Palestiniens et Israéliens voient chacun midi à leur porte
RÉACTIONS Les deux Etats belligérants ne font pas la même lecture de la décision de la CIJ rendue vendredi. L’un reconnaît son «droit à la légitime défense» et l’autre un avertissement qu’«aucun Etat n’est au-dessus des lois»
Israéliens et Palestiniens ont pris vendredi après-midi acte de la décision de la CIJ, chacun semblant voir midi à sa porte. Si le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a dénoncé une «accusation de génocide scandaleuse», les experts et juristes perçoivent cette ordonnance comme positive pour l’Etat hébreu. Yaacov Garson, avocat à Jérusalem, spécialisé en droit international, la considère même comme «une victoire». Il explique au Temps: «La seule ambition de l’Afrique du Sud, qui a déposé la plainte, était d’accoler le mot «génocide» à l’Etat d’Israël. Or la CIJ ne l’a pas fait. Elle s’est surtout inquiétée du risque de dégradation de la situation humanitaire à Gaza.» Pour lui, l’essentiel est que la CIJ ait reconnu «le droit à la légitime défense d’Israël, et n’ait pas demandé de cessez-le-feu». L’appel de la Cour internationale de justice à la libération sans condition des otages était plus important encore selon Yaacov Garson, alors que le Hamas a diffusé, dans la foulée de cette décision, une nouvelle vidéo de trois Israéliennes retenues à Gaza. Emmanuel, professeur au collège à Jérusalem, se dit soulagé que la
«L’Etat hébreu continuera sa guerre sans le moindre changement, et en toute impunité» RULA JAMAL, CODIRECTRICE DU PALESTINE INSTITUTE FOR PUBLIC DIPLOMACY
CIJ n’ait pas réclamé l’arrêt des combats. «Israël est une démocratie, son armée respecte le droit de la guerre, contrairement au Hamas. On donnera l’aide humanitaire qu’il faut aux civils; tant que ça ne profite pas au Hamas, ce n’est pas un problème», explique-t-il. Côté palestinien, la décision est également saluée, pour les raisons inverses. «Un développement important» pour le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, l’Autorité palestinienne saluant un «avertissement important: aucun Etat n’est au-dessus des lois». Codirectrice du Palestine Institute for Public Diplomacy à Ramallah, Rula Jamal se félicite que la CIJ ait reconnu «un risque plausible de génocide». Même si un cessez-le-feu n’a pas été réclamé, «la poursuite de toute campagne militaire par Israël les rend coupables de fait, des actes génocidaires que la CIJ leur ordonne d’empêcher. Autrement dit, Israël doit cesser ses attaques!», relève-t-elle.
Elle tempère cependant cette victoire «légale et symbolique, qui représente surtout un outil pour maintenir la pression des populations et des Etats à travers le monde sur Israël. Car nous savons qu’Israël et ses alliés ne respecteront pas le droit international», martèle l’experte. Gazaouie déplacée à Rafah, Asma déplore une décision tout simplement «inutile». Et de s’insurger: «Le minimum, ça aurait été d’exiger un cessez-le-feu! Israël continuera sa guerre sans le moindre changement, et en toute impunité.» ■