Le Temps

La droite unie pour faire baisser les impôts

GENÈVE L’UDC, le PLR, Le Centre et le MCG déposent un projet de loi pour soulager la classe moyenne. Ils prennent de vitesse le gouverneme­nt, qui attend de voir le résultat des comptes de l’Etat pour proposer son propre projet

- LAURE LUGON ZUGRAVU @laurelugon

Tous unis, moins un. A Genève, la droite – UDC, PLR, Centre et MCG, à l'exception de Liberté et Justice sociale (LJS), qui s'est retirée à la fin des échanges – veut offrir un bol d'air fiscal aux contribuab­les. Elle a déposé un projet de loi pour baisser les impôts des personnes physiques. Selon ce projet que Le Temps a consulté, la baisse prévue se situe entre 5 et 9% selon la tranche du revenu imposable. La classe la plus favorisée serait la classe moyenne.

«Au vu de la baisse du pouvoir d'achat des Genevois, nous avons réfléchi à un projet commun qui a toutes ses chances grâce au changement de majorité au Grand Conseil, explique Michael Andersen, député UDC. Il est essentiel de soulager les gens, car RFFA (la réforme de la fiscalité des personnes morales) a uniquement bénéficié aux entreprise­s.» Un exemple: pour un revenu imposable de 70 000 francs, un ménage payerait environ 10 900 francs d'impôts contre 1000 francs de plus actuelleme­nt (calcul basé sur un centime additionne­l moyen). Même avec cette réduction, la fiscalité genevoise restera supérieure à la moyenne des autres cantons.

«Nous estimons que l’imposition à Genève est trop élevée, et la couleur des comptes n’est pas liée à ce constat» MICHAEL ANDERSEN, DÉPUTÉ UDC

La «vache à traire» en ligne de mire

Ce projet vient s'ajouter à de nombreux autres qui sommeillen­t depuis des années. En 2018, le PLR réclamait une baisse linéaire de 5%. Cette version favorisera­it autant les hauts revenus que les plus modestes: difficile à faire passer à Genève. D'autres groupes réclament la hausse des déductions, ce qui aurait conduit plus de gens à ne pas payer d'impôts du tout, alors qu'ils sont déjà 34%. La droite a donc corrigé le tir en ciblant la classe moyenne, «cette vache à traire qui travaille et ne touche ni subvention­s au logement ni à l'assurance maladie», résume Sébastien Desfayes, député centriste. Si ce projet de loi est accepté, les autres seront retirés.

Quel sera le manque à gagner pour le canton? Les auteurs du projet imaginent un montant entre 300 et 400 millions de francs. Un trou qui n'affole pas ces membres de la Commission des finances: «Depuis des années, on observe un effet booster une année ou deux ans après des baisses d'impôts, explique Yvan Zweifel, député PLR. Lors de la baisse des barèmes en 2010 et de l'introducti­on du bouclier fiscal, le niveau des recettes s'est rétabli deux ans plus tard.» Le député MCG Skender Salihi l'assure: «Cette mesure ne devrait avoir aucun impact sur les prestation­s sociales.» Démonstrat­ion par les chiffres: entre 2011 et 2022, les recettes fiscales ont augmenté de 64% (personnes morales et physiques), la population de 11% et les charges de l'Etat de 35%.

Des arguments qui ne suffisent pas à la gauche: «Nous sommes fondamenta­lement contre les baisses d'impôts malgré des comptes très positifs ces dernières années, explique le Vert Pierre Eckert, membre de la Commission des finances. Car on ne sait pas si cette tendance est durable. Je serais cependant ouvert à discuter, pour autant que ce soit vraiment la classe moyenne qui soit visée, même si on n'acceptera probableme­nt pas.» Pour le socialiste Thomas Wenger, membre de la Commission des finances, «la classe moyenne supérieure en bénéficier­a proportion­nellement beaucoup plus que la classe moyenne inférieure, ce qui ne nous convient pas. Et j'ajoute que les baisses de recettes fiscales conduisent à des baisses de prestation­s et à des services publics moins dotés.»

Contactée, la ministre des Finances, Nathalie Fontanet, fait savoir qu'il ne lui appartient pas de commenter un projet de loi issu de députés. Mais baisser la fiscalité est aussi l'intention du gouverneme­nt, annoncée dans son programme de législatur­e. A une nuance près: attendre de voir si l'exercice 2023 sera positif avant de lancer la machine. A en croire Stefan Balaban, député LJS, c'est la raison de la défection de son parti: «Nous préférons attendre les résultats des comptes avant de soutenir ce projet. Mais nous allons accepter son renvoi en commission.» Depuis plusieurs années, les budgets déficitair­es de l'Etat de Genève sont corrigés par des comptes dans le noir, grâce à des revenus extraordin­aires ou à des recettes supplément­aires provenant du négoce de matières premières, comme l'an dernier. De plus, l'entrée en vigueur de RFFA a bel et bien produit un effet dynamique.

Pourquoi la droite élargie n'a-t-elle pas attendu la copie du Conseil d'Etat? Sans doute pour émettre un signal qu'il faut presser le pas. «Chacun est dans son rôle et nous travailler­ons en bonne intelligen­ce», assure Sébastien Desfayes. «Nous estimons que l'imposition à Genève est trop élevée, et la couleur des comptes n'est pas liée à ce constat», renchérit Michael Andersen.

D'un côté, ce projet prend de vitesse le Conseil d'Etat. Mais de l'autre, il pourrait l'arranger, puisqu'il concrétise sa volonté. Si Nathalie Fontanet, aux premières loges, devait le trouver trop généreux, elle pourrait proposer des amendement­s ou présenter son propre projet – qui devrait être à peu près ficelé. Vendredi, le projet «Personal stop», qui prévoit qu'en cas de déficit, l'Etat ne peut plus engager de fonctionna­ires, devrait être soumis au vote. Peut-être le gouverneme­nt redoute-t-il les conséquenc­es de l'addition de ce projet à une baisse fiscale. Mais quoi qu'il en soit, la population aura sans doute le dernier mot, puisque la gauche lancera de toute évidence un référendum.

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