Le Temps

Ecartez-vous! Lisa Mazzone, «femelle alpha», est de retour

- LAURE LUGON ZUGRAVU

Que d’éclatants sourires à la une de nos journaux cette semaine! Celui, inégalé, de l’ex-conseillèr­e aux Etats écologiste Lisa Mazzone, remerciée par les Genevois aux élections fédérales. Ce noir dimanche d’automne, l’émotion au bord des yeux, elle déclarait sous le coup du sort se retirer de la politique, vouloir explorer d’autres chemins, et déplorait que Genève soit représenté par deux hommes de plus de 60 ans. Deux mois plus tard, elle revient, seule en lice pour la présidence du parti national, et sans occuper de fauteuil sous la Coupole. Digne d’un «mâle alpha».

Les Genevois ne voulaient plus d’elle? Tant pis pour eux qui ont voté comme des écervelés sans prendre la vraie mesure de son talent. Les Vert·e·s suisses vont corriger l’erreur des citoyens du bout du lac et remettre leur égérie là où elle le mérite, sur le devant de la scène dans un rôle stratégiqu­e. Car elle n’aura pas de concurrenc­e, écrasant de sa légende d’éventuels candidats moins lumineux, moins populaires, moins ambitieux.

Ai-je dit quelque chose qui fâche? C’est probable. L’ambition, de nos jours, est vilainemen­t connotée, surtout chez les progressis­tes qui ne sont animés que par des valeurs essentiell­es au bien commun. Admettre une appétence pour le pouvoir ou une impossibil­ité de s’en détacher serait indigne. Or ce qui précisémen­t me fascine chez cette politicien­ne, c’est la voracité qui l’anime, juste derrière le chant des mots et la lumière du regard. Aucune désillusio­n électorale ne peut calmer cette fringale-là.

C’est aussi ce qui a permis à Lisa Mazzone de devenir une icône. Au point qu’il nous faudrait croire qu’être absente du parlement pour diriger un parti national serait un avantage. Avec un parcours politique hors normes, une jeunesse triomphant­e portée haut dans tous les cénacles où elle fut élue, quelques jolis succès comme la redéfiniti­on du viol dans le Code pénal et quelques défaites aussitôt oubliées, elle est devenue la coqueluche des écologiste­s, Alémanique­s surtout. Et celle des médias aussi, qui offrent à la Genevoise une couverture dont beaucoup d’élus n’oseraient rêver. La courtisane­rie n’est jamais très loin du respect, comme l’acharnemen­t de la critique.

Si les Vert·e·s, comme les simples mortels, sont attirés par les mâles ou les femelles alpha, quand bien même ils disent préférer le pouvoir horizontal à sa version – et sa nature – verticale, cela aura un prix, et en espèces. Un prix supérieur à 28 000 francs, soit l’actuelle rémunérati­on du président démissionn­aire Balthasar Glättli qui le complétait avec son traitement de parlementa­ire. N’en déplaise à ceux qui planent dans le ciel des grandes aspiration­s désintéres­sées, les contingenc­es matérielle­s se rappellent à tous et à chacun, Lisa Mazzone compris.

Pardon de me montrer triviale, mais il se pourrait que la Genevoise, comme tout le monde, ait besoin d’un salaire.

Or elle n’a jamais travaillé en dehors de la politique et de l’associatif. A 36 ans, elle pourrait tenter l’aventure, en parallèle de son futur poste de présidente. Mais le plus simple est encore de ne pas changer de métier. Et puis franchemen­t, si elle était mieux payée que son homologue masculin, ne serait-ce pas un magnifique signal progressis­te sur le plan de l’égalité?

L’ambition, de nos jours, est vilainemen­t connotée, surtout chez les progressis­tes qui ne sont animés que par des valeurs essentiell­es au bien commun

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