Les coupes budgétaires paralysent le Tessin
Le budget 2024 proposé par le gouvernement prévoit 134 millions de francs de coupes. En l’absence d’un consensus, il n’a toujours pas été adopté. Le blocage menace
«No ai tagli!» Non aux 134 millions de francs de coupes prévues par le Conseil d'Etat pour le budget de 2024. C'est ce que des milliers de personnes – 5000 selon l'agence Keystone-ATS, 8000 selon la gauche organisatrice de la manifestation – ont crié à Bellinzone samedi dernier. Un budget qui aurait dû être voté en décembre, mais qui après plus de trois mois de discussions n'a toujours pas été approuvé au parlement cantonal.
Ce mardi, les trois partis majoritaires – la Lega, le PLR et Le Centre, représentant 51 députés sur 90 – se rencontrent en commission de gestion pour trouver une issue politique à l'impasse. Objectif: s'entendre sur un document qui pourrait être discuté devant le Grand Conseil début février.
Membre de la commission, le chef du groupe du Centre, Maurizio Agustoni, relève que trois points en particulier suscitent le débat: la réduction des subsides aux primes d'assurance maladie, où le gouvernement souhaite économiser 16 millions de francs; les salaires dans la fonction publique, avec notamment 2% de la masse salariale qui seraient supprimés sur les revenus supérieurs à 60 000 francs; enfin les coupes dans les institutions sociale.
Menace de référendum
«Le PLR et Le Centre sont disposés à accepter le budget à quelques amendements près», indique-t-il. En revanche, la Lega veut éliminer «les dépenses inutiles pour les requérants d'asile ainsi que les subventions pour les permis B, et réduire les effectifs de l'administration cantonale». Dans un communiqué, le mouvement de la droite populiste affirme qu'il donnera son feu vert «seulement si les intérêts des Tessinois sont protégés». Maurizio Agustoni espère qu'un compromis sera trouvé. «L'alternative est l'absence de budget, ce dont l'économie souffre déjà.»
A gauche, Fabrizio Sirica, coprésident du PS tessinois, signale que son parti est fermement opposé aux propositions du Conseil d'Etat. «Nous avons présenté à la Commission de gestion un budget, soutenu par Les Vert·e·s, qui supprime toutes les mesures concernant les subventions à l'assurance maladie, les salaires dans la fonction publique et les contributions aux institutions sociales.»
Les partis majoritaires ne peuvent ignorer la manifestation de samedi, estime-t-il: «Ces vingt dernières années, on a rarement vu autant de gens dans la rue.» Si le gouvernement va de l'avant avec la réduction des subsides aux caisses maladie, le Parti socialiste lancera un référendum, «avec de bonnes chances de le gagner», avance Fabrizio Sirica, rappelant que le Tessin est le canton ayant les plus bas salaires du pays et celui où l'augmentation des primes d'assurance maladie a été la plus élevée (plus de 10% en 2023) ces dernières années.
Le socialiste fait valoir que, d'une part, les subventions sont retirées aux handicapés et aux plus pauvres et, d'autre part, la réforme fiscale adoptée fin 2023 et allégeant l'impôt des salariés gagnant plus de 300 000 francs par an va faire perdre des dizaines de millions de francs à l'Etat. «Cela est difficile à comprendre d'un point de vue de justice sociale.»
Administration onéreuse
L'UDC a également présenté un rapport minoritaire, mais elle réclame des coupes plus drastiques. Président de la section tessinoise, le conseiller national Piero Marchesi avance que l'administration tessinoise coûte 30% de plus que la moyenne des administrations des autres cantons, selon une étude commandée par le gouvernement, et que des familles gagnant entre 120 000 et 130 000 francs par an reçoivent des subsides pour la caisse maladie. «Cette politique doit être revue pour éviter un gaspillage qu'on ne peut plus se permettre et pour aider ceux qui en ont vraiment besoin.»
Pour justifier les coupes proposées, qui réduiraient le déficit cantonal à 95,7 millions, le gouvernement a invoqué l'obligation d'équilibrer le budget d'ici à 2025, ce qui a été imposé par le «décret Morisoli» (UDC), accepté en votation populaire en 2022. En attendant, la tension monte: non seulement l'Etat mais aussi une partie de l'économie sont paralysés jusqu'à l'issue du bras de fer. ■