Le Geneva Lux au pays des merveilles
Une trentaine d’oeuvres lumineuses dont une quinzaine de nouveautés, concentrées autour de la Rade, animent ces deux prochaines semaines la dixième édition de la manifestation
Dans la nuit on l’aperçoit de loin, flottant quelques centimètres au-dessus de la pelouse glacée du Jardin anglais: un ballet chatoyant de lucioles dont on ne comprend pas tout de suite les ficelles. La scène, digne d’un film du studio Ghibli, ensorcelle. Ces dizaines de petites boules lumineuses et indociles forment Firefly Field, installation simulant les mouvements imprévisibles des insectes. Imaginée par les Néerlandais du studio Toer, l’oeuvre compte parmi les incontournables du Geneva Lux. Dès ce week-end et pour deux semaines, le festival de lumières du bout du lac rallume ses feux et fête son dixième anniversaire sous le thème «Magique et fantastique».
«On fait la fête, mais en conscience» FRANÇOIS MONCAREY, RESPONSABLE DE LA PROGRAMMATION
«Le stratus s’est installé, c’est un peu morose, l’idée était justement de rêver, de faire croire en la magie, même un instant», explique François Moncarey, responsable de la programmation. Une thématique qui reflète l’ADN du Geneva Lux, un événement populaire «qui fait coïncider l’art et l’espace public», note Marie Barbey-Chappuis, conseillère administrative de la ville de Genève. Un événement destiné à animer la Rade pendant l’hiver mais aussi à réunir des artistes locaux et internationaux. Au fil des ans, le Geneva Lux, événement financé grâce à un partenariat public-privé, a su étendre son halo au-delà des frontières cantonales. «Il s’est fait sa place sur la carte des festivals de lumières européens, avec lesquels les collaborations se multiplient», se réjouit Marie Barbey-Chappuis.
Vagues numériques
Parce que cette édition est une fête, elle s’accompagne pour la première fois de performances artistiques qui animeront les deux week-ends du festival. Un des moments très attendus est celui de la danse de l’immense marionnette chevelue AKA les 26 et 27 janvier. Tout aussi spectaculaire, le spectacle de son et lumière Rade Radiance, qui s’animera les vendredis et samedis à 19h, 20h et 21h devant le Jardin anglais. Grâce à un écran d’eau au bord de la rive, des lasers projettent sur le lac des tourbillons colorés, une tête de loup, des vagues au-dessus des vagues d’où émerge un poisson coloré. Hypnotisant.
Avec ces animations, le souhait de rassembler. «Que tout le monde devienne critique d’art et s’approprie les oeuvres, qu’une connivence se crée», souligne François Moncarey. Si le festival s’étend comme de coutume au centre-ville, les promeneurs ne manqueront pas un tour sur la Rade, où se concentrent la majorité des nouveautés 2024. A commencer par Omen, du collectif suisse NOA, qui ouvre le bal sur la promenade du Lac. Un anneau coloré émettant musique et fumée, qu’on traverse comme une porte vers un monde féerique – sans nul doute l’oeuvre la plus «instagrammable» de toutes.
Sur sa route on croise, outre les lucioles, un étrange personnage: Diva, sculpture humanoïde et stoïque de 3,5 mètres réalisée par les Français Jérémy Oury et Thomas Voillaume, prend vie grâce au mapping qui l’habille de textures abstraites. Plus loin dans le Jardin anglais, on s’offre un instant d’émerveillement méditatif: La Nuit des temps, dôme coloré du Collectif Serpent Cosmique formé par une technique de tissage évoquant la culture amérindienne, invite à contempler les motifs qui apparaissent des fils et des vides. «Ça évoque le mouvement de la nature, toujours circulaire. Comment, à l’image des cellules du corps, l’ensemble d’univers forme un nouvel univers», explique le collectif.
Rossignols d’espoir
A quelques pas de là, Mer sauvage, vague tubulaire du Vaudois Jonathan Valentin, évoque autant la culture du surf que le respect que la nature peut, et doit, nous inspirer. Une fois qu’on l’a traversée, on distingue au loin, dialoguant avec les poules d’eau, un oiseau géant. L’un des deux rossignols gonflables imaginés par l’Ukrainienne Svitlana Reinish. Créés pour l’Eurovision 2023 à Liverpool, ces Soloveikos, symboles du pays, sont ornés de motifs évoquant les broderies traditionnelles d’une région – Kiev et Kharkiv. A côté du bateau Genève pour l’un, des Bains des Pâquis pour l’autre, ils partagent avec les passants des mélodies typiques d’un pays où le chant et l’espoir naissent malgré tout au milieu du chaos.
«On fait la fête, mais en conscience», résume François Moncarey. Côté bilan énergétique aussi? Si l’an dernier, le festival réduisait considérablement la voilure et proposait aux festivalières et festivaliers de pédaler pour activer certaines installations, pour cette année anniversaire, la démarche se veut «un peu moins radicale», admet François Moncarey. «On a réalisé l’an dernier que notre consommation était infinitésimale, deux fois moins que celle d’une voiture électrique. Si nos besoins sont plus élevés cette année, on éteint une partie de l’éclairage public, on continue à utiliser les LED et les oeuvres s’éteignent à 23h.»
Avant l’extinction définitive des feux, on scrutera le ciel en quête d’une… baleine. Les 2 et 3 février à 18h, 19h et 20h, un cétacé articulé s’ébattra joyeusement au-dessus des eaux du Léman. Cent trente tonnes qui flottent: on sera assurément au pays des merveilles.
■ Geneva Lux, le long de la Rade et au centre-ville, jusqu’au 4 février, entre 18h et 23h. Des visites guidées payantes sont proposées les vendredis, samedis et dimanches.