Les Romands préfèrent discuter que faire grève
Comme en France, les paysans de la Suisse romande veulent faire entendre leurs revendications. Pas question toutefois pour eux de mener des actions qui pourraient nuire à leur image
La Suisse n’est pas la France, et les agriculteurs romands privilégient le dialogue aux barricades. Hier en début de matinée, les directeurs des chambres d’agriculture romandes se sont réunis pour une séance en ligne, répondant à un appel lancé la semaine dernière par le vice-directeur de l’Union suisse des paysans, Francis Egger.
«Contrairement à ce que l’on a pu lire dans certains médias, il ne s’agissait aucunement d’une réunion de crise en réaction aux événements du week-end en France, précise ce dernier. Nous constatons cependant que le mécontentement est bien présent chez nous aussi et nous devons trouver la meilleure voie pour faire entendre nos revendications.»
Pour ce faire, décision a été prise de lancer une pétition qui devrait être adressée tant à l’administration fédérale qu’à toute la chaîne de transformation et de commercialisation des produits agricoles. L’objectif étant d’obtenir une meilleure prise en compte de l’agriculture.
«Nous ne voulons pas d’économie sur le dos des paysans ces prochaines années au niveau fédéral, et nous aimerions que l’administration tienne mieux compte de la réalité du terrain plutôt que de promulguer sans cesse de nouvelles exigences contraignantes», détaille Francis Egger. Autre revendication, l’augmentation des prix payés aux producteurs de 5 à 10%. «Actuellement, le salaire médian d’un agriculteur est de 17 francs de l’heure. Toute la filière doit faire un effort.»
«Actuellement, le salaire médian d’un agriculteur est de 17 francs de l’heure. Toute la filière doit faire un effort» FRANCIS EGGER, VICE-DIRECTEUR DE L’UNION SUISSE DES PAYSANS
Si les agriculteurs romands disent partager les préoccupations exprimées par leurs voisins, pas question toutefois de bloquer des routes ou de mener des actions chocs. «La situation au niveau de nos organisations membres semble être actuellement sous contrôle en Suisse romande avec une volonté unanime de ne pas basculer dans l’illégalité, poursuit Francis Egger. Il serait faux d’en arriver aux mêmes extrémités que chez notre voisin. Ce n’est pas notre culture et les systèmes politiques des deux pays sont différents. Ici, on parvient généralement à obtenir des résultats concrets sans avoir besoin brûler des pneus.»
Mener de telles actions présenterait avant tout un risque de dérapage pour les agriculteurs, très soucieux de protéger leur image. Directeur de l’association vaudoise Prométerre, Martin
Pidoux redoute notamment que de grandes manifestations ne soient contre-productives: «Notre message pourrait être mal compris de la population, surtout si cela devait donner lieu à des dommages à la propriété.» Les pistes envisagées sont actuellement davantage portées sur la communication, avec par exemple la mise en avant de slogans dans les champs et aux abords des fermes.
A l’origine du groupe Facebook «Révolte agricole Suisse», qui fait beaucoup parler de lui ces derniers jours, Arnaud Rochat se dit aligné sur ce discours et cette façon de mener bataille. «Nous sommes prêts à aller plus loin si nécessaire pour nous faire entendre, mais nous ferons tout pour ne pas en arriver là. Nous avons du respect pour les gens qui bossent et nous ne voulons pas les déranger en bloquant le trafic, par exemple.»
Canaliser les colères
Si les manifestations françaises trouvent un certain écho de notre côté de la Sarine, avec notamment des panneaux de localités retournés ce week-end pour dire qu’ici aussi, «on marche sur la tête!», elles ne suscitent pas d’émules côté alémanique. Ce qui n’étonne guère le président de l’USP et conseiller national Markus Ritter (Le Centre/SG): «Nous ne vivons pas la même situation qu’en France ou en Allemagne. Nous avons remporté les dernières élections fédérales, les représentants des paysans ont un bon accès au Conseil fédéral, nous sommes bien représentés au parlement et nous nous entretenons régulièrement et de manière productive avec les différents acteurs économiques.»
Loin de lui toutefois l’envie de laisser entendre que les agriculteurs suisses ont la vie facile: «Il y a également des problèmes, mais nous essayons de canaliser les colères là où elles sont avant qu’elles n’éclatent. De discuter ensemble au sein de la branche et avec l’extérieur. Et la situation est calme.»
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