Pour la Comco, il existe une alternative au rachat de Quickmail
Le gendarme de la concurrence a interdit le rachat par le géant jaune de l’entreprise saint-galloise que ses actionnaires ne veulent plus soutenir. Une décision «irresponsable» pour son président
L'opération de rachat de Quickmail et de Quickpac par La Poste annoncée en juillet dernier n'attendait qu'un feu vert de la Commission de la concurrence (Comco). Dans une décision publiée hier, le gendarme de la concurrence s'est cependant opposé à la reprise de la société dont le siège se trouve à Saint-Gall, estimant qu'elle créerait une situation de monopole et renforcerait la position de l'entreprise appartenant à la Confédération sur différents «marchés de l'envoi de lettres et de colis ainsi que sur le marché de la distribution de journaux et de magazines.»
L'offre de rachat avait pourtant été formulée dans une optique d'assainissement du secteur. Face à la baisse continue des volumes de courrier à distribuer et une concurrence intense sur le marché de la distribution de colis, les actionnaires de Quickmail avaient décidé de ne plus investir et de se retirer de la société.
La Comco rappelle dans son communiqué qu'un tel rachat peut être autorisé si les effets négatifs pour la concurrence liée à l'opération se produisaient, même en l'absence d'acquisition. En l'occurrence, le report d'une majorité de la clientèle de son concurrent saint-gallois vers La Poste, mouvement qui semblait acquis pour les acteurs en présence en cas de disparition de Quickmail. Mais cette autorisation reste soumise à l'absence d'une option alternative plus favorable à la concurrence. Et pour la Comco, une autre offre de reprise viable existe.
Une entreprise qui emploie 3000 personnes
Une affirmation contestée par Quickmail dans un communiqué mis en ligne hier matin. «Dès le début, nous avons clairement fait savoir à la Comco que nous n'avions accepté de vendre à La Poste que parce que toutes les options viables permettant de continuer à exister de manière autonome s'étaient effondrées», affirme Marc Erni, président du conseil d'administration, tout en dénonçant une «libéralisation déficiente» du secteur qui profite surtout à La Poste en termes de coûts unitaires.
«La vente à La Poste aurait au moins apporté une solution d'avenir pour les collaborateurs et les clients. Tout le contraire de la prétendue «alternative plus favorable à la concurrence» mise en avant par la Comco. Nous sommes choqués par [cette] interdiction irresponsable et par les conséquences dramatiques qu'elle pourrait avoir pour plus de 3000 collaborateurs», ajoutet-il.
Contactée par Le Temps, la Comco maintient qu'«en considérant toutes les informations dans la procédure, cette offre alternative est viable», sans pouvoir donner ni le nom, ni la nationalité du potentiel racheteur.
Sans donner plus de détails, Quickmail précise: «Nous avons évalué toutes les offres alternatives avant de nous mettre d'accord avec La Poste. Nous considérons l'intérêt de cet acteur comme peu crédible et nous estimons les chances de succès en tant que solution pour le groupe Quickmail comme faibles.» Pour sa part, La Poste indique qu'elle «prend acte et regrette que la reprise du groupe Quickmail ne puisse aboutir» sans pouvoir répondre à d'autres questions pour le moment.
«La vente à La Poste aurait au moins apporté une solution d’avenir pour les collaborateurs et les clients» MARC ERNI, PRÉSIDENT DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE QUICKMAIL
L'évaluation de cette opérat ion de rachat par la Comco suit le processus normal d'encadrement de la concurrence. Mais de précédentes acquisitions ont été scrutées de près, suscitant des réactions politiques.
En juin dernier, le conseiller national Olivier Feller (PLR/ VD) déposait une interpellation s'inquiétant d'une distorsion de concurrence dans le domaine de la cybersanté à la suite d'une prise de participation de 75% de La Poste dans la société Axsana. Or, la société gère une des communautés de référence prévues par la loi sur le dossier électronique du patient, mais La Poste gère aussi l'infrastructure informatique de plusieurs de ces communautés de référence développées par les cantons, souligne l'élu.
Dans la réponse apportée, il est indiqué que La Poste offre une plateforme technique à six communautés de référence, mais que deux autres ont des prestataires informatiques. L'entreprise publique occupe donc une place prépondérante, mais une concurrence existe.
Des plaintes de part et d’autres
En décembre 2022, l'organisation faîtière des PME, l'USAM, demandait au Contrôle fédéral des finances d'enquêter sur les acquisitions de La Poste pour s'assurer qu'elles ne violent pas le droit des subventions. Plusieurs entreprises ont également déposé des plaintes. En mars dernier, la Comco rendait un avis, en faveur cette fois de La Poste, dans le dossier d'une prise de participation dans Klara, une entreprise développant un logiciel de comptabilité.
Une plainte avait été déposée par une société développant un produit concurrent, Abacus, mais le gendarme de la concurrence a estimé que ce rachat ne contrevenait pas aux règles. Pour La Poste, cette stratégie d'investissement constitue une manière d'élargir ses services et d'assurer ses revenus face à la diminution de la distribution de courrier.
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