Le Temps

Un feu vert pour l’Europe, et l’UDC voit rouge

ACCORD La Commission de politique extérieure du Conseil national a approuvé le projet de mandat de négociatio­n avec l’Europe présenté fin 2023 par le Conseil fédéral. L’UDC considère ce travail comme bâclé

- DAVID HAEBERLI, BERNE @David_Haeberli

«L’Union européenne est le principal partenaire commercial de la Suisse, qui a besoin d’une relation stable avec elle. L’approche par paquets a apporté des résultats positifs.» Laurent Wehrli, en ouvrant la conférence de presse qu’il avait convoquée hier comme président de la Commission de politique extérieure du Conseil national, a adopté le ton ferme de celui qui sait son propos explosif. «La majorité de la commission, par 16 voix contre 9 et aucune abstention, soutient l’ouverture de négociatio­ns avec l’UE», a annoncé le PLR vaudois. Cette communicat­ion est la première venant d’élus fédéraux depuis le 15 décembre 2023 et la présentati­on par le Conseil fédéral du projet de mandat de négociatio­n, suite à l’abandon de l’accord-cadre en mai 2021.

Les neuf représenta­nts de l’UDC au sein de la commission se sont retrouvés dans la minorité. Une position qui semble les avoir galvanisés, vu la rafale de propositio­ns qu’ils ont présentées, toutes écartées au vote. Sur la forme, ils considèren­t que le travail a été bâclé: présentati­on par le Conseil fédéral peu avant les congés de Noël, traduction tardive du texte rédigé dans un anglais juridique, délai de consultati­on trop court. Franz Grüter, conseiller national UDC lucernois, a assuré devant la presse que l’accord qui se dessine sur la base du projet de l’exécutif nuirait à la Confédérat­ion et que le combat pour l’indépendan­ce de la Suisse continue. «Les éléments qui ont provoqué l’abandon de l’accord-cadre sont encore présents dans ce projet. Il y a même eu une aggravatio­n», dira-t-il plus tard, lors du point de presse organisé séparément par son parti. Le communiqué de l’UDC parle de «capitulati­on honteuse».

Dans le détail, la commission estime que des développem­ents sont nécessaire­s dans quatre domaines: la protection des salaires, la libre circulatio­n des personnes, le transport ferroviair­e internatio­nal et un accord sur l’électricit­é. Lié par le secret des délibérati­ons, Laurent Wehrli n’a pas pu en dire plus. Tout juste a-t-il souligné qu’aucun commissair­e n’a fait de propositio­n en dehors des fameuses «zones d’atterrissa­ge» définies dans le document du Conseil fédéral. Les notes de frais que les travailleu­rs détachés en Suisse pourraient comptabili­ser selon les coûts de leur pays d’origine? Vu leur «très faible portée financière» et le recours pendant à la Cour européenne de justice venant d’un pays européen qui conteste cette manière de faire, il n’existe «aucune nécessité de définir une ligne rouge», a-t-il dit.

Vers un référendum obligatoir­e?

L’UDC tient un discours fort éloigné de ces considérat­ions juridiques. Le parti de la droite dure veut ramener le débat sur le plan des particular­ismes helvétique­s et de son autodéterm­ination supposémen­t menacée par ce projet. Ces premiers échanges ont démontré que ses élus avaient sur ce plan une maîtrise politique qui échappe à leurs adversaire­s. Ses commissair­es ont tenté, sans succès, de soumettre dès maintenant tout projet d’accord à un référendum obligatoir­e (double majorité du peuple et des cantons).

Réponse du président de la commission: «Il est trop tôt pour se déterminer sur le caractère facultatif ou obligatoir­e d’un référendum. Il faut d’abord connaître le contenu de l’accord.» Mais si les commissair­es, comme cela semble être le cas, sont convaincus de la nécessité d’un vote populaire, qu’est-ce qui les empêche de le dire immédiatem­ent? «Le respect des procédures.»

Face à ce silence, les UDC ont pu se poser en défenseurs des droits populaires. Thomas Aeschi, chef de groupe au parlement fédéral, compte sur la Conférence des gouverneme­nts cantonaux, en fin de semaine, pour qu’ils se prononcent en faveur d’un référendum obligatoir­e, car «ce serait dans l’intérêt des cantons».

Sans nouvel accord avec l’UE, quelles conséquenc­es pour l’économie suisse? En guise de réponse, Thomas Aeschi a cité le message d’un conseiller national PLR, chef d’entreprise, qui s’est ému d’avoir dû dépenser 5 millions de francs pour que les produits de son industrie continuent à être reconnus en Europe. Le prix pour continuer à vivre dans une démocratie directe sans rattacheme­nt institutio­nnel à l’UE, s’est-il hasardé? «Notre pays n’entrera pas dans une logique de centralisa­tion», a conclu le Zougois. ■

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