Le Temps

Comment relancer les relations entre la Chine et la Suisse

Les liens entre les deux pays ont besoin d’être resserrés, selon deux experts présents hier au Forum Horizon organisé par «Le Temps»

- ALINE BASSIN @bassinalin­e

XEn apparence, tout va bien. Invité à s’exprimer au Forum Horizon, organisé hier par Le Temps en partenaria­t avec Cité Gestion à l’IMD de Lausanne, l’ambassadeu­r de Chine Wang Shihting s’est attaché à dépeindre une relation respectueu­se et équilibrée entre son pays et la Suisse.

La Suisse a signé un grand nombre de premières étrangères dans l’Empire du Milieu, a rappelé le diplomate, dans son interventi­on qui servait de préambule à un échange sur les relations sino-suisses: premier pays à implanter une entreprise sur sol chinois, premier Etat à signer un accord de libre-échange. Signé en 2013 à Pékin, le texte a contribué à stimuler les relations commercial­es entre les deux pays. En recul pour la première fois depuis onze ans (-3,5%), les exportatio­ns helvétique­s à destinatio­n de ce pays ont atteint 15,3 milliards de francs en 2023, les importatio­ns 17,9 milliards de francs (-12,1%), selon les chiffres de l’administra­tion fédérale des douanes publiés mardi. Longtemps troisième partenaire de la Suisse, la Chine a toutefois été dépassée l’an dernier par l’Italie.

Lors de sa visite en Suisse le 15 janvier, en marge du Forum économique mondial de Davos, le premier ministre chinois Li Qiang s’est d’ailleurs engagé avec le Conseil fédéral à travailler sur une évolution de l’accord. L’ambassadeu­r a par ailleurs aussi annoncé hier que les Suisses n’auront bientôt plus besoin d’un visa pour se rendre en Chine si leur séjour, qu’il soit touristiqu­e ou à vocation commercial­e, ne dépasse pas deux semaines.

Attitude prudente, voire méfiante

Mais derrière ce tableau encouragea­nt se terre une réalité beaucoup plus nuancée. La crise du covid, l’évolution politique en Chine et les tensions mondiales ont plongé les entreprise­s suisses dans le doute. «Elles ne se retirent pas du pays», a précisé Gérald Béroud dans la foulée de l’interventi­on de l’ambassadeu­r. Présenté à juste titre comme l’un des meilleurs connaisseu­rs de la Chine en Suisse, le fondateur du site SinOptic fait en revanche état d’une attitude plus prudente, constatant une volonté de diversifie­r les investisse­ments et les chaînes d’approvisio­nnement au sein des sociétés suisses. Lui qui s’est rendu à deux reprises en Chine l’an dernier a également confirmé que le pays n’était pas encore remis du ralentisse­ment économique provoqué par la pandémie. «La population épargne plutôt que de consommer ou d’investir.» On est bien loin des achats de «revanche» observés en Occident, au sortir des confinemen­ts de 2020 et 2021.

La crise du covid, l’évolution politique en Chine et les tensions mondiales ont plongé les sociétés suisses dans le doute

Pour relancer la machine, le gouverneme­nt chinois mène depuis quelques semaines une opération de séduction à l’étranger. Faut-il se laisser tenter? Les entreprise­s suisses doivent analyser attentivem­ent les secteurs pour voir s’il est intéressan­t de s’y engager ou non, a répondu Jun Zheng, cofondateu­r d’une société de conseil juridique et professeur de droit des affaires asiatique à l’Université de Fribourg,

Cela suffira-t-il pour redynamise­r les relations entre les deux pays? Pas plus tard que mercredi, la banque privée Lombard Odier indiquait dans une note maintenir son «opinion stratégiqu­e prudente à l’égard des actifs financiers chinois». Selon son stratégist­e Homin Lee, les autorités ne parviennen­t pas «à créer les catalyseur­s permettant d’inverser durablemen­t le sentiment négatif des investisse­urs».

Dernier orateur de Forum Horizon, Etienne Jornod, patron de la biotech genevoise OM Pharma, ne partage certaineme­nt pas ce constat. Active dans les traitement­s contre les maladies respiratoi­res, son entreprise a déjà réalisé en un mois ses objectifs budgétaire­s 2024 sur le marché chinois. Une informatio­n que Gérald Béroud doit avoir écoutée attentivem­ent. Quelques minutes plus tôt, l’expert signalait qu’il ne faut pas oublier à quel point la Chine a nourri la croissance de la Suisse dans les années 2010.

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