«Les retraités ont besoin d’une 13e rente, maintenant»
L’Avivo, association de défense des seniors, s’engage pour l’initiative des syndicats, sur laquelle les Suisses se prononceront le 3 mars prochain. L’ancien conseiller national Ueli Leuenberger sort de sa retraite pour défendre le projet
Hier, l’Avivo a lancé un «vibrant appel» en faveur de la 13e rente AVS. Rien de surprenant de la part de l’association qui défend les intérêts des retraités. Forte de 31 sections et 20 000 membres, l’Avivo veut faire entendre sa voix dans cette campagne qui les concerne directement. Son argument principal concerne le financement de l’AVS: «Aux quelques contradicteurs et autres opposants qui prédisent la ruine et diffusent des arguments erronés, l’Avivo suisse souligne la solidité des finances de l’AVS».
L’enjeu est tel pour les rentiers, dont les 300 000 qui vivent au niveau du seuil de pauvreté, qu’il a poussé Ueli Leuenberger, ex-président des Vert·e·s et président de l’Avivo Genève, à s’engager pour améliorer le quotidien des retraités.
En quoi est-ce important pour vous de mener
ce combat pour une 13e rente AVS? Je suis préoccupé par les gens qui ont travaillé dur toute leur vie, parfois dans des professions dévalorisées, qui ont aujourd’hui toutes les difficultés du monde à joindre les deux bouts. Quand je vois une grand-mère ou un grand-père ne pas pouvoir offrir de temps en temps un repas très simple au restaurant à leurs petits-enfants, ça me touche. Des aînés ne peuvent même plus aller au bistrot le matin boire un café et lire le journal. Ces exemples peuvent prêter à sourire, mais la précarité isole aussi. Il faut un peu d’argent pour garder un minimum de lien social. Ces situations me frappent de plus en plus.
Vous vous sentez aussi concerné par ces situations? Indirectement oui. J’ai eu la chance, après huit ans de travail assez dur dans la restauration et comme ouvrier métallurgiste, de faire des études. Grâce à ces expériences professionnelles initiales, je sais comment ces gens ont travaillé et comment ils vivent: chichement.
Selon l’Observatoire national de la vieillesse, 300 000 aînés vivent au niveau du seuil de pauvreté dans le pays, soit environ 20% des retraités. Une 13e rente représente une bouffée d’air pour eux. Mais pour 80% des rentiers, ce coup de pouce n’est pas vital… C’est un peu réducteur de voir cela comme ça! Il n’y a pas que les plus précaires qui en ont besoin. Ce n’est pas un luxe. Tout augmente sauf les rentes, qui ont perdu de la valeur ces dix dernières années. En fait, c’est le seul moyen de compenser le renchérissement puisque la 13e rente correspond à peu près à la perte du pouvoir d’achat de ces douze dernières années.
Lundi, Elisabeth Baume-Schneider a expliqué en quoi cette initiative était problématique pour les finances de l’AVS. Elle a également annoncé que le Conseil fédéral proposerait d’ici 2026 un message avec des actions ciblées pour les retraités précaires. Quelles seraient de bonnes actions ciblées selon vous? Elisabeth Baume-Schneider a défendu la position du Conseil fédéral, ce qui est normal. Mais en tant qu’ancienne responsable du social dans le canton du Jura et ancienne militante socialiste, elle doit certainement avoir un avis personnel différent sur la question.
Pour les mesures ciblées, je ne peux pas répondre sur le fond, mais en tant qu’ancien parlementaire, je sais comment se passent les projets de ce genre. Après le message, il y a des débats et des consultations à l’issue desquels se dégagent des majorités politiques ou non. Cela prend un temps fou. J’ai très peu d’espoir que, d’ici 2028-2030, le projet du parlement aboutisse et que les retraités bénéficient d’une amélioration.
Or, ils ont besoin de cette 13e rente maintenant! Dans six ans, une partie des retraités concernés seront morts.
Cette 13e rente sera un cadeau pour certains rentiers qui vont bénéficier d’une manne sans avoir cotisé, ce sont les jeunes qui vont payer pour eux… Aujourd’hui, en Suisse, on fait des cadeaux énormes aux plus riches en favorisant leurs affaires. Et on n’aurait pas les moyens de soulager nos anciens salariés? Cet argument, je ne l’accepte pas. Les trentenaires d’aujourd’hui savent bien qu’un jour ils seront, eux aussi, à la retraite. Cette 13e rente est également pour eux.
La campagne des opposants à la 13e rente vous heurte. Pourquoi? Toutes ces affiches, placardées un peu partout dans le pays, avec une famille triste et préoccupée, représentent des arguments fallacieux. Je tiens à le marteler: le financement de l’AVS n’est pas menacé. Ce qui est en danger, c’est la solidarité intergénérationnelle. Il est essentiel que les générations de nos enfants et petits-enfants comprennent cela et ne se laissent pas piéger.
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«Il faut un peu d’argent pour garder un minimum de lien social. Ces situations me frappent»