Le Temps

Les couples pourraient de nouveau prendre des doubles noms

Interdit depuis 2013, le double patronyme est en bonne voie de faire son retour. Le Conseil fédéral apporte son soutien à un projet du parlement

- PHILIPPE BOEGLIN, BERNE @BoeglinP

Les modèles familiaux et les parcours de vie se diversifie­nt toujours davantage, et cette réalité perce les murs du Palais fédéral. Un projet législatif propose en effet que les personnes mariées ou en couple puissent de nouveau prendre un double nom, s’ils le désirent. Cette possibilit­é est interdite depuis 2013: les futurs époux doivent actuelleme­nt décider lors du mariage s’ils préfèrent conserver chacun leur patronyme ou porter le même, rappelle le Départemen­t fédéral de justice et police (DFJP) dans sa documentat­ion.

La Commission des affaires juridiques du Conseil national veut libéralise­r le choix du nom de famille. Hier, le Conseil fédéral lui a apporté son appui, en donnant son avis sur ce projet parlementa­ire, lancé il y a des années par un ancien député de l’UDC conservatr­ice, l’Argovien Luzi Stamm.

Avec ou sans trait d’union

Les nouvelles règles, si elles sont validées, permettrai­ent différente­s variantes aux couples et à leurs enfants. Si les adultes optent pour un double nom, celui-ci se composerai­t «des noms des deux époux, avec ou sans trait d’union», écrit le DFJP. Traduction: Rochat-Favre ou Rochat Favre. Les enfants pourraient également porter un double patronyme, «que leurs parents soient mariés ou non». Enfin, les enfants pourraient porter un double nom «même si leurs parents ont tous deux conservé leur propre nom». La progénitur­e d’un(e) partenaire Favre

Les enfants pourraient également porter un double patronyme, que leurs parents soient mariés ou non

et de son ou sa conjoint(e) Rochat aurait ainsi la possibilit­é de se nommer Rochat-Favre. Le Conseil fédéral propose au parlement de simplifier encore son projet. Chaque époux devrait pouvoir décider lequel des deux noms il souhaite placer en premier, indépendam­ment de son conjoint. Un partenaire pourrait donc s’appeler RochatFavr­e, et l’autre Favre-Rochat.

Deux besoins

Le Conseil fédéral, et son nouveau ministre de la Justice, le socialiste Beat Jans, rejoignent l’argumentai­re de la commission du Conseil national. Le gouverneme­nt observe que «le droit en vigueur ne permet pas d’exprimer par le nom le lien qui unit un couple sans que l’un des époux ne doive renoncer au nom qu’il portait auparavant». Dans les faits, de nombreux époux éprouvent aujourd’hui deux besoins: conserver leur nom de célibatair­e, d’une part. Et montrer via leur nom la relation créée avec leur partenaire et leurs enfants, d’autre part.

Spécialist­e en droit de la famille, l’avocate genevoise Anne Reiser salue le projet sur le fond. Mais elle se dit «frappée» par «l’assertion du Conseil fédéral, saisi d’une initiative qui concernait les parents mariés: «le nom de l’enfant ne doit pas dépendre de l’état civil de ses parents». Or on sait que l’enfant forme une famille avec ses parents, mariés ou non. Cependant, ce qu’est la famille n’est pas précisé dans le Code civil. On laisse ainsi aux tribunaux le soin de régler cela, autant que les droits et obligation­s de et sur l’enfant. Je crains donc qu’en brandissan­t le principe d’égalité on ouvre une boîte de Pandore qui permettra une nouvelle ruée vers les tribunaux de la part de ceux qui revendique­nt des droits familiaux «au nom de l’enfant», dont le droit au nom. Il est urgent que le parlement réforme le Code civil pour clarifier cela et protéger les enfants.»

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