Convaincre l’Asie de l’utilité d’une médiation suisse sur l’Ukraine
Ignazio Cassis s’envole pour une tournée asiatique afin d’expliquer le «sommet global pour la paix» dont il a pris l’initiative. Il écoutera en particulier ses homologues indien et chinois, deux poids lourds des BRICS+
Gagner le soutien du «Sud» pour organiser un sommet global pour la paix en Suisse. C’est avec cet objectif qu’Ignazio Cassis visitera l’Inde, la Corée du Sud, la Chine et les Philippines du 5 au 8 février. Pour le conseiller fédéral, dont l’initiative a été bien accueillie en Suisse et bénéficie du soutien des «Occidentaux», il s’agit d’élargir un ensemble d’Etats susceptibles d’amener, en dernier ressort, la Russie à la table des discussions. Pour avoir une chance de réussite, cette démarche doit sinon trouver un clair soutien de Pékin dans l’immédiat, du moins obtenir son écoute.
«La Chine a un rôle central au sein des BRICS+. C’est une voix très écoutée par le Sud au Conseil de sécurité, explique Nicolas Bideau, responsable de la communication du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Et c’est un pays très actif sur le plan multilatéral.» Lors de son récent passage à Berne, le premier ministre Li Qiang a indiqué que la Chine était ouverte à la discussion sur l’Ukraine. Ignazio Cassis sera reçu par le directeur de la Commission centrale des affaires étrangères du Comité central du Parti communiste chinois, Wang Yi, le plus haut responsable diplomatique, ainsi que par le vice-président, Han Zheng.
Après avoir présenté sa «position politique» sur le conflit ukrainien l’an dernier, la Chine n’a pas donné d’impulsion pour un effort de paix. Elle s’est au contraire davantage solidarisée avec la Russie. Elle serait toutefois intéressée par le savoirfaire suisse en matière de médiation. Contrairement à Moscou, Pékin estime que Berne reste un acteur crédible et neutre. C’est ce qu’a réaffirmé l’ambassadeur de Chine en Suisse, Wang Shiting, lors du Forum Horizon organisé hier par Le Temps à l’IMD de Lausanne, en partenariat avec Cité Gestion. «La Suisse a une longue tradition et sa propre interprétation de la neutralité que nous respectons», a-t-il déclaré. Une position qui s’explique par le fait que le Conseil fédéral, malgré des pressions au parlement, n’a pas repris les sanctions européennes visant des individus en Chine tenus pour responsables de la répression des minorités au Xinjiang. Ce serait en effet une ligne rouge pour Pékin. «Contrairement à la Russie qui questionne son rôle, du fait des sanctions suisses qui la frappent, la Chine affiche un fort soutien à la Genève internationale, poursuit Nicolas Bideau. La Suisse n’a pas d’agenda caché.»
Observateurs neutres
Autre poids lourd des BRICS+, l’Inde a participé à plusieurs rondes de discussions du plan de paix ukrainien qui ont précédé l’initiative suisse, y compris à Davos. Partenaire économique et militaire historique de la Russie, l’Inde a sa propre lecture du conflit ukrainien. Elle est par ailleurs en compétition avec la Chine. C’est le ministre indien des Affaires étrangères,
Subrahmanyam Jaishankar, qui s’en expliquera avec Ignazio Cassis. La Corée du Sud et les Philippines, intégrées ou proches du «camp occidental», sont deux autres voix asiatiques et du «Sud» qui permettront de prendre le pouls d’une initiative qui en est à ses premiers pas. «Notre statut de membre non permanent du Conseil de sécurité facilite grandement nos rendez-vous», précise Nicolas Bideau.
Au sein de ce Conseil de sécurité, la Suisse a pu aussitôt rejoindre un groupe de travail sur les tensions entre les deux Corées alors que celles-ci redoublent ces derniers mois. Des militaires suisses font par ailleurs office d’observateurs neutres, côté sud, de l’armistice signé il y a 70 ans. Aux Philippines, la Suisse est impliquée dans le contrôle du processus de paix sur l’île de Mindanao. ■