Le Temps

Le Geneva Lux au pays des merveilles

Une trentaine d’oeuvres lumineuses dont une quinzaine de nouveautés, concentrée­s autour de la Rade, animent ces deux prochaines semaines la dixième édition de la manifestat­ion

- VIRGINIE NUSSBAUM X @Virginie_nb

Dans la nuit on l’aperçoit de loin, flottant quelques centimètre­s au-dessus de la pelouse glacée du Jardin anglais: un ballet chatoyant de lucioles dont on ne comprend pas tout de suite les ficelles. La scène, digne d’un film du studio Ghibli, ensorcelle. Ces dizaines de petites boules lumineuses et indociles forment Firefly Field, installati­on simulant les mouvements imprévisib­les des insectes. Imaginée par les Néerlandai­s du studio Toer, l’oeuvre compte parmi les incontourn­ables du Geneva Lux. Dès ce week-end et pour deux semaines, le festival de lumières du bout du lac rallume ses feux et fête son dixième anniversai­re sous le thème «Magique et fantastiqu­e».

«On fait la fête, mais en conscience» FRANÇOIS MONCAREY, RESPONSABL­E DE LA PROGRAMMAT­ION

«Le stratus s’est installé, c’est un peu morose, l’idée était justement de rêver, de faire croire en la magie, même un instant», explique François Moncarey, responsabl­e de la programmat­ion. Une thématique qui reflète l’ADN du Geneva Lux, un événement populaire «qui fait coïncider l’art et l’espace public», note Marie Barbey-Chappuis, conseillèr­e administra­tive de la ville de Genève. Un événement destiné à animer la Rade pendant l’hiver mais aussi à réunir des artistes locaux et internatio­naux. Au fil des ans, le Geneva Lux, événement financé grâce à un partenaria­t public-privé, a su étendre son halo au-delà des frontières cantonales. «Il s’est fait sa place sur la carte des festivals de lumières européens, avec lesquels les collaborat­ions se multiplien­t», se réjouit Marie Barbey-Chappuis.

Vagues numériques

Parce que cette édition est une fête, elle s’accompagne pour la première fois de performanc­es artistique­s qui animeront les deux week-ends du festival. Un des moments très attendus est celui de la danse de l’immense marionnett­e chevelue AKA les 26 et 27 janvier. Tout aussi spectacula­ire, le spectacle de son et lumière Rade Radiance, qui s’animera les vendredis et samedis à 19h, 20h et 21h devant le Jardin anglais. Grâce à un écran d’eau au bord de la rive, des lasers projettent sur le lac des tourbillon­s colorés, une tête de loup, des vagues au-dessus des vagues d’où émerge un poisson coloré. Hypnotisan­t.

Avec ces animations, le souhait de rassembler. «Que tout le monde devienne critique d’art et s’approprie les oeuvres, qu’une connivence se crée», souligne François Moncarey. Si le festival s’étend comme de coutume au centre-ville, les promeneurs ne manqueront pas un tour sur la Rade, où se concentren­t la majorité des nouveautés 2024. A commencer par Omen, du collectif suisse NOA, qui ouvre le bal sur la promenade du Lac. Un anneau coloré émettant musique et fumée, qu’on traverse comme une porte vers un monde féerique – sans nul doute l’oeuvre la plus «instagramm­able» de toutes.

Sur sa route on croise, outre les lucioles, un étrange personnage: Diva, sculpture humanoïde et stoïque de 3,5 mètres réalisée par les Français Jérémy Oury et Thomas Voillaume, prend vie grâce au mapping qui l’habille de textures abstraites. Plus loin dans le Jardin anglais, on s’offre un instant d’émerveille­ment méditatif: La Nuit des temps, dôme coloré du Collectif Serpent Cosmique formé par une technique de tissage évoquant la culture amérindien­ne, invite à contempler les motifs qui apparaisse­nt des fils et des vides. «Ça évoque le mouvement de la nature, toujours circulaire. Comment, à l’image des cellules du corps, l’ensemble d’univers forme un nouvel univers», explique le collectif.

Rossignols d’espoir

A quelques pas de là, Mer sauvage, vague tubulaire du Vaudois Jonathan Valentin, évoque autant la culture du surf que le respect que la nature peut, et doit, nous inspirer. Une fois qu’on l’a traversée, on distingue au loin, dialoguant avec les poules d’eau, un oiseau géant. L’un des deux rossignols gonflables imaginés par l’Ukrainienn­e Svitlana Reinish. Créés pour l’Eurovision 2023 à Liverpool, ces Soloveikos, symboles du pays, sont ornés de motifs évoquant les broderies traditionn­elles d’une région – Kiev et Kharkiv. A côté du bateau Genève pour l’un, des Bains des Pâquis pour l’autre, ils partagent avec les passants des mélodies typiques d’un pays où le chant et l’espoir naissent malgré tout au milieu du chaos.

«On fait la fête, mais en conscience», résume François Moncarey. Côté bilan énergétiqu­e aussi? Si l’an dernier, le festival réduisait considérab­lement la voilure et proposait aux festivaliè­res et festivalie­rs de pédaler pour activer certaines installati­ons, pour cette année anniversai­re, la démarche se veut «un peu moins radicale», admet François Moncarey. «On a réalisé l’an dernier que notre consommati­on était infinitési­male, deux fois moins que celle d’une voiture électrique. Si nos besoins sont plus élevés cette année, on éteint une partie de l’éclairage public, on continue à utiliser les LED et les oeuvres s’éteignent à 23h.»

Avant l’extinction définitive des feux, on scrutera le ciel en quête d’une… baleine. Les 2 et 3 février à 18h, 19h et 20h, un cétacé articulé s’ébattra joyeusemen­t au-dessus des eaux du Léman. Cent trente tonnes qui flottent: on sera assurément au pays des merveilles.

■ Geneva Lux, le long de la Rade et au centre-ville, jusqu’au 4 février, entre 18h et 23h. Des visites guidées payantes sont proposées les vendredis, samedis et dimanches.

 ?? ??
 ?? ?? Diva, dôme coloré ou oiseau géant: l’édition 2024 de Geneva Lux est placée sous le signe de la magie et du fantastiqu­e.
Diva, dôme coloré ou oiseau géant: l’édition 2024 de Geneva Lux est placée sous le signe de la magie et du fantastiqu­e.
 ?? (RÉMY GINDROZ/GENEVA LUX) ??
(RÉMY GINDROZ/GENEVA LUX)

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland