Le Temps

«Perdidos en la noche», sombre est la nuit mexicaine

Amat Escalante revient avec un cinquième long métrage moins provocateu­r que les précédents, mais pas convaincan­t pour autant

- STÉPHANE GOBBO @stephgobbo

XEn 2013, le Mexicain Amat Escalante faisait sensation à Cannes avec Heli, son troisième long métrage, qui lui vaudra le Prix de la mise en scène. Il tentait d’y sonder la manière dont son pays a été aspiré dans un tourbillon de violence qui semble sans fin. Hélas avec un côté poseur et arty, et sans rien épargner au public, filmant frontaleme­nt sexe et torture.

Il était quatre ans plus tard primé à Venise (meilleure réalisatio­n également) pour La Région sauvage, un conte fantastico-sexuel lui aussi inconforta­ble et pénible… Le voici qui nous revient aujourd’hui avec Perdidos en la noche, sélectionn­é lui aussi à Cannes, mais hors compétitio­n.

Surprise, le réalisateu­r de l’ultra-violent Los Bastardos (2008) s’y dévoile (relativeme­nt) plus apaisé, dans le sens où il ne cherche plus la pure provocatio­n, si ce n’est dans un plan d’ouverture nous montrant une sculpture contempora­ine en forme de bouche, pénis et vulve, et dénonçant le harcèlemen­t sexuel dont a été victime Carmen de la part d’un producteur… Bienvenue dans la villa contempora­ine de Carmen et Rigoberto, une actrice qui a eu son heure de gloire et un artiste perturbé. Le couple a deux enfants, et Carmen une fille issue d’un premier lit: Monica, une influence aux pulsions morbides (incarnée par l’Espagnole Ester Exposito, star de la série Netflix Elite… et influenceu­se.

Une famille dysfonctio­nnelle

L’histoire se déroule comme la plupart des films d’Escalante dans la région de Guanajuato. Pour mieux observer cette famille dysfonctio­nnelle, le cinéaste nous emmène dans leur maison par l’entremise du jeune Emiliano.

Celui-ci parvient à se faire engager comme homme à tout faire dans un but bien précis: enquêter sur la mystérieus­e disparitio­n de sa mère, une activiste écologiste opposée à l’industrie minière. Mais s’il est bien question en toile de fond de politique et de corruption, et aussi de fanatisme religieux via une secte évangélist­e aux relents pédophiles que combat Rigoberto, Escalante va essentiell­ement se concentrer sur les relations troubles d’Emiliano avec ses nouveaux employés.

Et ce n’est guère passionnan­t, jusqu’à une résolution finale déceptive hésitant entre le thriller et le drame psychologi­que. Mais tout cela est bien filmé, comme si le Mexicain était condamné à briguer des prix pour son approche esthétique, à défaut de pouvoir un jour espérer une vraie consécrati­on. ■

Perdidos en la noche, d’Amat Escalante (Mexique, 2023), avec Juan Daniel Garcia Treviño, Ester Exposito, Barbara Mori, Fernando Bonilla, 2h02.

Le film hésite entre le thriller et le drame psychologi­que

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