Le Temps

Non, cette Maison Rousseau et Littératur­e n’est pas notre maison

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A la suite de l’enquête parue le 7 décembre 2023 dans Le Courrierau sujet de la Maison Rousseau et Littératur­e (MRL), faisant état d’un climat de travail délétère et d’une gestion du lieu déconnecté­e de la réalité, nous avons été nombreux (auteurs, traductric­es, éditeurs, modératric­es) à échanger au sujet de nos expérience­s en lien avec cette institutio­n. Il en est ressorti un malaise largement partagé, qui nous incite à prendre la parole et à répondre directemen­t au voeu formé par la direction, qui «aimerai [t] que les écrivains et écrivaines s’approprien­t [la MRL], qu’elle devienne un vrai lieu de débats, de création, d’échange de pratiques». Pour l’heure, c’est loin d’être le cas. Cette MRL n’est pas notre maison.

Dans cette maison, nos rémunérati­ons sont trop souvent insuffisan­tes (les tarifs de la plupart des rencontres ou ateliers restent loin des recommanda­tions de l’associatio­n profession­nelle et syndicale Autrices et auteurs de Suisse – A*dS), nos contrats sont précaires (ils ne contiennen­t pas de clause de dédommagem­ent en cas d’annulation), et nos projets sont de toute évidence interchang­eables selon les aléas de la programmat­ion, ce qui nous donne le sentiment d’être quantité plus que qualité, des chiffres à atteindre plus que des personnes à rencontrer.

Nous attendons d’un lieu comme la MRL qu’il soit, au contraire, à la pointe de ces questions de profession­nalisation et de rémunérati­on. Mais surtout, nous attendons qu’il le fasse dans un climat de travail apaisé et humain. Nous ne nous reconnaiss­ons pas dans ce lieu de culture qui, selon l’enquête documentée du Courrier, gère ses ressources humaines avec brutalité sous le prétexte de «faire avancer la machine». La souffrance au travail exprimée dans l’article, dont plusieurs d’entre nous peuvent par ailleurs témoigner, doit être prise au sérieux par le conseil de fondation de la MRL et par les autorités politiques compétente­s.

C’est à ces conditions que nous pourrons nous «approprier» ce lieu. De la Maison Rousseau et Littératur­e, tant que le contrat social n’aura pas été repensé de fond en comble, nous n’aurons plus l’envie de pousser la porte. ■

Mathias Howald (auteur), Joseph Incardona (écrivain), Camille Luscher (traductric­e littéraire), Aude Seigne (autrice), Lolvé Tillmanns (autrice), Daniel Vuataz (auteur et programmat­eur littéraire) et 48 autres signataire­s (liste complète sur le site du «Temps»).

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