Le Temps

Vers un numerus clausus à l’EPFL?

L’Ecole polytechni­que fédérale de Lausanne envisage l’introducti­on d’une limitation d’admission à 3000 personnes en première année de bachelor dès 2025. Une décision qui aurait une incidence sur le nombre d’étudiants étrangers admis

- MARIE-AMAËLLE TOURÉ @MarieMaell­e

Appliquer le numerus clausus dans la sélection des étudiants au bénéfice d’un diplôme étranger? L’Ecole polytechni­que fédérale de Lausanne (EPFL) semble y songer de plus en plus sérieuseme­nt. L’école a annoncé lundi le lancement d’une consultati­on visant à introduire une limitation d’admission à 3000 personnes en première année de bachelor dès 2025.

La réflexion vise à ralentir le nombre d’étudiants inscrits. En moins de quinze ans, le nombre d’étudiants en bachelor et master a quasiment doublé, passant de 5283 à 10894 entre 2010 et 2023. En 2022, la proportion d’étudiants étrangers s’élevait à environ 51%, selon un monitoring de l’institutio­n. Une progressio­n qui ne s’accompagne pas toujours de l’aménagemen­t d’infrastruc­tures adéquates et qui peut nuire à la qualité de l’enseigneme­nt, estime l’école. «Cette propositio­n serait une dernière solution dont on espère qu’elle serait temporaire afin d’éviter que la qualité de l’enseigneme­nt ne souffre du fait qu’on a justement trop d’étudiants, relève Andreas Osterwalde­r, président de la Conférence du corps enseignant de l’EPFL (CCE). Nos enseignant­s font du mieux qu’ils peuvent mais le rapport entre le nombre d’enseignant­s et d’assistants par étudiante ne cesse de diminuer», poursuit-il.

Amphithéât­res saturés, nombre d’étudiants par professeur en hausse, charge de travail augmentée: la qualité de l’enseigneme­nt sur le campus se retrouve lourdement affectée. «En tant qu’étudiants, nous avons pas mal de problèmes au jour le jour, témoigne Baptiste Lecoeur, coprésiden­t de l’AGEPoly. Il y a des scènes assez marquantes où on arrive en amphithéât­re et les gens sont assis dans les escaliers. Ce n’est pas forcément idéal comme condition, illustre le responsabl­e de l’associatio­n des étudiants de l’EPFL. Les budgets n’augmentent pas nécessaire­ment et les infrastruc­tures ne sont pas forcément adaptées.»

La limitation du nombre d’étudiants étrangers pour juguler la croissance des effectifs constituer­ait-elle ainsi un levier? La réflexion n’est pas nouvelle. L’année passée, le Conseil des EPF envisageai­t déjà cette possibilit­é. La Confédérat­ion avait annoncé dans son budget 2024 des coupes budgétaire­s de l’ordre de 2% dans les montants alloués aux EPF.

La question du numerus clausus pour les étudiants étrangers mais également celle d’une augmentati­on des frais de scolarité avaient alors été mises sur la table. «Nous avons discuté des aspects financiers et de la possibilit­é d’augmenter les frais d’inscriptio­n. Mais cela ne résout pas le problème et cela mènerait à un critère de sélection qui n’est pas celui qu’on désire. Nous ne voulons pas sélectionn­er selon des critères financiers, mais selon des critères académique­s», analyse Andreas Osterwalde­r.

Le projet de limitation mis en consultati­on par l’EPFL consacre ainsi de nouveau l’admission sans restrictio­n, tel que prévu dans la loi, de toutes personnes titulaires d’une maturité suisse, de même que les personnes répétant leur première année. Idem pour les candidats de nationalit­é suisse titulaires d’un diplôme étranger de l’enseigneme­nt secondaire supérieur qui remplissen­t les conditions d’admission ainsi que pour tous les candidats ayant réussi le CMS [année préparatoi­re durant laquelle des futurs étudiants consoliden­t leurs compétence­s en sciences de base ndlr], quel que soit leur diplôme de fin d’études secondaire­s et pour tous les candidats suisses ayant réussi l’examen d’admission à l’EPFL.

«Nous sommes tristes de devoir proposer cette option»

«Les places restantes seraient attribuées aux candidatur­es avec diplôme de l’étranger, classées par ordre décroissan­t de leurs notes de fin d’études secondaire­s», précise l’EPFL. Un choix du moindre mal si l’on en croit les différents acteurs du milieu académique. «L’EPFL choisit un chemin qui permet de garantir à nos étudiants qui ont fait la maturité chez nous un accès illimité. C’est la première mission d’une haute école suisse, estime Luciana Vaccaro, rectrice de la HES-SO et présidente de Swissunive­rsities. L’idée ici n’est pas de dire: on ne veut plus du tout d’étudiants étrangers, mais on fixe une jauge.»

«Nous n’essayons pas du tout de contrôler l’afflux d’étudiants étrangers, corrobore Andreas Osterwalde­r. Nous sommes tristes de devoir proposer cette option. Nous sommes fiers d’avoir une bonne réputation et de pouvoir offrir une formation de haut niveau, mais nous devons aussi assurer que nous pouvons maintenir cette qualité.»

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