Les couples pourraient de nouveau prendre des doubles noms
Interdit depuis 2013, le double patronyme est en bonne voie de faire son retour. Le Conseil fédéral apporte son soutien à un projet du parlement
Les modèles familiaux et les parcours de vie se diversifient toujours davantage, et cette réalité perce les murs du Palais fédéral. Un projet législatif propose en effet que les personnes mariées ou en couple puissent de nouveau prendre un double nom, s’ils le désirent. Cette possibilité est interdite depuis 2013: les futurs époux doivent actuellement décider lors du mariage s’ils préfèrent conserver chacun leur patronyme ou porter le même, rappelle le Département fédéral de justice et police (DFJP) dans sa documentation.
La Commission des affaires juridiques du Conseil national veut libéraliser le choix du nom de famille. Hier, le Conseil fédéral lui a apporté son appui, en donnant son avis sur ce projet parlementaire, lancé il y a des années par un ancien député de l’UDC conservatrice, l’Argovien Luzi Stamm.
Avec ou sans trait d’union
Les nouvelles règles, si elles sont validées, permettraient différentes variantes aux couples et à leurs enfants. Si les adultes optent pour un double nom, celui-ci se composerait «des noms des deux époux, avec ou sans trait d’union», écrit le DFJP. Traduction: Rochat-Favre ou Rochat Favre. Les enfants pourraient également porter un double patronyme, «que leurs parents soient mariés ou non». Enfin, les enfants pourraient porter un double nom «même si leurs parents ont tous deux conservé leur propre nom». La progéniture d’un(e) partenaire Favre
Les enfants pourraient également porter un double patronyme, que leurs parents soient mariés ou non
et de son ou sa conjoint(e) Rochat aurait ainsi la possibilité de se nommer Rochat-Favre. Le Conseil fédéral propose au parlement de simplifier encore son projet. Chaque époux devrait pouvoir décider lequel des deux noms il souhaite placer en premier, indépendamment de son conjoint. Un partenaire pourrait donc s’appeler RochatFavre, et l’autre Favre-Rochat.
Deux besoins
Le Conseil fédéral, et son nouveau ministre de la Justice, le socialiste Beat Jans, rejoignent l’argumentaire de la commission du Conseil national. Le gouvernement observe que «le droit en vigueur ne permet pas d’exprimer par le nom le lien qui unit un couple sans que l’un des époux ne doive renoncer au nom qu’il portait auparavant». Dans les faits, de nombreux époux éprouvent aujourd’hui deux besoins: conserver leur nom de célibataire, d’une part. Et montrer via leur nom la relation créée avec leur partenaire et leurs enfants, d’autre part.
Spécialiste en droit de la famille, l’avocate genevoise Anne Reiser salue le projet sur le fond. Mais elle se dit «frappée» par «l’assertion du Conseil fédéral, saisi d’une initiative qui concernait les parents mariés: «le nom de l’enfant ne doit pas dépendre de l’état civil de ses parents». Or on sait que l’enfant forme une famille avec ses parents, mariés ou non. Cependant, ce qu’est la famille n’est pas précisé dans le Code civil. On laisse ainsi aux tribunaux le soin de régler cela, autant que les droits et obligations de et sur l’enfant. Je crains donc qu’en brandissant le principe d’égalité on ouvre une boîte de Pandore qui permettra une nouvelle ruée vers les tribunaux de la part de ceux qui revendiquent des droits familiaux «au nom de l’enfant», dont le droit au nom. Il est urgent que le parlement réforme le Code civil pour clarifier cela et protéger les enfants.»
■