«Vivre avec les loups», et leur laisser une place
Jean-Michel Bertrand continue à faire partager sa passion pour ces animaux de plus en plus mal-aimés
C’est un homme qui a de la suite dans les idées, voire un monomaniaque. Depuis quelque temps, le documentariste Jean-Michel Bertrand est devenu au loup ce que Luc Jacquet est au manchot empereur. Après l’inaugural Vertige d’une rencontre (2009), grand film d’amoureux de la nature sauvage alpine, La Vallée des loups (2016) et Marche avec les loups (2019) ont témoigné du retour du loup en France, faisant partager son goût de l’observation patiente et la fascination pour ce grand prédateur vilipendé et éradiqué à tort. Jamais deux sans trois: dans Vivre avec les loups, le voici qui approfondit la question d’un possible vivre ensemble et plaide plus largement pour un rééquilibrage en faveur du sauvage.
L’exemple de l’Italie, qui a toujours su s’arranger avec le loup (dès la fondation de Rome!) et d’où ce dernier est revenu, en France comme en Suisse, est parlant. Depuis sa cabane haut perchée, avec sa discrétion de naturaliste armé de la dernière technologie, le cinéaste se concentre cette fois sur le mystère de la reproduction du loup, naturellement autorégulée. En effet, quand il n’y a plus de ressources en nourriture ou en territoires voisins à conquérir, couples isolés ou meutes cessent de se reproduire!
Craintif et discret, utile à la régulation de la population d’ongulés et par là au maintien d’une forêt équilibrée, le loup n’a en réalité qu’un seul gros problème: notre consommation de mouton, qui fait de lui un concurrent. Fort de l’idée qu’il est possible de s’adapter, Jean-Michel Bertrand constate le retour concomitant du métier de berger, redevenu utile pour garder les troupeaux sur l’alpage, ainsi que la nécessité d’un encadrement étatique intelligent. Il va même jusqu’à faire une incursion (amicale) chez «l’ennemi», à savoir notre Haut-Valais, bastion européen des anti-loups qui n’ont encore rien cherché à comprendre.
Au final, un film passionnant, sensible aux réalités des uns comme des autres, qui permet de dépasser les vaines postures polémiques et électoralistes. ■
Vivre avec les loups, de Jean-Michel Bertrand (France, 2024), 1h29.