Jeremy Allen White, la recette du succès
Connu pour son rôle de chef cuisinier dans «The Bear», série qui lui a récemment valu une avalanche de prix, mais aussi pour une campagne de pub Calvin Klein devenue virale, l’acteur de 32 ans est de ceux qu’Hollywood s’arrache
Il est venu récupérer son prix en veste de smoking blanche, immaculée comme celle des chefs étoilés – avec un peu moins de boutons. Lundi dernier, à la cérémonie des Emmy Awards (édition 2023, repoussée à ce début d’année pour cause de grèves hollywoodiennes), Jeremy Allen White était sacré meilleur acteur dans une série télévisée comique pour son rôle de jeune cuisinier dans The Bear – série qui égalisait le triomphe de Succession en raflant, lors de cette soirée des Oscars télévisuels, pas moins de six récompenses.
Après son sacre aux Golden Globes le 8 janvier dernier, cette nouvelle statuette vient confirmer, s’il le fallait encore, que Jeremy Allen White, 32 ans, est le nouvel enfant chéri de l’industrie. Le genre dont les cérémonies, le public et les médias s’entichent en choeur et sans prévenir, sorte de Timothée Chalamet bis – avec quelques années de plus et une bouille moins proprette.
«Bad boy» des fourneaux
Boucles indociles, yeux bleu banquise, menton fuyant, un côté Gene Wilder qui aurait besoin d’une sieste: ce visage, on le voit un peu partout depuis l’été 2022 et le lancement de The Bear. Diffusée en Suisse sur Disney+, la série plonge dans le monde impitoyable de la restauration et plus spécifiquement dans le quotidien d’un restaurant de sandwichs italiens à Chicago. Jeremy Allen White incarne Carmen, jeune talent des cuisines qui, après le suicide de son frère, tente tant bien que mal de reprendre les rênes de l’établissement familial chaotique, de ses cuistots en roue libre – et de sa vie.
En plus de crever le petit écran, l’acteur colonise actuellement les façades de New York: égérie des sous-vêtements Calvin Klein, il s’affiche, torse ciselé de dieu du stade et caleçon blanc, pour la nouvelle campagne de la marque. Le bad boy des fourneaux qui tombe le tablier: sans surprise, les images ont affolé les réseaux et généré en moins de 48 heures plus de 12 millions de dollars en valeur d’impact médiatique. Tout aussi explosifs quoique moins léchés, les clichés de Jeremy Allen White, père de deux petites filles d’une précédente union, «paparazzé» main dans la main avec Rosalia, phénomène catalan et pop star la plus magnétique du moment. Des amours croustillantes: l’ultime ingrédient pour une coqueluche hollywoodienne cuite à point.
Stress et sacrifices
Le monde a pourtant tardé à saliver. Voilà quinze ans que Jeremy Allen White s’agite devant les caméras, et plus encore qu’il s’agite tout court, lui qui a d’abord apprivoisé la scène par la danse. Né à Brooklyn de parents théâtreux, il tombe enfant dans le monde du ballet, du jazz et des claquettes – une manière de canaliser un tropplein d’énergie. Adolescent, il se réoriente vers une carrière d’acteur et la commence à 15 ans dans un film mineur, Beautiful Ohio (2006). Peut-être est-ce sa moue naturellement boudeuse ou son côté «passe-partout»: Jeremy Allen White enchaînera à partir de là les rôles d’ados rebelles et de petits délinquants en tous genres – se frottant aux forces de l’ordre dans New York Unité spéciale.
Mais c’est avec Shameless que les rêves se précisent. Adaptée de la série britannique du même nom, cette fresque familiale suit les déboires des Gallagher, tribu américaine d’origine irlandaise installée dans un quartier populaire de Chicago. Dans cette comédie noire, la mère est aux abonnés
«J’ai toujours eu l’impression que j’étais un acteur juste assez bon pour faire de la télévision»
absents, le père indigne et la fratrie de six contrainte de se débrouiller seule. En frère aîné, Jeremy Allen White incarne, à nouveau, un jeune à l’esprit vif mais tourmenté, grignoté par les démons de l’alcoolisme.
Débutée à 18 ans, l’aventure, succès populaire plus que critique, occupera les onze prochaines années de sa vie si ce n’est quelques apparitions ici et là – comme dans l’excellente série de Julia Roberts, Homecoming (2018). «J’ai toujours eu l’impression que j’étais un acteur juste assez bon pour faire de la télévision, confiait-il au magazine Vogue. C’est ce à quoi je m’attendais: travailler pour une série, et être très satisfait et reconnaissant rien que pour cela.»
Mais les sirènes de Chicago rappelleront vite le New-Yorkais, qui y rejoindra la brigade de The Bear sous la houlette du réalisateur Christopher Storer. Pour se préparer, Jeremy Allen White suit des cours de cuisine et traîne dans les pattes de vrais chefs. De quoi assurer, avec un réalisme bluffant, les scènes de coups de feu dont la série fait son beurre. Loin d’un Top Chef glamourisé, la série suinte le stress, les sacrifices, la masculinité toxique – qui exsudent dans la vapeur (et la sueur) des cuisines –, mais aussi la beauté complexe des relations qui y naissent. Une ode viscérale aux passionnés, gastronomes ou non, dont les vocations les portent autant qu’elles les étouffent.
Des cuisines au ring
Alors que personne ne l’attendait vraiment, et malgré son casting sans vedettes, The Bear devient bientôt, comme l’adresse d’un bon restau, de ces titres qui se refilent entre «sérievores». Et puis vient l’explosion – jusqu’au rayon des italian beef, ces baguettes garnies de tranches fines de boeuf et de piments, qui s’arrachent à leur tour. Un véritable «phénomène culturel», des mots du président de FX Entertainment, bientôt gratifié d’une deuxième saison où s’invitent les guest-stars, dont Olivia Colman et Jamie Lee Curtis.
Visage de la résilience et de la vulnérabilité, Jeremy Allen
White devient aussi silhouette fantasmée. Le «look Carmen», t-shirt blanc sur bras criblés de tatouages (que l’acteur a participé à designer), cheveux sales et front humide, a fait de l’acteur un James Dean des sandwichs. Alors qu’il n’y a, chose rare, quasiment aucune nudité dans The Bear, voilà l’acteur élevé au rang des sex-symbols. On ne l’avait pas vu venir. Le public, lui, est insatiable.
Avant de se mettre sous la dent le troisième volet de The Bear, dont le tournage débute le mois prochain, on retrouvera Jeremy Allen White sur le ring. Dans
Iron Claw, film de Sean Durkin à venir à la mi-février dans les salles suisses, il incarne aux côtés de Zac Efron les frères Von Erich, qui ont marqué le monde du catch professionnel dans les années 1980 et connu un destin tragique. Des poêles aux uppercuts, du petit au grand écran, la conquête de Jeremy Allen White est bouillante et sans limites.
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