Le Temps

L’Italie pleure Gigi Riva, légende transalpin­e

De l’autre côté des Alpes, les hommages pleuvent pour célébrer celui que la Péninsule surnommait «Rombo di Tuono» (coup de tonnerre). Le footballeu­r lombard s’est éteint à l’âge de 79 ans en Sardaigne, où il a joué presque toute sa vie avec le club de Cag

- LÉO TICHELLI @TichelliL

L'annonce a été accueillie comme un coup de tonnerre. Presque ironique pour celui au surnom éponyme. Gigi Riva s'est éteint lundi à l'hôpital Brotzu de Cagliari, capitale de la Sardaigne. Depuis, l'Italie est inconsolab­le et redouble d'hommages pour honorer la mémoire de cette légende du ballon rond, qui reste le meilleur buteur de la Nazionale avec 35 réussites en 42 matchs. Si l'homme a marqué à tout jamais le football bleu azur et est devenu une icône du jeu, l'histoire de «Rombo di Tuono» a commencé plus que modestemen­t tout au nord du pays. Il était «un petit garçon frêle aux jambes fines, un fils de la province de Varese que son peuple voulait solide et silencieux», comme le décrit le Corriere della Serra.

«Il ressemblai­t à son lac, à Leggiuno, la rive lombarde du Maggiore. Les mêmes ondulation­s cachaient des espaces profonds. Il a passé sa vie à essayer de rattraper la vie», poursuit le quotidien. «Lorsqu'il était enfant, on l'appelait «petite fourchette», son visage était osseux et féroce», écrit quant à elle dans ses colonnes La Repubblica. Une enfance difficile, miséreuse, rapidement marquée par la tragédie: son père décède alors qu'il n'a que 9 ans, dans un accident de travail. Sa mère mourra peu de temps plus tard et il grandira aux côtés de sa soeur.

Un coup de tonnerre pour un milliard

Les débuts sportifs de Luigi Riva se font dans cette région industriel­le, d'abord à Ala, une équipe amatrice, puis «à Laveno Mombello, un club plus structuré où, en deux ans, de 1960 à 1962, il marque 62 buts», raconte le journal de Varese Il Giorno. Il sera ensuite titulaire à Legnano, «qui croupit alors en troisième division italienne». Mais, peutêtre un coup du destin, le club est aussi la base arrière du Cagliari Calcio lorsque les Sardes jouent dans le nord du pays, rappelle le quotidien. Celui qui n'est pas encore «Rombo di Tuono» tape dans l'oeil des dirigeants des «Rossoblù». Une histoire d'amour qui durera jusqu'à la fin de sa carrière.

C'est un «orphelin […] énervé contre la vie» qui débarque à Cagliari, raconte La Repubblica. Arrivé sur l'île «sur la pointe des pieds», le Lombard y sera d'abord «aimé comme homme, puis comme footballeu­r», ajoute le Corriere della Sierra. Jamais il ne quittera les Rossoblù, malgré les appels du pied incessants des grands clubs de la Péninsule. Pour s'offrir son pied gauche, la Juventus ira jusqu'à proposer en échange «un milliard de lires et sept joueurs», raconte le Corriere del Ticino. L'Inter Milan ne parvient pas non plus à le convaincre, alors même que, enfant, il soutenait les Nerazzurri, «jouant avec la figurine de «Nacka Skoglund» [ joueur suédois qui a évolué dans le club milanais de 1950 à 1959, ndlr] dans la poche gauche de son short», écrit encore le Corriere della Sierra. Adopté par le Cagliari Calcio, l'enfant du nord devient petit à petit «plus sarde que les Sardes», ajoute La Repubblica.

«C’était Dieu, c’était papa, c’était le vent. C’était la beauté d’une pure force romanesque» «LA REPUBBLICA»

Tout le monde voulait être Gigi Riva

En Sardaigne, Gigi Riva transforme le club phare de l'île, considéré par la Rai comme «l'une des équipes les plus fortes de l'histoire du football italien» lorsqu'il y évoluait avec le numéro 11 floqué dans le dos. Les Rossoblù réalisent même l'exploit de remporter le scudetto en 1970, «le premier et le seul de son histoire», rappelle la chaîne. L'autre amour de Gigi Riva, c'est le maillot de la sélection nationale, avec lequel il remporta l'Euro 1968 et atteignit la finale de la mythique Coupe du monde de 1970 au Mexique, perdue contre le Brésil du roi Pelé.

Des années fastes du football italien, auquel Gigi Riva a peut-être contribué plus que quiconque: «Tout est dans son histoire et dans notre mémoire. Il n'y avait pas d'enfant dans les folles années 1970 qui ne voulait pas jouer au football comme lui, qui ne rêvait pas de plonger tête la première comme lui et de voler vers un lendemain parfait et heureux, un horizon où même le soleil applaudit», écrit, grandiloqu­ente, La Repubblica. La Stampa abonde dans le même sens, considéran­t le Lombard, «surnommé Rombo di Tuono par le journalist­e Gianni Brera pour la puissance de son tir et sa prolificit­é devant le filet, […] comme l'un des plus grands attaquants de sa génération».

La fin d’un mythe

Même après sa retraite sportive à l'âge de 31 ans, Luigi Riva continue de marquer les esprits. Il dirigera brièvement les Rossoblù en 1986 et sera membre de l'encadremen­t des Azzurri entre 1988 et 2013. LaNuova Sardegna le considère comme un «champion de l'élégance, de la justesse et aussi de l'éthique appliquée au football. Il était capable d'assumer des rôles de direction avec classe et autorité. A la Fédération italienne de football, il était le «papa» de tout le monde», souligne le média local.

Si Gigi Riva s'est éteint, il laisse une marque indélébile dans le coeur des Transalpin­s, et tout particuliè­rement des Sardes. «Rombo di Tuono» a même été fait citoyen d'honneur de la ville de Cagliari en 2005, où il était un homme du peuple, un «mouton» [le nom des supporters du Cagliari Calcio, ndlr] parmi les autres. Les Rossoblù n'ont pas manqué de rendre hommage sur leur site à leur ancien numéro 11: «Chacun de nous a un souvenir, une anecdote, une histoire à raconter qui lui est liée: un match, un but, une simple rencontre fortuite dans les rues de Sardaigne et dans son Cagliari, une salutation timide, un autographe ou une photo.» La mort d'un homme, mais pas uniquement. Pour La Repubblica, Gigi Riva «c'était Dieu, c'était papa, c'était le vent. C'était la beauté d'une pure force romanesque, c'était Tex Willer, c'était Ulysse.» Définitive­ment la fin d'un mythe. ■

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(MEXICO CITY, COUPE DU MONDE DE FOOTBALL, 21 JUIN 1970/SVEN SIMON /IMAGO IMAGES/) Gigi Riva reste le meilleur buteur de l’équipe d’Italie à ce jour.

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