Espèce de babouin!
Les zoologistes sont des gens sérieux. Lorsqu’ils découvrent une nouvelle espèce animale, ils la décrivent dans ses moindres détails – morphologie, comportement, répartition. Ils doivent aussi la baptiser, et se fondent pour ce faire sur la nomination binomiale imaginée par Carl von Linné au XVIIIe siècle. La méthode implique d’utiliser le latin, et de faire se succéder un nom de genre (Homo) et un nom d’espèce (sapiens). Mais les choses peuvent se gâter. Il arrive au latin animalier d’être victime de toutes sortes de barbarismes – c’est même devenu une tradition pour les dinosaures chinois: Shantungosaurus, Zhuchengtyrannus et alii mélangent allégrement les langues. Nommer une bête, ça peut aussi être l’occasion de faire passer un message politique en forme de blague. Tenez, en 2017, une espèce de mite mexicaine encore inconnue a été appelée Neopalpa donaldtrumpi – et il faut noter que l’ancien président des Etats-Unis a également donné son nom, certainement sans le vouloir (et peut-être même sans le savoir), à un oursin fossile datant du Crétacé inférieur.
Les noms vernaculaires (vache, tigre, truite…) réservent eux aussi des surprises. Voici l’histoire à tiroirs du nom du babouin – qui regroupe tous les singes du genre Papio.
On a longtemps cru que Buffon (17071788), lorsqu’il a décidé de renommer ces primates que depuis Hérodote on appelait «cynocéphales», avait choisi ce terme pour se moquer d’une famille de banquiers lyonnais – les Baboin – avec qui il était en délicatesse. La fable est belle, mais la philologie tend, sinon à l’invalider, du moins à la nuancer fortement. Le terme «babouin» (quelques fois orthographié «babüin») fait en effet son apparition au début du XIIIe siècle déjà, dans les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coincy. Au Moyen Age, «babouin» désigne volontiers un vieillard difforme; «baiser le babouin», explique le dictionnaire du
Centre national de ressources textuelles et lexicales, signifie alors «faire à contrecoeur quelque chose d’humiliant». Très rapidement, «babouin» est aussi utilisé pour décrire «un singe caractérisé par de grosses lèvres proéminentes», ce qui est tout à fait le cas de notre animal.
Quant à moi, je n’ai pas à me plaindre. Une des bestioles à porter mon patronyme est Strigister simoni – un petit coléoptère de la famille des Histeridés. Ces insectes sont connus pour avoir des pattes très aplaties, comme flottant dans un pantalon trop large – raison pour laquelle les anglophones les appellent «clown beetles». Bref, c’est tout moi.
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