Si Elon Musk y croit, Neuralink peut-il le faire?
L’entrepreneur a annoncé mardi la pose d’un implant développé par la start-up dans le cerveau d’un patient humain. Il en a profité pour parler d’un futur produit, laissant entendre que son objectif ultime serait de mieux connecter le cerveau humain à la m
«Imaginez que Stephen Hawking puisse communiquer plus rapidement qu’un dactylographe ou un commissaire-priseur. Tel est l’objectif.» Sur la plateforme X, Elon Musk n’a pas caché mardi son enthousiasme en faisant référence au célèbre physicien britannique atteint d’une maladie neurologique décédé en 2018, bien au contraire. Neuralink, la start-up de neurotechnologie cofondée par l’entrepreneur américain en 2016, a posé son premier implant dans un cerveau humain. De quoi apporter de l’eau au moulin d’Elon Musk, qui en a profité pour annoncer le «premier produit» de la jeune pousse, intitulé «Telepathy».
Un nom qui en dit long sur les grandes ambitions de l’intéressé, qui promet que cet implant «permettra de déverrouiller son téléphone ou son ordinateur, et à travers eux presque n’importe quel appareil, juste par la pensée». Celui qui est aussi le patron de Tesla a précisé que Telepathy serait dans un premier temps réservé à des utilisateurs ayant perdu l’usage de leurs membres.
Elon Musk est un fin communicant. La pose d’un implant Neuralink dans le cerveau d’un patient humain va faire l’objet d’un suivi scientifique rigoureux. Une telle intervention nécessitera du recul pour en mesurer l’éventuel succès. Les fonctionnalités seront elles aussi examinées de près. Les promesses de l’entrepreneur s’apparentent donc encore à de la sculpture sur nuage, dans la mesure où la commercialisation n’est pas pour demain. Il le sait pertinemment, mais n’entend pas freiner ses ardeurs pour autant.
En 2020, le multimilliardaire américain avait déjà fait parler de sa start-up lors d’une présentation diffusée sur YouTube. Il y annonçait le développement d’implants cérébraux capables de soigner des maladies mentales, de guérir la cécité et la surdité, ou encore de découvrir la nature de la conscience humaine. La revue scientifique MITTechnology Review signalait à l’époque que toutes ces promesses ne reposaient alors sur aucun fait scientifique avéré.
Le fait qu’il y croit dur comme fer suffit pourtant à convaincre bon nombre d’investisseurs. En 2023, Neuralink a levé 323 millions de dollars pour le développement de ses implants cérébraux. A l’heure où l’intelligence artificielle (IA) s’immisce dans notre quotidien et devient un outil grand public, la perspective de créer une interface cerveau-machine séduit beaucoup de gens. Le patron de Tesla n’hésite d’ailleurs pas à présenter son implant comme un outil censé défendre l’espèce humaine contre la généralisation de l’IA.
Sur le plan scientifique, Neuralink a encore du pain sur la planche. L’étude, approuvée par les autorités américaines en mai 2023, s’étend sur une durée de six ans et les essais cliniques se limitent à des patients volontaires. Malgré tout, la start-up rejoint le cercle restreint des entreprises ayant pu poser un implant cérébral à un être humain. Ce n’est pas rien. D’ailleurs, Neuralink n’a pas encore communiqué officiellement sur cette étape à l’heure où ces lignes sont écrites, signe probable que l’entreprise ne veut pas se précipiter.
Repousser les limites
Les avancées scientifiques sont contraintes par des protocoles qui ne s’appliquent pas à Elon Musk. Il n’a jamais attendu avant de promettre monts et merveilles avec ses entreprises, et il se démarque par sa capacité à dépeindre un horizon qui, aux yeux de certains, semble désirable.
SpaceX n’a pas encore atteint ses objectifs avec sa fusée Starship, mais ses satellites Starlink se comptent par millier dans l’orbite terrestre. Tesla et ses voitures autonomes n’ont pas encore inondé les routes de véhicules sans conducteur, elles se sont malgré tout frayé un chemin dans le secteur automobile.
Le réseau social X se cherche toujours, entre scandales et revirements stratégiques, mais reste un lieu incontournable de la parole publique. Et pourtant, l’entrepreneur continue de lever des sommes considérables, parce qu’il s’adresse à un public qui partage son idée selon laquelle la technologie, un jour, résoudra tous les problèmes de l’humanité.
Tout cet argent sert bel et bien à repousser les limites de l’imaginable. En 2020, rares étaient ceux qui imaginaient que Neuralink obtiendrait un jour les autorisations nécessaires pour tester ses implants sur des êtres humains. Quatre ans plus tard, l’entreprise a déjoué les pronostics, donnant une fois de plus à Elon Musk les atours d’un visionnaire. ■