Peut-on être allergique aux sulfites?
L'inscription est souvent discrète. Dans un coin de l'étiquette. Mais bel et bien présente sur la très grande majorité des bouteilles de vin: «contient des sulfites». Et pour cause: la législation européenne l'impose au-delà de 10 milligrammes de SO2. Cibles toutes désignées des maux liés à la consommation d'alcool – notamment les céphalées –, les sulfites sont-ils un poison accompagnant l'éthanol dans nos bouteilles? Cette substance est-elle un vrai toxique, un allergisant puissant?
«Oui et non», répond Nicolas Donzé. Le chef adjoint du service de chimie clinique et toxicologie de l'Hôpital du Valais débute par un rappel: «Afin d'honorer Bacchus, les Romains utilisaient déjà des sulfites pour ses qualités antioxydantes et antiseptiques. Ils avaient compris que le vin, être vivant, a besoin de quelques outils thérapeutiques pour le protéger des OPA agressives de la nature.» Les quelques milligrammes de SO2 permettent au nectar de ne pas tourner en vinaigre et d'être dégusté parfois de longues années après sa mise en bouteille.
Les boulettes des cellules immunitaires «Mais voilà, reprend Nicolas Donzé, ce médicament du vin semble parfois devenir poison pour l'humain.» Parmi les 1000 milliards de cellules qui composent notre corps, se trouvent les cellules immunitaires, «comme une police, une armée, qui nous protège». Et il peut leur arriver de faire des boulettes. «Parfois, à force de ne pas avoir assez de travail, ces cellules se trompent d'ennemis, et voient dans n'importe quelle molécule un dangereux terroriste. Cette erreur s'appelle l'allergie et peut parfois tuer quand elle se traduit par un choc anaphylactique.» Si le sulfite n'est pas perçu par l'immunité comme un ennemi, «le corps ne le comprend pas toujours et développe parfois une intolérance, dont les symptômes seront de l'urticaire ou des démangeaisons».
Mais ce n'est pas tout… parce que la nature est parfois imprévisible. Et, selon la littérature scientifique, «des réactions d'hypersensibilité aux boissons alcoolisées, surtout le vin rouge, sont assez fréquentes et touchent environ 10% de la population générale, souvent sous forme de rhinite, voire d'asthme – surtout chez les patients déjà asthmatiques». Et Nicolas Donzé de résumer: «Il semble que le vin lui-même peut générer, chez une petite partie de la population, une réaction allergique par la stimulation de notre police interne ou une intolérance générée par d'autres mécanismes de nos cellules.»
Déguster un vin peut donc entraîner «une réaction clinique bizarre» et secouer «notre corps après que nos lèvres ont embrassé ce doux nectar». Si cette réaction peut être due à des sulfites, elle «peut aussi trouver son origine dans bien d'autres éléments», rappelle Nicolas Donzé. Car, «tout cela nous rappelle que le vin reste un monde toujours mystérieux qui peut être la source d'une intolérance née de nos excès».
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