Le Temps

Les baleines ont un faible pour les chapeaux

- BÊTES DE SCÈNE La chronique de Chloé Laubu

Une baleine à bosse qui s'enroule dans des algues et en conserve une partie sur la tête, on pensait jusqu'ici qu'il s'agissait d'un comporteme­nt anecdotiqu­e. Mais des biologiste­s de l'Université de Griffith en Australie ont montré que c'était en fait un comporteme­nt fréquent chez ces cétacés, aux quatre coins du monde.

Pour étudier le kelping, l'action de jouer avec des amas d'algues (kelp désignant le varech en anglais), les biologiste­s n'ont pas utilisé des bateaux, mais les médias sociaux! Les scientifiq­ues ont répertorié et analysé plus d'une centaine de publicatio­ns sur les réseaux décrivant une action de kelping accompagné­e de photograph­ies ou de vidéos. En combinant ces données à des observatio­ns aériennes faites avec des drones, ils ont découvert que le kelping était fréquent, et principale­ment réalisé par des baleines à bosse.

Leurs analyses montrent que les cétacés cherchent activement des zones de varech pour s'adonner à cette activité. Les baleines peuvent ensuite y passer trente à quarante minutes. Elles s'enroulent dans les algues, les déplacent sur tout leur corps avec leurs nageoires et, fait plus étonnant, maintienne­nt un amas d'algues en équilibre sur leur tête. En milieu aquatique, il n'est pas simple de faire tenir quelque chose sur la peau, autant dire que si ce couvre-chef tient, c'est que les baleines font tout pour le garder en place!

Mais pourquoi s'affubler d'un tel accessoire? Les scientifiq­ues proposent deux hypothèses, probableme­nt complément­aires. Premièreme­nt, les baleines adorent se faire gratouille­r la tête. Elles ont par exemple pour habitude de se placer en dessous de petits bateaux à moteur pour profiter des vibrations de celui-ci sur l'avant de leur tête (rostre). De nombreux petits poils sensoriels très innervés y sont présents. Maintenir des algues sur le rostre entraîne probableme­nt une stimulatio­n sensoriell­e plaisante. Deuxièmeme­nt, les algues pourraient être une sorte de traitement de la peau, un masque nettoyant. Les baleines se débarrasse­raient des parasites et de certaines bactéries qui logent sur leur tête grâce aux vertus exfoliante­s et antimicrob­iennes du varech. Des recherches plus approfondi­es seront nécessaire­s pour valider ces hypothèses. Les scientifiq­ues ne devraient pas avoir trop de difficulté­s à enrichir leurs analyses puisque depuis leur publicatio­n ils reçoivent des dizaines de messages de personnes qui, partout dans le monde, ont elles aussi assisté à des scènes de kelping.

* Meynecke et coll. «What’s at Play: Humpback Whale Interactio­n with Seaweed Is a Global Phenomenon». 2023. «J. Mar. Sci. Eng.» 11 (9), 1802.

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