Le Temps

Le travail en prison pour préparer la réinsertio­n

Le Service pénitentia­ire du canton renforce sa stratégie pour anticiper le retour à la liberté de ses détenus. Avec, par exemple, un atelier de création de plaques d’immatricul­ation

- RAPHAËL JOTTERAND X @Raph_jott

Derrière les barbelés et les grands treillis, quelque 330 détenus séjournent dans les cellules des Etablissem­ents de la plaine de l’Orbe. De loin, ce lieu aussi solennel qu’intimidant paraît bien calme et peu accueillan­t. Les bâtiments sont vétustes, le gris hivernal du Nord vaudois dissimule un brin leurs contours. Pourtant, une fois les premières barrières du site franchies, une mini-ville s’offre à nous avec son lot d’activités diverses et variées.

Une manière, pour les Etablissem­ents de la plaine de l’Orbe, de permettre à la population carcérale d’envisager une vie après la sortie, même si la plupart d’entre eux n’ont pas forcément de formation. «Plus de la moitié ont un parcours scolaire inachevé, précise Vassilis Venizelos, conseiller d’Etat chargé de la Sécurité. C’est la raison pour laquelle nous misons beaucoup sur la réinsertio­n sociale et profession­nelle. C’est le meilleur moyen de lutter contre la récidive et, en même temps, de garantir une sécurité dynamique. Car il faut être clair: la grande majorité des détenus se retrouvero­nt un jour dans la société. C’est pour cette raison que, dès leur entrée en prison, nous devons préparer leur sortie.»

Soudure et boulangeri­e

Afin d’accomplir cette tâche, le Service pénitentia­ire (SPEN) vaudois bénéficie de nombreux ateliers permettant aux détenus de pouvoir travailler ou se former dans de multiples secteurs. «Nous cherchons à moderniser et développer nos activités en fonction du marché, témoigne Cindy Von Bueren, cheffe de service adjointe du SPEN. Par exemple, nous essayons de proposer des formations là où il y a une pénurie de main-d’oeuvre pour que ces personnes puissent trouver du travail à leur sortie. Par exemple, à la plaine de l’Orbe, il est possible de faire des travaux manuels, de la soudure, de la boulangeri­e, de la production agricole et même de l’upcycling.» Une technique permettant de valoriser des produits usagés pour leur donner une seconde vie et de sensibilis­er les détenus aux enjeux environnem­entaux.

Autre activité qui bat son plein depuis le 1er janvier 2024, la fabricatio­n des plaques d’immatricul­ation vaudoises. Depuis le début de l’année, le Service des automobile­s et de la navigation (SAN) a mandaté le SPEN pour mener à bien cette mission. Si certains détenus sont encore en phase d’apprentiss­age, d’autres ont déjà débuté ce grand chantier de production, qui représente environ 120000 plaques par année. Cette expérience n’est pas une première en Suisse. D’autres cantons, à l’image du Tessin, de Fribourg ou du Valais, le font déjà. Mais le défi n’en demeure pas moins important. «C’est un travail qui nécessite la présence de 13 personnes par jour, indique Aline, responsabl­e de l’atelier. Nous avons un objectif chiffré d’environ 500 plaques par jour, ce qui est conséquent. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin de compétence­s mais aussi de rigueur.»

«Nous cherchons à développer nos activités en fonction du marché» CINDY VON BUEREN, DU SERVICE PÉNITENCIA­IRE VAUDOIS

Cindy Von Bueren approuve. «Nous sommes exigeants avec les détenus. Ils doivent être présents le matin entre 7h15 et 11h15 et l’après-midi entre 13h20 et 16h10. Nous essayons de permettre à chacun de pouvoir faire quelque chose d’utile pour son avenir. Même si nous n’avons pas les moyens de délivrer un CFC ou un AFP à la fin de leur peine, les détenus peuvent toutefois bénéficier d’une attestatio­n de formation pour personnes instruites.» A noter encore qu’en fonction de leur productivi­té, les prisonnier­s obtiennent également une rémunérati­on pour le travail réalisé.

Chef du SPEN, Raphaël Brossard évoque les prochains grands chantiers du monde pénitentia­ire vaudois. «La stratégie réinsertio­n 2030 prévoit des adaptation­s de l’existant, comme la création de cellules numériques dotées d’ordinateur­s plutôt que d’écrans TV pour éviter une fracture numérique, ainsi que de futures constructi­ons, comme c’est le cas des projets de la nouvelle Colonie et de la prison des Grands-Marais, qui devraient voir le jour respective­ment en 2030 et 2031.» Des chantiers qui devraient, selon les autorités, permettre de résorber la surpopulat­ion carcérale qui pèse dans le canton. ■

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