Le Temps

Roche est à la recherche d’un nouvel élan

L’effondreme­nt des ventes de produits liées au covid a encore eu un impact sur les chiffres du géant bâlois

- ÉTIENNE MEYER-VACHERAND @etiennemey­va

Pour Roche, les années post-pandémie se suivent et se ressemblen­t. L’an dernier, le géant bâlois prévenait que la baisse des ventes de produits liées au covid, qui avait déjà tiré ses résultats de 2022 vers le bas, continuera­it d’avoir un impact sur l’exercice 2023. Les résultats publiés hier ne représente­nt donc pas une surprise. Le chiffre d’affaires a fléchi de 7% à 58,72 milliards de francs. Le groupe pointe néanmoins une croissance de 1% à taux de change constants, soulignant l’impact du franc fort et de la concurrenc­e des biosimilai­res sur ses résultats. Son bénéfice a lui aussi baissé, à 12,4 milliards (-9%).

Avec la fin de la pandémie, les ventes de l’unité Diagnostic­s s’élèvent à 14,1 milliards (-13,1% à taux de change constant), tandis que celles de la division Pharmaceut­icals progressen­t de 6% pour un total de 44,6 milliards. Ces chiffres sont portés en partie par les ventes du Vabysmo, son traitement ophtalmolo­gique mis sur le marché en 2022. Celui-ci a atteint les 2,4 milliards de francs de chiffre d’affaires, contre 591 millions en 2021. «Vabysmo a un potentiel de croissance nettement plus élevé, car il est le médicament le plus compétitif sur ce marché. Nous prévoyons qu’il atteindra un chiffre d’affaires maximal de 8 milliards de francs», estime Stefan Schneider, analyste pour la banque Vontobel.

Malgré tout, Roche n’a pas encore tout à fait fini d’essuyer le contrecoup des ventes de produits liées à la pandémie. «Pour ce qui est du covid, le résultat du premier trimestre 2024 sera encore affecté, car les ventes de Ronapreve [traitement utilisé contre le covid, ndlr] se sont élevées à 587 millions de francs pour les trois premiers mois de 2023, souligne Stefan Schneider. En 2024, les effets de change auront toujours un impact, tout comme l’érosion liée aux biosimilai­res de l’Avastin, de l’Herceptin et du Rituxan.»

En bourse, Roche a continué à chuter. En 2022, sa valeur au SMI a reculé de 23%. Le mouvement s’est ralenti pour l’année écoulée, mais son titre a tout de même perdu un peu moins de 16%. Il y a deux ans, le géant bâlois, réputé pour ses capacités d’innovation, a essuyé plusieurs échecs dans des essais cliniques prometteur­s. «Selon nous, après 2025, nous observeron­s le déficit de croissance lié aux essais de phase III [dernière étape des essais cliniques, ndlr] qui ont échoué en 2022. Ces échecs ont déclenché une révision des processus de Roche et nous assisteron­s probableme­nt à d’autres réorganisa­tions et adaptation­s», estime Stefan Schneider. Hier à la cloture, le titre de Roche a chuté de 5,65% à 247 francs, alors que son indice de référence, le SMI, a reculé de 1,05%.

Des achats stratégiqu­es

En septembre, son directeur, Thomas Schinecker, qui a pris ses fonctions il y a tout juste un an, déclarait que le groupe pharmaceut­ique était prêt à se lancer dans des achats. Une manière de renflouer son portefeuil­le de traitement­s en développem­ent, particuliè­rement en phase III, dégarni par plusieurs échecs. Un mois après ce changement de posture, Roche rachetait l’américain Telavant pour 7,1 milliards de dollars.

Une acquisitio­n qui lui a permis de mettre un pied dans le domaine des maladies inflammato­ires de l’intestin. Telavant met au point un médicament destiné à traiter la rectocolit­e hémorragiq­ue (RCH) et la maladie de Crohn.

L’intérêt du géant bâlois s’est aussi porté sur Carmot Therapeuti­cs, un laboratoir­e américain qui développe un traitement destiné à traiter le diabète et l’obésité. En 2018, Roche avait abandonné ce segment en vendant un traitement reposant sur une activation de l’hormone GLP-1 en le vendant à Eli Lilly. Un principe qui fait aujourd’hui de l’américain et de son concurrent danois Novo Nordisk, les entreprise­s les plus en vue du secteur. «Il y a beaucoup de choses que nous ne savions pas à l’époque dans le domaine des maladies cardiovasc­ulaires liées au métabolism­e. Parfois ce n’est pas plus mal pour une entreprise de se retirer et de laisser la science évoluer», précise Teresa Graham, directrice de la division Pharmaceut­icals de Roche.

Obésité et alzheimer

Le prix d’achat de Carmot Therapeuti­cs s’élève à 2,7 milliards de dollars. Une somme qui se justifie au regard du potentiel du marché. «Je ne pense pas que la question soit de rattraper ou non Eli Lilly et Novo Nordisk, estime Teresa Graham. Notre objectif est de proposer la génération suivante de traitement contre l’obésité.» L’ambition du groupe comme l’a indiqué Thomas Schinecker hier est aussi de combiner ce traitement avec une autre de ses molécules destinée à lutter contre la perte de masse musculaire.

«Selon nous, les récentes acquisitio­ns de Roche ajoutent des actifs intéressan­ts à son pipeline, même si nous espérions qu’ils soient davantage en phase finale de développem­ent. En outre, ces acquisitio­ns n’entrent pas dans les domaines thérapeuti­ques actuels de Roche et, par conséquent, en cas de succès, elles nécessiter­aient des investisse­ments de lancement élevés», relève Stefan Schneider.

Alors qu’il y a un peu plus d’une semaine, la biotech vaudoise AC Immune révélait la fin de son partenaria­t avec Roche autour du développem­ent d’un traitement contre alzheimer, le géant bâlois indique tout de même ne pas en avoir fini avec cette maladie malgré ses échecs précédents. Il entend désormais se concentrer sur le Trontinema­b. «Il n’est jamais facile de mettre fin à un partenaria­t, reconnaît Teresa Graham. Le fonctionne­ment biologique de cette maladie continue de se révéler à nous. Nous voulons avoir un impact le plus rapidement possible et nous misons donc sur un traitement capable d’agir sur les zones du cerveau touchées avec une grande précision.»

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland