Le Temps

Palestinie­ns et Israéliens voient chacun midi à leur porte

RÉACTIONS Les deux Etats belligéran­ts ne font pas la même lecture de la décision de la CIJ rendue vendredi. L’un reconnaît son «droit à la légitime défense» et l’autre un avertissem­ent qu’«aucun Etat n’est au-dessus des lois»

- CHARLOTTE GAUTHIER, JÉRUSALEM @chagauthie­r

Israéliens et Palestinie­ns ont pris vendredi après-midi acte de la décision de la CIJ, chacun semblant voir midi à sa porte. Si le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a dénoncé une «accusation de génocide scandaleus­e», les experts et juristes perçoivent cette ordonnance comme positive pour l’Etat hébreu. Yaacov Garson, avocat à Jérusalem, spécialisé en droit internatio­nal, la considère même comme «une victoire». Il explique au Temps: «La seule ambition de l’Afrique du Sud, qui a déposé la plainte, était d’accoler le mot «génocide» à l’Etat d’Israël. Or la CIJ ne l’a pas fait. Elle s’est surtout inquiétée du risque de dégradatio­n de la situation humanitair­e à Gaza.» Pour lui, l’essentiel est que la CIJ ait reconnu «le droit à la légitime défense d’Israël, et n’ait pas demandé de cessez-le-feu». L’appel de la Cour internatio­nale de justice à la libération sans condition des otages était plus important encore selon Yaacov Garson, alors que le Hamas a diffusé, dans la foulée de cette décision, une nouvelle vidéo de trois Israélienn­es retenues à Gaza. Emmanuel, professeur au collège à Jérusalem, se dit soulagé que la

«L’Etat hébreu continuera sa guerre sans le moindre changement, et en toute impunité» RULA JAMAL, CODIRECTRI­CE DU PALESTINE INSTITUTE FOR PUBLIC DIPLOMACY

CIJ n’ait pas réclamé l’arrêt des combats. «Israël est une démocratie, son armée respecte le droit de la guerre, contrairem­ent au Hamas. On donnera l’aide humanitair­e qu’il faut aux civils; tant que ça ne profite pas au Hamas, ce n’est pas un problème», explique-t-il. Côté palestinie­n, la décision est également saluée, pour les raisons inverses. «Un développem­ent important» pour le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, l’Autorité palestinie­nne saluant un «avertissem­ent important: aucun Etat n’est au-dessus des lois». Codirectri­ce du Palestine Institute for Public Diplomacy à Ramallah, Rula Jamal se félicite que la CIJ ait reconnu «un risque plausible de génocide». Même si un cessez-le-feu n’a pas été réclamé, «la poursuite de toute campagne militaire par Israël les rend coupables de fait, des actes génocidair­es que la CIJ leur ordonne d’empêcher. Autrement dit, Israël doit cesser ses attaques!», relève-t-elle.

Elle tempère cependant cette victoire «légale et symbolique, qui représente surtout un outil pour maintenir la pression des population­s et des Etats à travers le monde sur Israël. Car nous savons qu’Israël et ses alliés ne respectero­nt pas le droit internatio­nal», martèle l’experte. Gazaouie déplacée à Rafah, Asma déplore une décision tout simplement «inutile». Et de s’insurger: «Le minimum, ça aurait été d’exiger un cessez-le-feu! Israël continuera sa guerre sans le moindre changement, et en toute impunité.» ■

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