Le marché de Rungis, l’ultrasensible ligne rouge
Bien que la situation se débloque sur certains axes routiers, les principaux syndicats d’agriculteurs de la région parisienne ont entamé hier leur «siège de la capitale pour une durée indéterminée»
C’est l’objectif le plus sensible de l’assaut lancé par les agriculteurs français sur Paris. Et probablement aussi la ligne rouge du gouvernement. Le «marché d’intérêt national» de Rungis, plus grand marché de produits frais au monde réservé aux professionnels (commerçants et restaurateurs), a remplacé en 1969 les Halles de Paris. Et en ce début de semaine, il est visé par la frange la plus radicale des agriculteurs français qui continuent à manifester dans tout le pays.
Avec ses 200 bâtiments sur 234 hectares coincés entre l’autoroute A6 et l’aéroport d’Orly, le marché de Rungis affirme pouvoir nourrir 18 millions de personnes, soit un Français sur quatre. C’est dans ce marché de gros, au statut particulier privé/ public, que se fournissent les professionnels de toute la région parisienne (65% des acheteurs) et bien d’autres. En 2022, 3 millions de tonnes de marchandises ont transité par Rungis pour un chiffre d’affaires de 10 milliards d’euros.
Autant dire que le laisser-faire gouvernemental – qui surprend de plus en plus – s’agissant des blocages autoroutiers par des agriculteurs en colère atteindrait là ses limites.
Blindés de la gendarmerie déployés par Gérald Darmanin
A la veille du discours de politique générale que doit prononcer ce mardi le tout nouveau premier ministre Gabriel Attal, lequel devrait à cette occasion lâcher une nouvelle salve de concessions, les principaux syndicats d’agriculteurs de la région parisienne ont entamé hier leur «siège de la capitale pour une durée indéterminée».
En bloquant plusieurs axes majeurs menant à Paris, dont l’A1, l’une des plus importantes autoroutes d’Europe, ils ont fait monter la pression sur le gouvernement. Et ce avec le soutien très apprécié de… Karine Le Marchand, l’animatrice star de L’amour est dans le pré, qui a rejoint les manifestants sur l’A4.
S’il appelle les forces de l’ordre à faire preuve de modération et à se contenter de sécuriser les blocages sans les empêcher, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a tout de même annoncé dimanche mobiliser 15 000 policiers pour que les manifestants n’entrent pas dans la capitale et ne puissent pas entraver le fonctionnement des aéroports parisiens ou de… Rungis.
Des blindés de la gendarmerie ont d’ailleurs été déployés aux portes de ce gigantesque et stratégique marché de gros.
La plupart des agriculteurs d’Ile-de-France assurent ne pas viser Rungis, fidèles à la volonté de modération du mouvement qui ne veut pas se mettre l’opinion à dos. Mais ce n’est pas le cas de certains autres.
«Rassembler toute la France profonde»
Un convoi d’une trentaine de tracteurs est effectivement parti hier matin d’Agen puis Bergerac, dans le sud-ouest du pays, à l’appel du syndicat Coordination rurale, minoritaire mais radical.
Destination: Rungis. En route, les leaders de ce mouvement comptent «rassembler toute la France profonde». Et ils assurent monter à Paris avec assez de ravitaillement pour tenir plus d’une semaine. Ils espèrent arriver sur place ce mardi soir.
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