Vaud place ses seniors au coeur de sa politique
Pour la première fois en Suisse, un conseil consultatif des seniors voit le jour. Il doit notamment aider le canton à établir une meilleure stratégie pour le troisième âge
L’amélioration des conditions de vie des seniors est le cheval de bataille de la ministre socialiste Rebecca Ruiz, depuis sa prise de fonction au Département de la santé et de l’action sociale en 2019. Elle annonçait hier la mise en place de sa politique cantonale Vieillir2030, élaborée de concert avec les principaux intéressés.
Si, en 2020, 16% des Vaudois avaient 65 ans et plus, cette population atteindra 21% en 2040. Il est donc nécessaire, selon la conseillère d’Etat, d’agir aujourd’hui pour ces personnes de plus en plus nombreuses. De quelle politique parle-t-on?
Après avoir sondé les besoins des seniors dans une démarche participative, il semble essentiel au canton que les prestataires des différentes fonctions travaillent davantage de manière conjointe plutôt qu’en «silos», comme c’est trop souvent le cas.
Ainsi, 76 mesures sont listées, allant d’un meilleur accès à l’information à la préparation adéquate au passage à la retraite, et de l’aide à trouver la forme de logement la plus adaptée au soutien à la rédaction de directives anticipées.
«Le canton de Vaud offrira plus de lits en EMS, mais à côté de cela, nous veillons à diversifier les dispositifs existants, explique Rebecca Ruiz. En développant d’une part ce que l’on appelait les logements protégés, les LADA, en proposant aussi des aides de 3000 francs pour aménager le logement individuel, en posant des barres d’appui le long des parois, ou en changeant la baignoire.»
«On connaît la précarité de certains retraités, notamment des femmes, qui reçoivent des rentes trop faibles pour vivre correctement» REBECCA RUIZ, CONSEILLÈRE D’ÉTAT (PS/VD)
De plus, 38 projets pilote testeront des idées novatrices. Après une durée de trois ans maximum, ils feront l’objet d’une évaluation. Parmi ces projets, celui du psychiatre Jean-Pierre Schuster, qui se demande pourquoi les antidépresseurs sont si souvent prescrits chez les personnes âgées.
«Une personne sur cinq âgée de plus de 85 ans a pris des antidépresseurs dans l’année. En comparaison entre les personnes actives et retraitées, la quantité de ces médicaments consommés double chez ces dernières. Les raisons sont rarement questionnées, quand bien même cet usage a des conséquences en termes de santé et de coûts», établit-il.
L’approche du projet sera de questionner patients et médecins pour évaluer l’impact des représentations du vieillissement sur la prescription de ces médicaments.
Un retraité sur cinq ne touche pas ses aides
Un autre de ces projets pilote est mené par l’ancienne conseillère d’Etat Béatrice Métraux, actuellement présidente de l’AVIVO, l’Association de défense des retraités. «Je me suis recyclée, vous voyez!», lance-t-elle, rieuse. Elle est ébahie du nombre de retraités en situation financière précaire qui ne touchent pas les subventions auxquels ils auraient droit.
«Environ 20% des personnes âgées de plus de 65 ans ne recourent pas aux prestations complémentaires AVS auxquelles elles auraient droit, chiffre-t-elle. Plus de 200 000 seniors vivent en dessous du seuil de pauvreté. Notre projet vise à optimiser leur éligibilité aux prestations sociales.»
Afin de conduire cette politique autour du troisième âge, Rebecca Ruiz annonce la création d’un conseil consultatif des seniors. «Un organe qui n’existe pas ailleurs en Suisse», selon la ministre. Tout Vaudois intéressé est invité à soumettre sa candidature d’ici au mois d’avril. Une vingtaine de membres s’engageront ainsi pour une durée minimum de deux ans, participeront à des groupes de travail thématiques et débattront des projets menés.
Cette annonce arrive à quelques semaines des votations sur l’AVS. Les Suisses devront se prononcer sur l’octroi d’une 13e rente AVS, ainsi que sur l’initiative des jeunes PLR proposant d’augmenter l’âge de la retraite à 66 ans, dans un premier temps. Rebecca Ruiz y voit un hasard du calendrier.
«Je m’exprime en tant que conseillère d’Etat, je suis personnellement acquise à l’idée d’une 13e rente. On connaît la précarité de certains retraités, notamment des femmes, qui reçoivent des rentes trop faibles pour vivre correctement.» Au-delà de ces votations, Rebecca Ruiz vise avec sa politique à permettre à chaque Vaudois de «vieillir dans la dignité et le respect de ses choix». ■