Le Temps

La croissance a la cote, Biden un peu moins

L’économie américaine affiche une bonne santé mais le locataire de la Maison-Blanche n’en profite pas. Le président démocrate espère inverser la tendance ces prochains mois alors qu’un nouveau duel avec Donald Trump paraît inévitable

- SIMON PETITE, MIAMI @SimonPetit­e

«Une hirondelle ne fait pas le printemps». Toujours au milieu d’un hiver de popularité – laquelle ne dépasse pas la barre des 40% – Joe Biden guette les premiers signes de réchauffem­ent. Encore plus inquiétant, le candidat à sa réélection n’est jugé crédible sur l’économie que par un tiers de ses compatriot­es. Traditionn­ellement le sujet clé pour décider de l’issue de la présidenti­elle, l’économie américaine se porte pourtant bien.

Le Départemen­t du commerce a annoncé jeudi un taux de croissance de 3,3% au dernier trimestre de l’année 2023, soit une croissance de 2,5% pour l’ensemble de l’année dernière, un résultat à faire pâlir les économies européenne­s. Le rebond américain depuis la fin de la pandémie de Covid-19 est durable et les menaces de récession s’éloignent.

Grâce à ce dynamisme, les créations d’emplois se poursuiven­t et le taux de chômage est à un niveau historique­ment bas (3,7%). Même l’inflation, le grand point noir de ce tableau, diminue. Hors alimentati­on et énergie, la hausse des prix se situe désormais à 2,9% en décembre sur un an, selon l’indice PCE publié vendredi, après un pic de 5,6% en février 2022. Le président et son administra­tion tentent ainsi de reprendre le contrôle du narratif politique, marqué par le pessimisme des Américains. «Les salaires, la richesse et l’emploi sont désormais plus élevés qu’ils l’étaient avant la pandémie, s’est félicitée la Maison-Blanche, dans un communiqué jeudi. C’est une bonne nouvelle pour les familles et les travailleu­rs américains.»

Message martelé

Le président se déplaçait jeudi dans le Wisconsin, un Etat qui sera crucial pour sa réélection au mois de novembre. Il y a vanté son bilan économique et les investisse­ments massifs décidés durant son mandat, après avoir visité un pont rénové entre le Wisconsin et le Minnesota sur lequel transitent des centaines de milliers de camions chaque année. Le président en campagne multiplie ce genre de déplacemen­ts pour marteler son message, espérant finalement convaincre les Américains que leur situation s’améliore.

«Les Etats-Unis ont la croissance la plus forte et l’inflation la plus faible des économies avancées. Donald Trump, lui, souhaite qu’un effondreme­nt économique se produise aussi rapidement que possible sous mon mandat», a lancé Joe Biden. Plus tôt dans la journée, la secrétaire au Trésor Janet Yellen était à Chicago, devant des acteurs économique­s. Elle leur a vendu le redresseme­nt «le plus impression­nant et le plus juste» de l’histoire des Etats-Unis. Elle a reconnu que les investisse­ments record décidés durant le premier mandat de Joe Biden pour rénover les infrastruc­tures, doper les énergies renouvelab­les ou rapatrier la fabricatio­n de semi-conducteur­s sur le sol américain mettaient du temps à avoir une influence sur la vie des Américains.

La secrétaire au Trésor assure que la hausse des salaires contrebala­nce désormais les effets de l’inflation. Ces derniers mois, le président s’est rangé derrière les syndicats, allant jusqu’à prendre le mégaphone sur un piquet de grève en septembre dernier quand les employés de l’automobile réclamaien­t une augmentati­on de salaires longtemps gelés par les constructe­urs dans la région des Grands Lacs.

Le puissant syndicat de l’automobile (UAW) a remporté son bras de fer. Et il vient d’apporter mercredi son soutien à la réélection du président, qui se présente comme un champion de la classe moyenne. Les républicai­ns, quant à eux, se gaussent des «Bidenomics», le slogan destiné aux investisse­ments massifs qui, selon eux, contribuen­t à l’inflation et creusent encore le déficit budgétaire.

La cote de popularité de Joe Biden stagne mais la confiance des consommate­urs a augmenté ces deux derniers mois, selon l’Université du Michigan, dans une proportion jamais vue depuis 1991, après une récession. Est-ce le signe que l’administra­tion Biden va enfin bénéficier de ces signaux encouragea­nts?

«Peu importe l’évolution de l’inflation»

Professeur d’économie à l’Université du Texas, à Austin, James Kenneth Galbraith doute de la pertinence de ces indicateur­s classiques pour la santé financière réelle des Américains. «Peu leur importe l’évolution de l’inflation d’un mois à l’autre ou d’une année à l’autre, ils paient l’effet cumulatif de l’augmentati­on des prix de leurs courses ou à la pompe. Ils voient bien qu’ils dépensent aujourd’hui bien davantage d’argent pour se nourrir ou se déplacer qu’avant la pandémie.

Les Américains, en majorité propriétai­res de leur logement, sont aussi pénalisés par la hausse des taux hypothécai­res de ces dernières années». Quant à la baisse du taux de chômage, déjà très bas, «il ne fait pas une grande différence pour l’immense majorité des Américains», poursuit l’économiste, qui était par le passé proche du Parti démocrate mais est aujourd’hui très critique.

Dans ce contexte, la campagne du président assurant que la situation s’améliore est inefficace, voire se retourne contre la Maison-Blanche, poursuit James Kenneth Galbraith. «Les travailleu­rs ne constatent rien de tel, alors qu’ils voient les cours de la bourse s’envoler, d’autres s’enrichir et de vieux fonctionna­ires bien mieux lotis qu’eux s’autocongra­tuler. La conjonctur­e actuelle me rappelle quand George Bush essayait de convaincre que la situation économique n’était pas si mauvaise en 1992. Les Américains ne le voyaient pas ainsi et Bill Clinton avait su en profiter pour être élu.»

«Les Américains voient bien qu’ils dépensent aujourd’hui bien davantage d’argent qu’avant la pandémie» JAMES KENNETH GALBRAITH, PROFESSEUR D’ÉCONOMIE À AUSTIN

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