Le Temps

Ecologie, que de contradict­ions!

- MARIE-HÉLÈNE MIAUTON ENTREPRENE­USE ET ESSAYISTE MH.MIAUTON@BLUEWIN.CH

Ce n’est pas le moindre paradoxe de l’écologie moderne que de prôner souvent des solutions contre-productive­s. L’exemple le plus flagrant est bien celui de la voiture électrique. Son usage est neutre en carbone, mais pas sa fabricatio­n, ni parfois l’électricit­é qu’elle consomme. Inutile d’entrer dans le détail des calculs qui mesurent son bénéfice à partir d’un certain nombre de kilomètres parcourus, la réalité est qu’on a déplacé le problème. Cela vaut d’ailleurs pour les vélos et trottinett­es qui nécessiten­t aussi une batterie qu’il s’agit de construire, de charger, d’éliminer. Toujours en matière d’irrational­ité, que dire de l’arrêt du nucléaire civil en plein discours sur la décarbonat­ion?

Une autre contradict­ion tient à la condamnati­on sélective portée sur les habitudes de consommati­on jugées nuisibles à l’environnem­ent. La voiture thermique impacte le climat, remplaçons-la par des véhicules électrique­s ou les transports publics, soit. Mais le numérique et l’électroniq­ue personnell­e polluent aussi beaucoup sans mesures coercitive­s. Il faut dire que c’est beaucoup moins payant d’en critiquer l’usage ou d’en prôner le sevrage, chez les jeunes en particulie­r, ceux-là mêmes qui défilent, font la grève, se collent au sol ou arrosent Van Gogh de ketchup.

Autre duplicité encore dans le fait de ne pas admettre que des propos assénés souvent comme des vérités scientifiq­ues peuvent s’avérer imprécis ou erronés. Ainsi, on a beaucoup parlé un temps de la disparitio­n programmée du pétrole, le risque de pénurie prochaine étant l’argument massue pour passer au renouvelab­le avant qu’il ne soit trop tard. Mais le fameux «pic» a sans cesse été repoussé par l’Agence internatio­nale de l’énergie, qui l’a prédit tout d’abord pour 2006, puis 2018, puis 2025… Le gaz de schiste américain a déjoué toutes les estimation­s. «Les prévisions sont difficiles, surtout quand elles concernent l’avenir», s’amusait Pierre Dac. En outre, il s’avère que l’inventivit­é humaine résout souvent, tant bien que mal, de nombreux problèmes jugés insurmonta­bles. De même au sujet de la montée des eaux océaniques. A en croire Wikipédia, «Dès 1989, certaines prévisions annoncent que les Maldives pourraient avoir disparu en 1999, mais récemment la date a été repoussée à 2100. Pour l’instant, l’élévation du niveau de la mer est limitée à 3 mm par an.» Et ce ne sont là que quelques exemples parmi bien d’autres. Qu’on se comprenne bien: mon propos ne se veut pas climatosce­ptique, mais lucide quant aux vérités approximat­ives qui sont véhiculées en permanence autour de ces thèmes.

Venons-en maintenant à l’hypocrisie qui consiste à exporter les problèmes, comme on cache la poussière sous le tapis. Par exemple, l’extraction des nouveaux métaux nécessaire­s à l’industrie moderne induit des conséquenc­es environnem­entales lourdes, mais très loin du regard des principaux consommate­urs. Les Péruviens, les Chiliens et les Argentins peuvent en témoigner, dont les salars fournissen­t ce lithium indispensa­ble aux batteries. En Asie comme en Afrique, d’immenses installati­ons à ciel ouvert exigent des millions de tonnes d’eau et rejettent des déchets hautement pollués. De cette façon, il est possible de bénéficier ici d’un air pur et d’une conscience immaculée, alors que des population­s lointaines en paient le prix fort.

Cela n’empêche pas les pays riches de donner des leçons de bonne conduite à des peuples qui entament leur développem­ent, en les privant de faire chez eux ce qu’ils ont vécu eux-mêmes. Il en va ainsi des critiques sur la déforestat­ion alors que, jusqu’au Xe siècle, la forêt occupait l’essentiel du territoire européen avant d’être réduite à 30% aujourd’hui pour laisser place aux cultures et aux infrastruc­tures. Sachant cela, quelle est la légitimité des détracteur­s du défricheme­nt en Afrique subsaharie­nne ou en Amérique latine? Ce d’autant que, selon la FAO, l’évolution de la surface boisée est globalemen­t stable, voire positive à l’échelle du monde. Mais qui le dit? ■

En matière d’irrational­ité, que dire de l’arrêt du nucléaire civil en plein discours sur la décarbonat­ion?

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