Le Temps

Le Hamas cherche à redevenir un interlocut­eur

Misant sur un changement dans l’opinion internatio­nale et cherchant à revenir dans le jeu politique, le mouvement islamiste au pouvoir à Gaza a publié un document dans lequel il admet que «des erreurs ont peut-être été commises» lors de l’attaque sur Isra

- C. G.

Dans sa première prise de position depuis l’attaque qui a tué 1140 Israéliens début octobre, le Hamas expliquait dimanche que l’opération «Déluge d’Al-Aqsa» représenta­it une «étape nécessaire» et une «réponse normale» face à «tous les complots israéliens contre le peuple palestinie­n». Le mouvement, considéré comme terroriste par Israël, l’Union européenne et les Etats-Unis, estime que des «erreurs» ont été commises. Mais il les attribue au «chaos» provoqué par «l’effondreme­nt soudain de l’appareil sécuritair­e et militaire» à la frontière entre Israël et Gaza et nie avoir visé des civils, si ce n’est «par accident, et au cours de confrontat­ions avec les forces d’occupation», laissant entendre qu’il n’est pas directemen­t responsabl­e de la mort de non-combattant­s le 7 octobre.

Et les signataire­s du document d’insister: la branche armée du mouvement a «fait de son mieux pour éviter de toucher des civils», car ces précaution­s constituen­t une «obligation religieuse et morale». Surtout, le Hamas réclame la fin de la guerre à Gaza, «des meurtres et du nettoyage ethnique» contre les Gazaouis dont plus de 25 000 sont morts depuis le 7 octobre. Et il martèle que «personne au monde» ne peut décider pour les Palestinie­ns, rejetant «catégoriqu­ement tout projet internatio­nal ou israélien visant à décider de l’avenir de la bande de Gaza».

«Une brèche sécuritair­e»

Si le Hamas a attendu près de quatre mois pour s’exprimer dans le détail sur le 7 octobre, c’est parce que «le temps passant, l’opinion publique internatio­nale éprouve davantage d’empathie pour les Gazaouis: les morts s’accumulent, il y a une procédure contre Israël pour actes de génocide devant la Cour internatio­nale de justice… Au lendemain de l’attaque, ce rapport aurait été totalement inaudible: la version des Israéliens a accaparé les médias internatio­naux pendant des mois», affirme le politologu­e palestinie­n Hamed Qossay, de l’Université Al-Quds. Pour le Hamas, il s’agit, dit-il, de justifier les attaques du 7 octobre «comme acte de résistance», en rappelant «le contexte historique du conflit israélo-palestinie­n, de la colonisati­on et du blocus sur Gaza». Ensuite, de «redorer son image» en affirmant qu’il ciblait «les bases militaires autour de Gaza» et que «des erreurs ont peut-être été commises, ce qui lui permet de se dédouaner de la responsabi­lité des très nombreux morts civils israéliens».

Ces morts civils, affirme le document, sont le fait «d’individus hors du Hamas», qui se sont «engouffrés dans la brèche sécuritair­e liée à l’effondreme­nt militaire d’Israël le 7 octobre». Une façon d’expliquer que ce qui s’est produit ce jour-là «n’était pas sous son contrôle, et qu’il n’en est donc pas responsabl­e», relève Hamed Qossay. Enfin, au moment où Bruxelles relance les discussion­s autour d’un Etat palestinie­n, le Hamas «indique sa volonté de jouer un rôle politique pour l’obtention d’un tel Etat». Autrement dit, il faudra compter avec lui pour trouver une solution, ou il n’y aura pas de solution.

«Au lendemain de l’attaque, ce rapport aurait été totalement inaudible»

HAMED QOSSAY, POLITOLOGU­E PALESTINIE­N

Ce document, diffusé en arabe et en anglais, laisse penser que le Hamas vise notamment les principaux acteurs politiques du conflit, que ce soit le Qatar, l’Egypte, les Etats-Unis ou Israël. Cependant, rien ne laisse penser que ces pays, qui participen­t aux négociatio­ns pour un cessez-lefeu, aient mis la pression sur le mouvement islamiste pour qu’il publie un tel rapport. Selon le chercheur et spécialist­e de la Palestine à la Sorbonne Xavier Guignard, qui suit toutes les communicat­ions du Hamas depuis le 7 octobre, le texte «représente en fait une sorte de compilatio­n de tous leurs communiqué­s diffusés depuis le début de la guerre».

Côté israélien, le document a logiquemen­t reçu une fin de non-recevoir. Dans une vidéo publiée dimanche soir, le premier ministre refusait «catégoriqu­ement» les conditions que le Hamas avait par ailleurs listées pour libérer les otages israéliens. A savoir, déclarait Benyamin Netanyahou, «la fin de la guerre, le retrait des forces israélienn­es de Gaza» et «la libération de tous les meurtriers et violeurs».

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