Cette semaine, le mouton noir de l’affiche est UDC
C'est devenu une fâcheuse habitude. Quand apparaît Volodymyr Zelensky, à l'écran ou en chair et en os comme cette semaine à Berne puis à Davos, l'UDC, elle, est occupée ailleurs. Ses parlementaires sont débordés, il ne s'en trouve pas un pour écouter le président ukrainien. Mais n'allez pas croire que le parti agrarien boycotte le personnage, ce serait lui faire un faux procès.
Nous serions mieux avisés de croire sur parole Kevin Grangier, président de l'UDC Vaud, qui a rassuré sur les ondes de la RTS à Forum: «Marco Chiesa préside une importante commission. Il est là pour représenter les intérêts du peuple suisse. Son absence est la conséquence d'une question de collision d'agenda, le mandat politique prime sur une visite diplomatique.» Et puis recevoir des dirigeants étrangers, c'est le job du Conseil fédéral, après tout. Viola Amherd et Ignazio Cassis ont fait ça très bien, dans le respect des formes et du protocole, avec les honneurs militaires. Même Nicolas Bideau était sur le tapis rouge pour une poignée de main, en battle-dress lui aussi, baskets blanches flambant neuves et sac à dos d'adolescent cool. Chacun comme il est ou comme il peut. Seule l'UDC ne pouvait. Ne voulait.
Ce faisant, le premier parti de Suisse affirme deux choses en creux, puisque vous aurez compris que ses excuses me paraissent irrecevables. A force de bouder un Zelensky conscient qu'au pays de Heidi, le parlement l'avis dominant, je n'y vois aucun problème, mais je note la différence de traitement avec Zelensky.
L'UDC rétorquera que la Hongrie, contrairement à l'Ukraine, n'est pas en guerre, laissant la neutralité sauve. Mais si, par hypothèse, Poutine se fendait d'une visite en Suisse, les élus UDC seraient-ils occupés à l'étable ou en commission? J'en doute. Ce serait d'ailleurs aussi stupide que pour le visiteur de Kiev.
L'indifférence de la droite nationaliste à l'égard de Zelensky témoigne de sa vision d'une neutralité fantasmée, aux contours historiques redessinés par une narration romantique. La neutralité suisse a toujours fluctué au gré des circonstances, des pressions, des intérêts, des amitiés vraies ou forcées. Souvent, la neutralité a acheté ses titres de noblesse. Elle était plus triviale.
Au lieu de l'admettre, le parti se cache enfin derrière l'éventualité des bons offices, une tradition qui serait mise à mal par la rencontre d'un des belligérants. Lequel, soit dit en passant, est l'agressé. Ce faisant, l'UDC repliée dans nos montagnes reste en marge de l'Histoire, au nom de mythes qui ne sont rattachés à aucune réalité politique, géostratégique, économique. S'il existe bel et bien une singularité suisse, une façon de faire de la politique qui a tout d'une marque déposée, rien cependant ne devrait conduire un parti à renoncer à écouter les bruits du monde, les bruits de bottes. Pas même une illusion.
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Si, par hypothèse, Poutine se fendait d’une visite en Suisse, les élus UDC seraient-ils occupés à l’étable ou en commission? J’en doute