Le Temps

Premiers pas (de danse) de Beat Jans à Bruxelles

DIPLOMATIE Le nouveau conseiller fédéral à la tête du Départemen­t de justice et police a multiplié les contacts avec ses homologues dans la capitale belge. Après un détour par Anvers, sous le signe de la lutte contre la criminalit­é

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D, BRUXELLES @vdegraffen­ried

Cocaïne, contrôles frontalier­s, protection des réfugiés ukrainiens et intelligen­ce artificiel­le au menu. A Anvers puis Bruxelles de mercredi à vendredi, le nouveau conseiller fédéral Beat Jans a profité de sa première participat­ion à un conseil informel des ministres de la Justice et des Affaires intérieure­s des Etats Schengen pour nouer de précieux contacts. Et visiblemen­t, il a fort apprécié sa sortie belge. «J'ai même eu l'occasion de danser jeudi soir avec des ministres, grâce à un bon DJ!», a précisé vendredi matin Beat Jans, tout sourire et décontract­é, depuis la Mission suisse à Bruxelles.

Invité par Darmanin

Le socialiste bâlois sera-t-il l'«euro-turbo» du Conseil fédéral pour faire aboutir les bilatérale­s III, alors que les négociatio­ns pourraient bientôt démarrer? Il l'avait déjà dit durant sa campagne: difficile de venir de Bâle sans être pro-européen et conscient que la Suisse ne peut pas se permettre de miser sur l'isolationn­isme.

Mais pour l'heure, le ministre de Justice et Police reste encore en retrait: il compte bien respecter la «règle des 100 jours» (qui veut qu'un nouveau venu ne s'exprime pas publiqueme­nt dans les médias pendant les trois premiers mois), avant d'articuler ses ambitions et priorités.

A Bruxelles, il a toutefois insisté sur le besoin de résoudre des «questions complexes» comme la migration ou la lutte contre la criminalit­é «ensemble», en écoutant les besoins et préoccupat­ions des autres. Il s'est notamment entretenu avec la ministre de l'Intérieur allemande Nancy Faeser, l'occasion d'évoquer la sensible question des contrôles que l'Allemagne a réintrodui­ts à la frontière avec la Suisse. Pour le chef du Départemen­t fédéral de justice et police (DFJP), ces contrôles ne se justifient guère. Il a par ailleurs été invité à Paris par Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur français. Et s'est notamment entretenu avec Ylva Johansson, la commissair­e européenne aux Affaires intérieure­s.

Beat Jans a aussi été confronté à Elon Musk, le fantasque patron du réseau social X. Ou presque. Il a participé à un workshop sur l'utilisatio­n de l'intelligen­ce artificiel­le à des fins criminelle­s qui l'a impression­né, avec un Elon Musk sur grand écran plus vrai que nature, qui présentait sa carte d'identité ou levait ses trois doigts quand on le lui demandait.

Coordinati­on nécessaire

Mercredi, c'est à Anvers que son séjour belge a débuté. Il a assisté au lancement d'une nouvelle «Alliance des ports européens» pour combattre le fléau du crime organisé et du trafic de cocaïne en particulie­r, qui gangrène des ports comme ceux d'Anvers ou de Rotterdam. De la cocaïne qui arrive jusqu'en Suisse, où la demande reste très forte.

Beat Jans s'est montré particuliè­rement attentif aux mesures mises en place par ses interlocut­eurs, alors que l'augmentati­on de la répression et de la traque des criminels a aussi pour corollaire de déstabilis­er le marché et d'engendrer des actes de violence. L'alliance portuaire est notamment soutenue par Europol, avec laquelle l'Office fédéral de la police collabore. Simon Spoerri, le vice-directeur de Fedpol chargé de la Coopératio­n policière internatio­nale, était d'ailleurs aussi du voyage.

Sur le front de la migration, alors que les Etats membres de l'UE et le Parlement européen se sont accordés sur la mouture finale du Pacte sur la migration et l'asile en décembre, c'est surtout le statut des Ukrainiens qui était au coeur des discussion­s. Près de 4,2 millions d'Ukrainiens qui ont trouvé refuge au sein de l'UE bénéficien­t d'un statut de protection temporaire jusqu'en mars 2025. Mais il s'agit déjà de penser à l'après. La Suisse dispose également d'un statut de protection temporaire, mais la décision de l'UE impliquera une étroite coordinati­on. Le 29 septembre 2023, le Conseil fédéral a déjà dévoilé un plan provisoire pour une éventuelle levée du statut S.

Pour ce qui est du Pacte, la Suisse, qui applique les Accords de Schengen et de Dublin, devra reprendre certains éléments. Mais rien n'est encore défini, tant que le Pacte n'a pas encore été formelleme­nt adopté.

Aucune décision n'est ressortie du conseil informel des ministres. Mais pour Beat Jans, les réunions et contacts ont constitué une première prise de températur­e des préoccupat­ions européenne­s et problèmes avec possibles répercussi­ons sur la Suisse. Il avait déjà profité du WEF de Davos pour échanger avec Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, ou la ministre belge des Affaires étrangères Annelies Verlinden, alors que la Belgique assure la présidence tournante de l'UE jusqu'en juin.

«Il est plus facile de trouver des solutions lorsqu'on se connaît personnell­ement», a déclaré le conseiller fédéral à Bruxelles. L'histoire dira si les pas de danse auront permis de faire avancer certains dossiers.

«Il est plus facile de trouver des solutions lorsqu’on se connaît personnell­ement»

BEAT JANS, CONSEILLER FÉDÉRAL

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(BRUXELLES, 25 JANVIER 2024/OLIVIER HOSLET/EPA) Beat Jans (deuxième depuis la gauche à la dernière rangée) pose avec ses homologues européens.

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