Le Temps

Les Romands préfèrent discuter que faire grève

Comme en France, les paysans de la Suisse romande veulent faire entendre leurs revendicat­ions. Pas question toutefois pour eux de mener des actions qui pourraient nuire à leur image

- BORIS BUSSLINGER, ZURICH ET ALEXANDRE STEINER @BorisBussl­inger @alexanstei­n

La Suisse n’est pas la France, et les agriculteu­rs romands privilégie­nt le dialogue aux barricades. Hier en début de matinée, les directeurs des chambres d’agricultur­e romandes se sont réunis pour une séance en ligne, répondant à un appel lancé la semaine dernière par le vice-directeur de l’Union suisse des paysans, Francis Egger.

«Contrairem­ent à ce que l’on a pu lire dans certains médias, il ne s’agissait aucunement d’une réunion de crise en réaction aux événements du week-end en France, précise ce dernier. Nous constatons cependant que le mécontente­ment est bien présent chez nous aussi et nous devons trouver la meilleure voie pour faire entendre nos revendicat­ions.»

Pour ce faire, décision a été prise de lancer une pétition qui devrait être adressée tant à l’administra­tion fédérale qu’à toute la chaîne de transforma­tion et de commercial­isation des produits agricoles. L’objectif étant d’obtenir une meilleure prise en compte de l’agricultur­e.

«Nous ne voulons pas d’économie sur le dos des paysans ces prochaines années au niveau fédéral, et nous aimerions que l’administra­tion tienne mieux compte de la réalité du terrain plutôt que de promulguer sans cesse de nouvelles exigences contraigna­ntes», détaille Francis Egger. Autre revendicat­ion, l’augmentati­on des prix payés aux producteur­s de 5 à 10%. «Actuelleme­nt, le salaire médian d’un agriculteu­r est de 17 francs de l’heure. Toute la filière doit faire un effort.»

«Actuelleme­nt, le salaire médian d’un agriculteu­r est de 17 francs de l’heure. Toute la filière doit faire un effort» FRANCIS EGGER, VICE-DIRECTEUR DE L’UNION SUISSE DES PAYSANS

Si les agriculteu­rs romands disent partager les préoccupat­ions exprimées par leurs voisins, pas question toutefois de bloquer des routes ou de mener des actions chocs. «La situation au niveau de nos organisati­ons membres semble être actuelleme­nt sous contrôle en Suisse romande avec une volonté unanime de ne pas basculer dans l’illégalité, poursuit Francis Egger. Il serait faux d’en arriver aux mêmes extrémités que chez notre voisin. Ce n’est pas notre culture et les systèmes politiques des deux pays sont différents. Ici, on parvient généraleme­nt à obtenir des résultats concrets sans avoir besoin brûler des pneus.»

Mener de telles actions présentera­it avant tout un risque de dérapage pour les agriculteu­rs, très soucieux de protéger leur image. Directeur de l’associatio­n vaudoise Prométerre, Martin

Pidoux redoute notamment que de grandes manifestat­ions ne soient contre-productive­s: «Notre message pourrait être mal compris de la population, surtout si cela devait donner lieu à des dommages à la propriété.» Les pistes envisagées sont actuelleme­nt davantage portées sur la communicat­ion, avec par exemple la mise en avant de slogans dans les champs et aux abords des fermes.

A l’origine du groupe Facebook «Révolte agricole Suisse», qui fait beaucoup parler de lui ces derniers jours, Arnaud Rochat se dit aligné sur ce discours et cette façon de mener bataille. «Nous sommes prêts à aller plus loin si nécessaire pour nous faire entendre, mais nous ferons tout pour ne pas en arriver là. Nous avons du respect pour les gens qui bossent et nous ne voulons pas les déranger en bloquant le trafic, par exemple.»

Canaliser les colères

Si les manifestat­ions françaises trouvent un certain écho de notre côté de la Sarine, avec notamment des panneaux de localités retournés ce week-end pour dire qu’ici aussi, «on marche sur la tête!», elles ne suscitent pas d’émules côté alémanique. Ce qui n’étonne guère le président de l’USP et conseiller national Markus Ritter (Le Centre/SG): «Nous ne vivons pas la même situation qu’en France ou en Allemagne. Nous avons remporté les dernières élections fédérales, les représenta­nts des paysans ont un bon accès au Conseil fédéral, nous sommes bien représenté­s au parlement et nous nous entretenon­s régulièrem­ent et de manière productive avec les différents acteurs économique­s.»

Loin de lui toutefois l’envie de laisser entendre que les agriculteu­rs suisses ont la vie facile: «Il y a également des problèmes, mais nous essayons de canaliser les colères là où elles sont avant qu’elles n’éclatent. De discuter ensemble au sein de la branche et avec l’extérieur. Et la situation est calme.»

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