Un feu vert pour l’Europe, et l’UDC voit rouge
ACCORD La Commission de politique extérieure du Conseil national a approuvé le projet de mandat de négociation avec l’Europe présenté fin 2023 par le Conseil fédéral. L’UDC considère ce travail comme bâclé
«L’Union européenne est le principal partenaire commercial de la Suisse, qui a besoin d’une relation stable avec elle. L’approche par paquets a apporté des résultats positifs.» Laurent Wehrli, en ouvrant la conférence de presse qu’il avait convoquée hier comme président de la Commission de politique extérieure du Conseil national, a adopté le ton ferme de celui qui sait son propos explosif. «La majorité de la commission, par 16 voix contre 9 et aucune abstention, soutient l’ouverture de négociations avec l’UE», a annoncé le PLR vaudois. Cette communication est la première venant d’élus fédéraux depuis le 15 décembre 2023 et la présentation par le Conseil fédéral du projet de mandat de négociation, suite à l’abandon de l’accord-cadre en mai 2021.
Les neuf représentants de l’UDC au sein de la commission se sont retrouvés dans la minorité. Une position qui semble les avoir galvanisés, vu la rafale de propositions qu’ils ont présentées, toutes écartées au vote. Sur la forme, ils considèrent que le travail a été bâclé: présentation par le Conseil fédéral peu avant les congés de Noël, traduction tardive du texte rédigé dans un anglais juridique, délai de consultation trop court. Franz Grüter, conseiller national UDC lucernois, a assuré devant la presse que l’accord qui se dessine sur la base du projet de l’exécutif nuirait à la Confédération et que le combat pour l’indépendance de la Suisse continue. «Les éléments qui ont provoqué l’abandon de l’accord-cadre sont encore présents dans ce projet. Il y a même eu une aggravation», dira-t-il plus tard, lors du point de presse organisé séparément par son parti. Le communiqué de l’UDC parle de «capitulation honteuse».
Dans le détail, la commission estime que des développements sont nécessaires dans quatre domaines: la protection des salaires, la libre circulation des personnes, le transport ferroviaire international et un accord sur l’électricité. Lié par le secret des délibérations, Laurent Wehrli n’a pas pu en dire plus. Tout juste a-t-il souligné qu’aucun commissaire n’a fait de proposition en dehors des fameuses «zones d’atterrissage» définies dans le document du Conseil fédéral. Les notes de frais que les travailleurs détachés en Suisse pourraient comptabiliser selon les coûts de leur pays d’origine? Vu leur «très faible portée financière» et le recours pendant à la Cour européenne de justice venant d’un pays européen qui conteste cette manière de faire, il n’existe «aucune nécessité de définir une ligne rouge», a-t-il dit.
Vers un référendum obligatoire?
L’UDC tient un discours fort éloigné de ces considérations juridiques. Le parti de la droite dure veut ramener le débat sur le plan des particularismes helvétiques et de son autodétermination supposément menacée par ce projet. Ces premiers échanges ont démontré que ses élus avaient sur ce plan une maîtrise politique qui échappe à leurs adversaires. Ses commissaires ont tenté, sans succès, de soumettre dès maintenant tout projet d’accord à un référendum obligatoire (double majorité du peuple et des cantons).
Réponse du président de la commission: «Il est trop tôt pour se déterminer sur le caractère facultatif ou obligatoire d’un référendum. Il faut d’abord connaître le contenu de l’accord.» Mais si les commissaires, comme cela semble être le cas, sont convaincus de la nécessité d’un vote populaire, qu’est-ce qui les empêche de le dire immédiatement? «Le respect des procédures.»
Face à ce silence, les UDC ont pu se poser en défenseurs des droits populaires. Thomas Aeschi, chef de groupe au parlement fédéral, compte sur la Conférence des gouvernements cantonaux, en fin de semaine, pour qu’ils se prononcent en faveur d’un référendum obligatoire, car «ce serait dans l’intérêt des cantons».
Sans nouvel accord avec l’UE, quelles conséquences pour l’économie suisse? En guise de réponse, Thomas Aeschi a cité le message d’un conseiller national PLR, chef d’entreprise, qui s’est ému d’avoir dû dépenser 5 millions de francs pour que les produits de son industrie continuent à être reconnus en Europe. Le prix pour continuer à vivre dans une démocratie directe sans rattachement institutionnel à l’UE, s’est-il hasardé? «Notre pays n’entrera pas dans une logique de centralisation», a conclu le Zougois. ■