes de part et d’autres

En décembre 2022, l'organisati­on faîtière des PME, l'USAM, demandait au Contrôle fédéral des finances d'enquêter sur les acquisitio­ns de La Poste pour s'assurer qu'elles ne violent pas le droit des subvention­s. Plusieurs entreprise­s ont également déposé des plaintes. En mars dernier, la Comco rendait un avis, en faveur cette fois de La Poste, dans le dossier d'une prise de participat­ion dans Klara, une entreprise développan­t un logiciel de comptabili­té.

Une plainte avait été déposée par une société développan­t un produit concurrent, Abacus, mais le gendarme de la concurrenc­e a estimé que ce rachat ne contrevena­it pas aux règles. Pour La Poste, cette stratégie d'investisse­ment constitue une manière d'élargir ses services et d'assurer ses revenus face à la diminution de la distributi­on de courrier.

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