Vingt ans d’union musicale à Lausanne
Dotée d’une nouvelle convention, la collaboration entre l’Orchestre de Chambre de Lausanne et l’HEMU - Haute École de Musique confirme sa pérennité
Antony Ernst, directeur exécutif de l’OCL et Noémie L. Robidas, directrice générale de l’HEMU, détaillent les concerts ambitieux proposés en 2024.
Chaque année, l’OCL accueille dans sa série des Grands Concerts un concert symphonique où les effectifs professionnels et étudiants des deux entités sont mélangés.
Antony Ernst: C’est un événement «gagnant-gagnant». L’OCL, en tant qu’orchestre de chambre, évolue dans un certain type de répertoire, et n’a pas, normalement, l’opportunité d’embrasser les grandes oeuvres symphoniques.
Noémie L. Robidas: Pour nos étudiants, c’est l’occasion de se plonger dans le bain professionnel. Ils savent que les musiciens de l’OCL ne font aucune concession et qu’ils doivent être à la hauteur de leurs attentes. Ils trouvent l’exercice exigeant mais c’est une étape de leur cursus qui les transforme. Ils gagnent en confiance et en posture professionnelle.
A. E.: Oui, l’exigence est absolue car c’est un concert d’abonnement pour notre public qui a les mêmes attentes que pour tout autre concert de l’OCL. C’est aussi une course contre la montre. Il faut être au niveau pour l’échéance du concert.
En 2024, ce concert aura lieu les 7 et 8 février avec la présence au programme du «Sacre du printemps» de Stravinsky. A. E.: Tout le monde est excité, fébrile… C’est un tel chef-d’oeuvre! Quelle opportunité extraordinaire pour l’orchestre de présenter pour la première fois cette pièce, une des rares à avoir changé l’histoire de la musique.
N. L. R.: Cette oeuvre emblématique suscite ici un engouement et un enthousiasme unanimes. Le fait que des jeunes la jouent aux côtés de l’OCL apportera une fougue, une fraîcheur que l’on retrouve à chaque fois lors de ces concerts conjoints.
A. E.: Il est vrai que le ressenti est différent de nos concerts habituels car ces jeunes sont dans la découverte de la vie de l’orchestre. Ce n’est d’ailleurs pas toujours évident de trouver le ou la cheffe pour un projet pareil. Il faut que ce soit quelqu’un de doué et d’inspirant, bien sûr, mais aussi quelqu’un de fédérateur. En février, ce sera la géniale Eva Ollikainen, cheffe finlandaise, passée par la célèbre Académie Sibelius. Elle a par ailleurs dirigé la création mondiale de l’autre oeuvre symphonique au programme, Archora, de la compositrice islandaise Anna Thorvaldsdottir qui s’inspire de l’école spectrale mais aussi de Ligeti. Je lui ai logiquement proposé d’en faire la création suisse. Elle a d’autant plus accepté que lors de la création mondiale, elle aurait souhaité l’associer au Sacre du printemps. Ce sera chose faite! Entre les deux, on aura le Concerto pour violoncelle no 1 de Chostakovitch avec Kian Soltani, un violoncelliste autrichien qui mène déjà une grande carrière à seulement 26 ans.
Autre spécificité de la collaboration: la carte blanche que l’OCL offre à l’HEMU chaque année dans le cadre de sa série des Dominicales.
N. L. R.: Merci à l’OCL de nous permettre cet espace de liberté. Cette fois, c’est l’HEMU Wind Orchestra qui sera mis à l’honneur. Nous avons la chance d’avoir dans notre école des classes de vents exceptionnels auxquelles nous nous devons de faire travailler un répertoire original et exigeant. Le dimanche 28 janvier, nous avons choisi un arrangement de L’Oiseau de feu de Stravinsky et des incontournables pour orchestre à vents comme la pièce Songs from the End of the World de John Mackey, l’un des compositeurs les plus prolifiques du moment. Et puisque le chef Ivan Meylemans est Belge, nous avons ajouté en clin d’oeil une pièce du compositeur belge Wim Henderickx, Skriet, qui fait référence au Cri de Munch. Deux oeuvres contemporaines à côté d’une page majeure de la musique.
Avez-vous des idées d’évolution future de ce partenariat?
N. L. R.: Nous souhaitons préparer nos étudiants à un éventail plus large des métiers de la musique, y compris hors de la scène, tels que les métiers de la régie, de la communication ou de la médiation, en développant une offre de stages. Ce serait des cordes de plus à leurs arcs pour devenir des musiciens complets.
A. E.: Nous-mêmes au sein de l’administration comptons beaucoup de musiciens, que ce soit à la bibliothèque, à la régie, à la billetterie ou pour les activités jeunesse. Leur formation musicale leur est très importante dans leur travail quotidien à l’orchestre.
N. L. R.: Notre responsabilité est de leur montrer l’étendue des options et des métiers qui s’offrent à eux. Avec cette collaboration OCL-HEMU, nous avons en quelque sorte le destin de l’écosystème de la musique entre nos mains. Orchestre de Chambre de Lausanne ■