Fribourg veut des transports ambitieux
Le 3 mars, la population du canton est appelée à se prononcer sur la recapitalisation des Transports publics fribourgeois à hauteur de 60 millions de francs. L’opération doit permettre de donner un coup d’accélérateur à la décarbonation de la flotte
Quand on pense aux Transports publics fribourgeois, il y a d’abord l’image d’Epinal du bus qui amène les randonneurs au lac Noir ou le nouveau Chocolat Express reliant directement Berne à l’arrêt Broc-Chocolaterie. Mais les TPF, c’est aussi une société en pleine expansion, qui vient de battre son record de fréquentation avec 37,5 millions de personnes transportées l’année dernière (un bond de +8,9% par rapport à 2022). L’entreprise souhaite profiter de ce contexte pour donner un grand coup d’accélérateur à sa transition vers une mobilité plus durable. Afin de s’en donner les moyens, elle a demandé au canton (actionnaire majoritaire à 75%) une opération de recapitalisation à hauteur de 60 millions de francs. Soumis au référendum financier obligatoire, le projet est au menu de la population fribourgeoise lors de la journée de votations du 3 mars prochain.
A Givisiez, siège des TPF, on se montre plutôt confiant. La recapitalisation est soutenue tant par le Conseil d’Etat que par le Grand Conseil, qui l’a largement acceptée (83 oui contre 13 non et une abstention). Reste que l’enjeu est de taille pour les transports publics du canton. «Un non dans les urnes ne changerait finalement pas l’objectif, mais ralentirait l’ensemble du processus et coûterait plus cher», relève Serge Collaud, le directeur des TPF. Pour lui, la décarbonation de la flotte est inéluctable, tant pour des raisons environnementales (le plan climat fribourgeois ambitionne de réduire les émissions à effet de serre de 50% d’ici à 2030) que financières – toujours en 2030, le Conseil fédéral mettra un terme aux ristournes sur le carburant pour le trafic régional.
Un projet de bus à hydrogène
«Cette transition, nous avons décidé de la faire «tout de suite et maintenant», martèle encore Serge Collaud. Selon les planifications, l’ensemble des 300 bus des TPF devraient être décarbonés en 2027 pour le trafic urbain (soit les agglomérations de Fribourg et de Bulle), et en 2033 pour le trafic régional. Le budget total de cette transformation se monte à 58,49 millions de francs.
Selon les TPF, la recapitalisation aurait l’avantage à la fois de limiter l’endettement et de libérer des moyens financiers rapidement. Ceux-ci permettront notamment de lancer un projet pilote de bus à hydrogène. Deux véhicules seront testés cet automne, dans le cadre d’un partenariat avec un autre pilier de l’économie fribourgeoise, le Groupe E, qui a mis en service la première centrale à hydrogène de Suisse occidentale au barrage de Schiffenen. L’hydrogène est potentiellement intéressant, car les TPF doivent résoudre la problématique de l’autonomie. Celle des véhicules électriques est aujourd’hui limitée à 200 km, tandis que certains de leurs bus régionaux dépassent les 350 kilomètres de parcours par jour.
Alors que s’approche le scrutin, c’est le calme plat en terre fribourgeoise. Aucun parti ne fait véritablement campagne contre le projet, les formations gardant leurs forces pour l’importante votation sur l’avenir du système cantonal hospitalier qui pourrait avoir lieu en juin. «On ne peut être que favorable à ce projet, ajoute le coprésident des Vert·e·s, Julien Vuilleumier, d’autant plus que le canton connaît une relativement bonne santé financière.» Député, il avait participé à la commission qui avait traité l’objet. «Mon seul reproche était alors que la décarbonation de la flotte ne s’inscrivait pas dans une stratégie globale en termes de développement durable, précise Julien Vuilleumier, ce qui a été corrigé depuis». En novembre 2023, les TPF présentaient en effet leurs cinq engagements pour une mobilité durable, comprenant 70 mesures, visant notamment à faire augmenter la part modale des transports publics à 22% en 2030 (contre 17,5% en 2015).
Suivi imposé par le Grand Conseil
Lors des débats parlementaires, le député UDC Stéphane Peiry avait été parmi les voix les plus critiques. Aux yeux de cet expert-comptable, l’opération demeure «risquée»: «Les TPF vont investir près de 600 millions de francs dans des technologies pas encore abouties, alors même que la société connaît une situation financière d’endettement».
S’il regrette toujours la difficulté qu’il a eue à obtenir des chiffres précis de la part du Conseil d’Etat, Stéphane Peiry a finalement accepté le décret de recapitalisation, après avoir réussi à faire accepter un amendement. Déposé conjointement avec le député écologiste François Ingold et accepté à l’unanimité du Grand Conseil, il oblige les TPF à un suivi régulier tant du point de vue économique que de la décarbonation.
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