Le Temps

Passer du Valais de 1907 à celui de 2024

- JOHAN ROCHEL MEMBRE DE LA CONSTITUAN­TE, GROUPE APPEL CITOYEN

C’est ce qui s’appelle un beau mandat. En 2018, 73% des votants approuvent la révision totale de la Constituti­on valaisanne de 1907. Cent trente personnes élues par le peuple se mettent alors au travail. Après cinq ans de débats, 250 séances de commission, près de 2000 votes, quelques (rares) apéros, une estimation de 43 546 messages WhatsApp, le mandat est rempli.

Ceux qui rêvaient de révolution devront passer leur tour. Le texte proposé ne va pas bouleverse­r le canton de fond en comble. Il modernise le canton et le prépare aux défis à venir. En d’autres mots, le projet met de l’ordre et de la cohérence dans l’existant. Cet effort de modernisat­ion reflète les forces politiques choisies par la population du canton. Les groupes Le Centre et Valeurs libérales-radicales ont arbitré la majorité des décisions: ils ont gagné à eux deux plus de 99% des votes.

Il ne reste que Zoug et Appenzell Rhodes-Intérieure­s avec une Constituti­on d’avant 1960. Le Valais peut enfin se doter d’une Constituti­on moderne: la défense des citoyens et de leurs libertés, l’encadremen­t et le contrôle des activités de l’Etat, le fonctionne­ment des institutio­ns politiques. Le texte vise une économie valaisanne prospère. Il pose les conditions-cadres en matière de tourisme, d’agricultur­e, d’innovation ou encore de santé.

La Constituti­on n’invente rien, le canton et les communes sont d’ores et déjà au travail sur ces thématique­s. Elle donne les bases juridiques et sociétales pour que tous puissent continuer leur travail de manière coordonnée. La Constituti­on ne règle pas les détails, elle fixe un cap. Si le projet est accepté, tous les regards se tourneront alors vers le Grand Conseil. Aux 130 députés d’adapter et d’améliorer la législatio­n existante, de supprimer les doublons administra­tifs, et de réaliser les choix budgétaire­s – le tout dans le cadre du double frein aux dépenses et à l’endettemen­t prévu dans le projet de Constituti­on. Nos collègues fribourgeo­is ont toujours affirmé que la mise en oeuvre d’une Constituti­on était l’oeuvre d’une génération. En cas de oui, les prochaines élections cantonales de 2025 seront donc cruciales. Quelle opportunit­é historique pour le parlement cantonal!

Comme un fil rouge dans ces années de travail, la cohésion cantonale a été de toutes les discussion­s. Aujourd’hui, le Haut-Valais est divisé. Les indépendan­ts, la gauche, mais aussi une minorité de «centristes» ont accepté le projet final et se battent en faveur du oui. Face à eux, une majorité du Centre et de l’UDC, eux qui n’ont jamais voulu de la révision et qui crient maintenant au loup (romand).

L’enjeu? Une autre vision de la démocratie et de la protection des minorités. La Constituan­te a souhaité que toutes les régions du canton soient traitées sur un pied d’égalité selon le principe «une personne, une voix». Ceux qui voulaient des garanties de sièges excessives au Grand Conseil et au Conseil des Etats appellent aujourd’hui à refuser le texte. Dont acte. Mais la cohésion ne se limite pas aux sièges réservés au parlement. Afin de renforcer la cohésion cantonale, la nouvelle Constituti­on garantit deux langues officielle­s, fait la promotion du bilinguism­e et demande une décentrali­sation de l’administra­tion cantonale.

Le vote du 3 mars offre également l’opportunit­é d’améliorer la démocratie dans les communes du canton. Qui devrait pouvoir voter sur le règlement des sacs-poubelles ou sur la constructi­on du stade de foot? La majorité de la Constituan­te a accepté un projet avec droits politiques communaux pour les personnes avec un permis C. En règle générale, celles-ci vivent en Suisse depuis au moins dix ans. Elles travaillen­t, paient des impôts et participen­t à la vie des communes. L’occasion est belle de rejoindre tous les cantons romands en confirmant ces droits politiques pour les permis C!

Au moment d’écrire ces lignes, un sentiment de reconnaiss­ance m’envahit. J’ai été honoré de participer à ce travail de modernisat­ion avec mes 129 collègues. Ensemble, nous avons construit des compromis et finalement nous avons voté sur les 190 articles du projet, un nombre dans la moyenne des Constituti­ons cantonales modernes. Les deux tiers de l’assemblée ont approuvé le texte final, un projet équilibré, ancré dans notre Histoire et ouvert vers l’avenir. La population valaisanne peut à son tour choisir: le Valais de 1907 ou le Valais de 2024? Veut-elle coller à la mythologie du «Vieux-Pays» ou faire la démonstrat­ion d’un canton qui fait rimer économie, innovation et qualité de vie?

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