Le catch, symbole du sport selon la plateforme de streaming californienne
Netflix a acquis les droits de diffusion de la WWE, la plus grande des entreprises dédiées à la discipline, pour dix ans et 5 milliards de dollars. Une démarche à la fois cohérente et disruptive avec sa politique sportive
Selon ses détracteurs, le catch n’est qu’une parodie de sport où rien, des rivalités aux résultats, n’échappe à la scénarisation. Peu importe, répondent les fans, qui apprécient le spectacle des combats et la profondeur des personnages. Sur USA Network, l’émission Raw, diffusée chaque lundi soir, réunit quelque 17,5 millions de visiteurs uniques par année. Ceux qui n’en ont pas encore peuvent se préparer à contracter un abonnement auprès de Netflix. La célèbre plateforme de streaming a annoncé mardi avoir acquis les droits de diffusion de la World Wrestling Entertrainment (WWE), principale entreprise mondiale dédiée à la discipline, pour dix ans et 5 milliards de dollars.
A compter de janvier 2025, «le show numéro 1 du câble américain», Raw, sera donc retransmis en direct et de manière exclusive sur Netflix aux Etats-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et en Amérique latine, ainsi que dans un nombre croissant d’autres pays, précise un communiqué de presse. D’autres émissions estampillées WWE seront diffusées sur la plateforme à l’extérieur des Etats-Unis, où elles font encore l’objet de contrats en cours: les programmes hebdomadaires SmackDown et NXT; les événements WrestleMania, SummerSlam et Royal Rumble; les séries, documentaires «et autres projets à venir».
Bref: Netflix va devenir pour plusieurs années au moins un lieu de communion des fidèles amateurs de catch. Au regard de la politique «sportive» adoptée par la plateforme auprès de 250 millions d’abonnés, qui s’apprête à augmenter ses prix comme jamais, cela constitue une démarche à la fois cohérente et disruptive.
Un conflit à régler
La cohérence, d’abord: Netflix a en commun avec le catch de scruter le sport sous le prisme des histoires qu’il peut raconter. Depuis que l’ancien service de location de films sur support physique a muté en plateforme numérique, il inclut une vaste collection de programmes sportifs. Au départ, il s’agissait essentiellement de documentaires au sens le plus classique du terme, consacrés à un thème ou à une personnalité. Puis, en 2019, est arrivé Drive to survive (Pilotes de leur destin en version française), une immersion dans les coulisses de la formule 1 sur la longueur d’une saison complète. Le succès fut retentissant. Le championnat de voitures monoplaces a bondi en popularité et rajeuni son audience. Drive to survive a été prolongé jusqu’à sa saison 6 à ce jour. Et Netflix a décliné le concept en versions tennis (Break Point), golf (Full Swing) ou encore cyclisme (Au coeur du peloton).
Chaque saison retrace des événements dont le résultat est connu à l’avance, mais peu importe, du moment qu’elle véhicule une ou plusieurs bonnes histoires. Le suspense qui fait le succès du sport en direct? Netflix a longtemps renoncé à l’exploiter. C’est à ce titre que l’arrivée de la WWE dans son catalogue constitue une disruption.
En décembre 2018, Ted Sarandos, actuel codirecteur de la plateforme, justifiait lors d’une conférence l’absence de directs sportifs sur Netflix par le conflit existant entre la volonté de laisser les abonnés «regarder les programmes à leur propre rythme» et l’évidence que «les fans veulent voir le match au moment où il se joue». Il précisait toutefois: «Si à un moment nous sentons que le sport est le meilleur domaine dans lequel investir 10 milliards de dollars, nous y réfléchirons.» La moitié aura suffi pour conclure l’accord portant sur le catch.
La «Netflix Cup»… pour commencer
En réalité, ce n’est pas la première incursion de la plateforme dans l’univers du direct. Mais elle avait jusqu’ici misé sur des créations maison, comme la Netflix Cup, une compétition de golf réunissant des joueurs professionnels et des pilotes de F1. Ou, pour le dire autrement, des stars issues de Full Swing et Drive to survive. Le 3 mars, elle inaugurera un nouveau concept: un match de tennis entre Rafael Nadal et Carlos Alcaraz, disputé à Las Vegas en tant que «Netflix Slam».
Avec les programmes de la WWE, Netflix accepte au fond le rôle de simple diffuseur. Après Amazon (football américain) et Apple TV (baseball et soccer), et sans même parler du service spécialisé dans le sport Dazn, la plateforme de streaming pourrait être le prochain géant du web à enchérir pour les droits de diffusion des compétitions plus classiques. NFL? NBA? NHL? Jeux olympiques? Financièrement, presque tout semble à sa portée. La Premier League anglaise, championnat de football le plus suivi et le plus «cher» du monde, a par exemple vendu ses droits de retransmission 1,85 milliard de francs par saison pendant quatre ans à compter de l’automne 2025. «Tout l’enjeu est de trouver la bonne ligue au bon prix au bon moment», résume au site Deadline une source interne à Netflix.
La plateforme prévoit-elle d’investir massivement dans le domaine? On n’en sait encore rien, mais le scénario est probablement déjà établi. Comme au catch.
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