Le Temps

Vainqueur de Novak Djokovic à Melbourne, Jannik Sinner est mûr pour son premier titre majeur

- LAURENT FAVRE @LaurentFav­re

Invaincu à l’Open d’Australie depuis six ans, le numéro un mondial a été battu en demi-finale par Jannik Sinner (6-1 6-2 6-7 6-3). L’Italien disputera dimanche sa première finale en Grand Chelem contre Daniil Medvedev, qui a usé Alexander Zverev en cinq sets (5-7 3-6 7-6 7-6 6-3)

Dix fois vainqueur de l’Open d’Australie, où il restait sur une série de 33 succès consécutif­s, Novak Djokovic n’y avait jamais perdu en demi-finale, et même jamais perdu du tout sur la Rod Laver Arena. Mais il y a une fin à tout et, vendredi, le Serbe a été poussé vers la sortie par plus jeune, plus puissant, plus agressif, plus régulier que lui, l’Italien Jannik Sinner. Le grand rouquin de Bolzano, souvent suivi sur le circuit ATP par des supporters déguisés en… carottes, s’est imposé en quatre sets, 6-1 6-2 6-7 6-3. Il peut devenir dimanche le premier joueur non membre du top 3 à remporter le tournoi depuis Stan Wawrinka il y a dix ans.

Jannik Sinner affrontera en finale le Russe Daniil Medvedev, qui a su remonter deux sets de retard pour cuire à l’étouffée un Alexander Zverev à bout de forces (5-7 3-6 7-6 7-6 6-3). Daniil Medvedev, qui a déjà disputé cinq finales de Grand Chelem (toutes contre Nadal ou Djokovic) pour une seule victoire (US Open 2021), aura l’avantage de l’expérience mais le désavantag­e d’un parcours beaucoup plus laborieux (trois victoires en cinq sets, un total de 20 heures et 32 minutes passées sur les courts).

Jannik Sinner, lui, n’avait, jusqu’à Djokovic, connu que des succès expéditifs en trois sets. Il était parti pour continuer, empochant facilement les deux premières manches

«J’ai juste essayé de rester positif» JANNIK SINNER

6-1 6-2, mais qu’il l’ait emporté en quatre sets, après avoir manqué une balle de match à 6-5 sur le service de Djokovic dans le tie-break du troisième set, ajoute encore à son crédit. Il a su rester calme et dominant sur le court, alors que l’on pensait qu’un autre match débutait. «Ce n’est pas facile: vous passez tout près, et, d’un coup, ça redevient lointain, expliqua-t-il après le match. J’ai juste essayé de rester positif, de tenir mon service et de rester concentré.» Sinner ne se découragea pas et continua d’agresser Novak Djokovic en retour (souvent au corps). Le Serbe sauvait trois balles de break à 1-0 Sinner mais craquait deux jeux plus tard, alors qu’il menait pourtant 40-0.

Entre le ski et le tennis

Au final, la victoire de l’outsider sur le favori ne souffre aucune contestati­on. Une statistiqu­e résume et confirme ce sentiment: Novak Djokovic n’a eu aucune balle de break de toute la partie, ce qui ne lui était encore jamais arrivé en Grand Chelem! «Cette statistiqu­e en dit long, déclara le numéro un mondial en conférence de presse. Il a très bien servi, avec beaucoup de précision et il était à l’aise sur ses mises en jeu [83% de points gagnés derrière sa première balle]. Moi, je crois bien que c’est l’un des pires matchs de ma carrière en Grand Chelem. Mais je veux féliciter Jannik pour son excellent match. Il a tout fait mieux que moi aujourd’hui, il m’a totalement dominé. Il mérite sa place en finale.»

Originaire de la province de Bolzano, dans le Trentin-Haut-Adige, Jannik Sinner a longtemps hésité entre le ski et le tennis, où sa grande taille en fait l’un des meilleurs serveurs du monde. S’il a mis du temps à assembler toutes les pièces de son jeu, sa progressio­n a été constante et son avènement aujourd’hui ne surprend pas. Il est considéré comme l’un des jeunes joueurs les plus appliqués à progresser. Ce sérieux et cette déterminat­ion transparai­ssent dans ses propos d’après-match, où sa joie était très mesurée. «Evidemment, cela veut dire beaucoup pour moi de battre Novak Djokovic ici, à Melbourne, mais je sais que le tournoi n’est pas terminé et que je n’ai encore rien gagné.»

Un stage accéléré

Il faudra pour cela battre Daniil Medvedev, qui mène 6-3 dans leurs confrontat­ions directes mais qui a perdu les trois dernières. «Des matchs serrés en trois sets, avec à chaque fois des tie-breaks», minimise le Russe, qui admet toutefois que son adversaire «a clairement passé un cap cet été en gagnant le Masters 1000 du Canada». Jannik Sinner identifie pour sa part un autre moment clé, en novembre dernier, lorsqu’il a joué trois fois contre Novak Djokovic en dix jours, deux fois au Masters de Turin et une fois au Final 8 de la Coupe Davis à Malaga.

A Turin, après la première victoire de sa carrière sur le Serbe (en poule), il lui fut reproché d’avoir joué à fond et battu Holger Rune,

alors qu’une défaite aurait éliminé Djokovic, qu’il retrouva en finale, s’inclinant cette fois, après avoir battu Daniil Medvedev en demi-finale. Il estime aujourd’hui que rejouer Djokovic lui fut profitable. «Cela a été une grande chance pour moi de le rencontrer trois fois en dix jours. C’était comme un stage de très haut niveau, parce qu’un match est toujours très différent d’un entraîneme­nt [les deux hommes s’apprécient et s’entraînent souvent ensemble à Monaco]», explique-t-il.

A Malaga, lors de la demi-finale de Coupe Davis Italie-Serbie, Jannik Sinner a à nouveau battu Novak Djokovic, avant d’offrir le Saladier d’argent à son pays en dominant l’Australie. L’Italie n’avait plus remporté la Coupe Davis depuis 1976. Cette année-là, Adriano Panatta gagnait également Roland-Garros. Le dernier titre en Grand Chelem d’un Italien à ce jour.

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