Le Temps

«La Couleur pourpre» revisitée avec plus de musique pour moins d’impact

Déjà adapté en 1985 par Steven Spielberg, le roman primé d’Alice Walker revient en mode comédie musicale. Décevant

- STÉPHANE GOBBO @stephgobbo

Près de quarante ans après La Couleur pourpre, un film de Steven Spielberg avec Oprah Winfrey et une musique de Quincy Jones, voici La Couleur pourpre,

un film produit par Steven Spielberg, Oprah Winfrey et Quincy Jones… Que s’est-il passé entre ces deux adaptation­s du roman épistolair­e qui a valu à Alice Walker le Pulitzer de la fiction 1983? Une version chantée et dansée créée à Broadway en 2005, et qui donne lieu aujourd’hui à une comédie musicale puisque le genre est redevenu tendance ces dernières années – La La Land, West Side Story (par Spielberg!), Wonka…

Mais autant le dire d’emblée, cette Couleur pourpre revisitée, qui hésite constammen­t entre la pure comédie musicale et le mélodrame en costumes, n’est guère enchantere­sse. Sur le plan scénaristi­que, les deux films sont fidèles au livre d’Alice Walker. Tout démarre en 1909 en Géorgie, lorsque le père de deux jeunes soeurs encore adolescent­es, Nettie et Celie, arrache à cette dernière le deuxième enfant qu’elle met au monde, avant d’accepter de la donner en mariage à Mister, un père célibatair­e se cherchant une épouse-esclave, en marge de sa relation avec une chanteuse de cabaret. Entièremen­t situé au sein d’une communauté afro-américaine refermée sur elle-même, le récit met en parallèle les destins de Celie et Nettie, partie en Afrique sur les traces de ces ancêtres. Mais la cadette ne le sait

Cette adaptation, qui hésite constammen­t entre la pure comédie musicale et le mélodrame en costumes, n’est guère enchantere­sse

pas, son mari ne lui donnant aucune des lettres qu’elle lui écrit régulièrem­ent…

Tout cela est donc raconté avec de nombreux interludes chantés et dansés. Si la mise en scène du réalisateu­r ghanéen Blitz Bazawule – «clipeur», musicien et rappeur sous le nom de Blitz the Ambassador – est parfaiteme­nt tenue, l’enrobage musical édulcore par contre la dureté du propos, alors même que la méchanceté de Mister est entre autres plus exacerbée que dans le film de Spielberg. La Couleur pourpre est l’histoire d’une survie en milieu hostile, puis d’une émancipati­on. Le réalisateu­r des Dents de la mer filmait tout cela de manière assez classique, tandis que Bazawule va donc parfois plus loin dans la noirceur, aussi pour appuyer sur la dimension contempora­ine de l’oppression des femmes noires. Mais dès que les personnage­s se mettent à chanter, on croit moins aux épreuves qu’ils traversent, comme si l’empathie n’était pas soluble dans la musique. ■

La Couleur pourpre (The Color Purple), de Blitz Bazawule (Etats-Unis, 2023), avec Fantasia Barrino, Taraji P. Henson, Danielle Brooks, Colman Domingo, Corey Hawkins, 2h21.

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