«Perdidos en la noche», sombre est la nuit mexicaine
Amat Escalante revient avec un cinquième long métrage moins provocateur que les précédents, mais pas convaincant pour autant
XEn 2013, le Mexicain Amat Escalante faisait sensation à Cannes avec Heli, son troisième long métrage, qui lui vaudra le Prix de la mise en scène. Il tentait d’y sonder la manière dont son pays a été aspiré dans un tourbillon de violence qui semble sans fin. Hélas avec un côté poseur et arty, et sans rien épargner au public, filmant frontalement sexe et torture.
Il était quatre ans plus tard primé à Venise (meilleure réalisation également) pour La Région sauvage, un conte fantastico-sexuel lui aussi inconfortable et pénible… Le voici qui nous revient aujourd’hui avec Perdidos en la noche, sélectionné lui aussi à Cannes, mais hors compétition.
Surprise, le réalisateur de l’ultra-violent Los Bastardos (2008) s’y dévoile (relativement) plus apaisé, dans le sens où il ne cherche plus la pure provocation, si ce n’est dans un plan d’ouverture nous montrant une sculpture contemporaine en forme de bouche, pénis et vulve, et dénonçant le harcèlement sexuel dont a été victime Carmen de la part d’un producteur… Bienvenue dans la villa contemporaine de Carmen et Rigoberto, une actrice qui a eu son heure de gloire et un artiste perturbé. Le couple a deux enfants, et Carmen une fille issue d’un premier lit: Monica, une influence aux pulsions morbides (incarnée par l’Espagnole Ester Exposito, star de la série Netflix Elite… et influenceuse.
Une famille dysfonctionnelle
L’histoire se déroule comme la plupart des films d’Escalante dans la région de Guanajuato. Pour mieux observer cette famille dysfonctionnelle, le cinéaste nous emmène dans leur maison par l’entremise du jeune Emiliano.
Celui-ci parvient à se faire engager comme homme à tout faire dans un but bien précis: enquêter sur la mystérieuse disparition de sa mère, une activiste écologiste opposée à l’industrie minière. Mais s’il est bien question en toile de fond de politique et de corruption, et aussi de fanatisme religieux via une secte évangéliste aux relents pédophiles que combat Rigoberto, Escalante va essentiellement se concentrer sur les relations troubles d’Emiliano avec ses nouveaux employés.
Et ce n’est guère passionnant, jusqu’à une résolution finale déceptive hésitant entre le thriller et le drame psychologique. Mais tout cela est bien filmé, comme si le Mexicain était condamné à briguer des prix pour son approche esthétique, à défaut de pouvoir un jour espérer une vraie consécration. ■
Perdidos en la noche, d’Amat Escalante (Mexique, 2023), avec Juan Daniel Garcia Treviño, Ester Exposito, Barbara Mori, Fernando Bonilla, 2h02.
Le film hésite entre le thriller et le drame psychologique