Justine Triet en route pour le triomphe
L’autrice d’«Anatomie d’une chute» est dans la course à l’Oscar et pourrait devenir en France la deuxième femme à décrocher le César de la meilleure réalisation
On n’arrête plus la cinéaste française Justine Triet. La réalisatrice de 45 ans, autrice de quatre films qui sont autant de portraits de femmes, avait déjà marqué l’histoire du Festival de Cannes en devenant la troisième cinéaste femme à décrocher, en mai, la Palme d’or. Et ce, en imposant d’emblée sa patte, aussi chaleureuse et spontanée que sans concession sur ses engagements: plutôt que de triompher, elle met les pieds dans le plat et profite de la tribune cannoise pour défendre le modèle français de soutien au cinéma face au libéralisme.
Sans l’exception culturelle, «je ne serais pas là aujourd’hui», lâchet-elle en recevant la Palme d’or, dénonçant la volonté supposée du gouvernement de «casser» ce modèle. «Il y a un glissement lent vers l’idée qu’on doit penser à [la] rentabilité des films», qui pèserait sur les petites productions, a-t-elle explicité par la suite.
Le gouvernement de l’époque dénonce une sortie «ingrate et injuste» et le président de la République, Emmanuel Macron, s’abstient de lui adresser ses félicitations.
«Elle fait du cinéma un art du collectif»
Neuf mois plus tard, le visage souriant de Justine Triet s’affiche au milieu des plus grands noms du cinéma hollywoodien, tels que Martin Scorsese ou Christopher Nolan, nommés comme elle pour l’Oscar de la meilleure réalisation. Hier, elle a également été nommée par l’Académie des Césars: elle peut espérer devenir, le 23 février, la deuxième réalisatrice de l’histoire à être sacrée dans cette compétition. Emmanuel Macron a finalement dit sa «fierté» après les deux Golden Globes décrochés par Anatomie d’une chute en janvier.
Passionnée par les luttes et les moments de tension sociale, Justine Triet grandit dans la capitale française. «Ma mère travaillait et élevait trois enfants, dont deux n’étaient pas les siens. Mon père était très absent.» A 20 ans, elle entre à l’Ecole des beaux-arts de Paris avec la volonté de devenir peintre. Elle se consacrera finalement à la vidéo et au montage.
Après un premier documentaire sur les manifestations étudiantes de 2007 contre le contrat première embauche (CPE), elle réalise un premier long métrage, La Bataille de Solférino, en partie tourné le 6 mai 2012, jour du second tour de la présidentielle française remportée par le socialiste François Hollande.
Consommatrice assidue de séries, Justine Triet se voit consacrée avec
Victoria (2016), porté par la comédienne française Virginie Efira en mère célibataire. Elle signe à nouveau avec celle-ci pour Sibyl, où l’actrice incarne une romancière reconvertie en psychanalyste. Elle y met aussi en scène Sandra Hüller, une actrice allemande qui a le même âge qu’elle et dont le rôle principal dans Anatomie d’une chute lui vaut une nomination aux Oscars.
«Justine ne travaille pas comme les autres, elle fait vraiment du cinéma un art du collectif. Ça se fait ensemble même si, à la fin, c’est elle qui tranche», décrit sa fidèle productrice, Marie-Ange Luciani.
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