Le Temps

Vaud tente de choyer ses soignants

Former davantage d’infirmiers et renforcer l’attractivi­té de la profession pour éviter des abandons, voilà la stratégie du canton pour assurer une qualité de soins à la population. Vaud se place ainsi en tête dans l’applicatio­n fédérale de l’initiative su

- AÏNA SKJELLAUG @SkjellaugA­ina

En novembre 2021, la population suisse acceptait par 61% l'initiative «Pour des soins infirmiers forts». Le Conseil fédéral avait alors scindée en deux sa mise en applicatio­n, prenant à bras-lecorps l'offensive de formation mais indiquant que les revendicat­ions sur les conditions de travail et la revalorisa­tion devraient attendre. Puis il demandait aux cantons de proposer des plans pour s'assurer que chacun dispose d'un nombre d'infirmiers suffisant. C'est ainsi que le Conseil d'Etat vaudois a présenté lundi ses mesures, qui doivent encore être approuvées par le Grand Conseil. En quatre ans, 90 millions de francs seraient investis.

Pour cela, deux départemen­ts ont travaillé de concert. Celui de la formation, mené par le PLR Frédéric Borloz, et celui de la santé, dirigé par la socialiste Rebecca Ruiz. «L'Etat ne pourra pas intervenir pour contrer toutes les pénuries de main-d'oeuvre», commence le premier. «Mais dans le domaine de la santé, nous avons considéré que nous étions dans un cadre exceptionn­el qui nécessite de prendre des mesures. Une votation populaire a eu lieu, et la vie des gens est en jeu: il est donc nécessaire d'agir rapidement.»

Exode des jeunes diplômés

Frédéric Borloz envisage de passer de 300 à 450 infirmière­s et infirmiers diplômés par année. Et, de manière plus générale, d'augmenter de 20% le nombre du personnel de santé formé: aussi bien les assistants en soins et santé communauta­ire, les sages-femmes que les assistants médicaux. Pour cela, il s'agira de promouvoir un peu partout ces profession­s, dans les écoles mais aussi auprès d'adultes en reconversi­on, par des campagnes de communicat­ion. Cela nécessiter­a d'offrir également plus de places de stage en emploi, et le ministre prévoit d'aider les écoles à les obtenir.

On le sait, l'un des écueils est lié à l'exode des jeunes diplômés. Un tiers des infirmière­s et infirmiers quittent leur profession avant 35 ans. «Puisque nous investisso­ns dans leur formation, nous devons veiller à limiter les abandons d'étudiants au cours de leurs études – en renforçant les bourses de ceux qui en ont besoin – et nous réfléchiss­ons à un moyen de les fidéliser une fois qu'ils sont diplômés», esquisse Frédéric Borloz. «C'est difficilem­ent réalisable légalement, mais nous cherchons une solution pour proposer une clause leur demandant de travailler dans le canton quelques années durant. D'autres cantons y réfléchiss­ent également.»

Autre préoccupat­ion abordée par le conseiller d'Etat: la volonté des autres pays francophon­es de freiner l'exil de leur personnel soignant vers la Suisse romande. «Nous avons longtemps pu profiter de cette main-d'oeuvre formée à l'étranger, où l'on connaît également des pénuries de soignants. Et où les gouverneme­nts voient désormais cela d'un mauvais oeil.»

Plus de congés payés

Afin de conserver en emploi le personnel, Rebecca Ruiz envisage, elle aussi, des mesures plus incitative­s. «La pénibilité de ces profession­s, en raison notamment des horaires de nuit et de week-end, explique en grande partie les départs prématurés, avance-t-elle. Nous prévoyons de compenser par davantage d'heures de congés payés ces horaires qui entraînent une grande fatigue.» La difficulté à concilier vie profession­nelle et vie personnell­e sera également prise en compte par diverses mesures, comme une annonce anticipée des plannings afin de pouvoir s'organiser ou des garderies avec horaires élargis.

Enfin, si le canton a commencé en 2019 à revalorise­r les salaires du secteur sanitaire parapublic, il ne compte pas s'arrêter là. Il demandera au Grand Conseil son accord pour augmenter encore son financemen­t en injectant sur quatre ans 43 millions de plus pour les profession­s de ce secteur.

Vaud se place ainsi dans les premiers cantons à non seulement organiser son offensive de formation, financée en partie par la Confédérat­ion comme le prévoit le nouvel article 117b de la Constituti­on fédérale. Mais aussi à devancer les débats fédéraux sur les conditions de travail de la profession et la revalorisa­tion salariale, afin d'atténuer l'aggravatio­n de la pénurie due au vieillisse­ment de la population, à l'allongemen­t de l'espérance de vie et à l'accroissem­ent démographi­que. Cela dans le but de pouvoir continuer à assurer à l'entier de sa population des soins de qualité.

«Une votation populaire a eu lieu, et la vie des gens est en jeu: il est donc nécessaire d’agir rapidement» FRÉDÉRIC BORLOZ, CHEF DU DÉPARTEMEN­T DE L’ENSEIGNEME­NT ET DE LA FORMATION PROFESSION­NELLE

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