Le Temps

Guy Parmelin, la force tranquille de l’UDC à Berne

- ROMAIN CLIVAZ @RomainCliv­az

Il est l’homme en vue de ce début d’année. Doyen de fonction et doyen tout court au Conseil fédéral, le Vaudois assure que même s’il est le ministre le mieux élu, il garde bien les pieds sur terre. Déterminé sur le libre-échange, prudent sur l’Europe, il se confie au micro de «Sous la Coupole»

«J’ai un dicton, que j’apprécie beaucoup, qui date de mes études: la roche Tarpéienne [lieu d’exécution de la Rome antique, ndlr] est proche du Capitole.» Avec cette référence, Guy Parmelin assure d’emblée garder les pieds sur terre malgré son score canon, aux allures cubaines. Le 13 décembre dernier, il était réélu par l’Assemblée fédérale en obtenant 215 voix sur 233 bulletins valables. «Dès que vous atteignez les sommets du pouvoir, plus proche est la chute. Il faut toujours rester prudent», relativise le magistrat de l’Union démocratiq­ue du centre (UDC), tout en admettant «que ça fait plaisir». «Il y avait quand même plus de 50 nouveaux parlementa­ires. Je pense que c’est une marque de confiance…», poursuit-il.

Même s’il sait qu’être élu en premier parmi les sept Sages a des avantages, il est convaincu que soigner les contacts porte ses fruits: «Dès qu’il y a des problèmes, j’incite les parlementa­ires à prendre contact avec mes gens. Régulièrem­ent, quel que soit le parti, ils viennent exposer leur requête pendant une demi-heure en buvant un café. On essaye de trouver des solutions, avant les interventi­ons parlementa­ires. Parfois ça fonctionne, parfois ça ne fonctionne pas. Mais c’est apprécié.»

Coup d’accélérate­ur commercial avec l’Inde et la Chine

La rentrée 2024 de Guy Parmelin fut tonitruant­e: multiplica­tion des contacts au World Economic Forum (WEF) à Davos et à Berne, avancées dans deux gros dossiers de libre-échange: la Chine et l’Inde. Concernant la Chine, le Vaudois se réjouit qu’il y ait une voie propre à la Suisse: «Nous sommes le seul pays occidental qui ait un accord de libre-échange avec elle.» Ces relations de proximité sont entretenue­s avec plus de 30 dialogues thématique­s.

Au sommet de l’agenda: la nécessité reconnue par les deux parties de développer l’accord existant. Dans un monde post-covid, l’heure est à la relance des échanges, en particulie­r pour le géant asiatique, qui a connu une fermeture complète: «Je crois que c’est important de discuter avec notre troisième client… C’est toujours mieux de se parler que de bouder chacun dans son coin. Nous sommes 8 millions et demi; ils sont 1,2 milliard. Il en va de même pour l’Inde.»

Alors que le dossier semblait au point mort, les choses se sont accélérées ces derniers mois face à l’Inde, avec une multiplica­tion des contacts et un intérêt commun à avancer. «Le pays approche d’une période électorale et l’invitation de mon collègue Piyush Goyal tombait à pic.» Guy Parmelin a donc sauté dans un avion pour se rendre à Bombay les 19 et 20 janvier. Sur le fond, si les négociatio­ns ne sont pas encore terminées, c’est bien une avancée significat­ive qui a été réalisée vers un accord commercial entre l’Inde et l’Associatio­n européenne de libreéchan­ge, dont la Suisse est membre. L’objectif affiché est de le signer avant les élections indiennes de ce printemps.

Une «voie suisse» très observée

Chine, Inde, Afrique du Sud, Brésil, Grande-Bretagne: autant de contacts hors Union européenne que la Suisse soigne en particulie­r. Guy Parmelin ne cache pas sa satisfacti­on, et sourit volontiers en évoquant cette «voie suisse» pas forcément appréciée par certains partenaire­s européens: «On regarde ce que fait la Suisse quand elle négocie… Nous sommes un pays qui discute de manière claire, fiable. Une fois qu’on signe quelque chose, on l’applique… » Autre avantage: «On n’a pas d’agenda caché et nous ne sommes membres d’aucun bloc. Avec la configurat­ion géopolitiq­ue actuelle, on voit la réemergenc­e d’une politique des blocs – Amérique du Nord, Chine, Union européenne… Les petits pays doivent pouvoir naviguer. Ce n’est pas toujours simple, d’où l’importance des discussion­s autour d’accords de libre-échange.»

«J’ai été réélu pour quatre ans, j’ai l’intention d’aller au bout de cette période électorale»

GUY PARMELIN, CONSEILLER FÉDÉRAL UDC

En conclusion de la rencontre, impossible de ne pas évoquer l’avenir du doyen d’âge et de fonction. Le tournus prévoit une nouvelle présidence de la Confédérat­ion en 2026. En juin dernier, la Neue Zürcher Zeitung évoquait pourtant «le dos voûté de Guy Parmelin» qui «peut être lu comme un symbole du poids écrasant de la fonction».

Le principal intéressé n’esquive pas, mais ironise: «La santé est un paramètre qu’on ne maîtrise pas. J’ai été réélu pour quatre ans, j’ai l’intention d’aller au bout de cette période électorale. Quant à mon dos voûté, c’est une caractéris­tique de la famille Parmelin. Mon père vient de fêter ses 88 ans et ma femme me dit souvent: «Redresse-toi, tu ressembles à ton père», mais il est en pleine forme à son âge!» Et de conclure en souriant: «Je pense que, pour certains, la cheville de Wendy Holdener est plus préoccupan­te que le dos de Guy Parmelin…»

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